CHAPITRE 11 (1/3)

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Nous sommes jeudi, et j’ai encore passé une nuit sans sommeil. Je n’ai pas arrêté de ressasser les mots de la psy. Elle ne peut pas sérieusement croire que je suis surdouée. Franchement, je m’en serais aperçue, et les autres autour de moi aussi. Je vais annuler le rendez-vous de demain, inutile de perdre mon fric et mon temps. D’un autre côté, elle a l’habitude de voir du monde, elle doit bien avoir développé comme un sixième sens… Un peu de courage, Zoé, pour une fois dans ta vie, affronte la réalité. Il n’y a rien de dramatique à passer ce fameux Wisc, et, quel que soit le résultat, ça ne changera rien à qui je suis.

Je pars au boulot, l’esprit occupé et préoccupé. Je discute beaucoup, avec mes dépouilles, du dilemme qui me perturbe, et ça me permet de me poser et de réfléchir. C’est incroyable comme les morts peuvent m’aider à y voir plus clair.

Je termine ma journée plutôt guillerette, et vais voir Fathia. Elle va de mieux en mieux chaque fois, et j’espère pouvoir entendre rapidement le son de sa voix. Je suis sur un petit nuage de positivité quand je pousse la porte de mon appartement. Cette fois, je suis décidée, je passe le test demain soir. Je suis attablée devant ma pizza maison (je l’ai mise moi-même au four), lorsqu’un bip annonçant un Whatssap me coupe l’appétit d’un coup, et pourtant, il en faut… Clara ! J’hésite à l’ouvrir. Elle va forcément savoir que je l’ai lu, et comme je lui en veux encore, j’ai envie de la bouder. Hélas, ma curiosité innée est infoutue de résister plus de deux ridicules secondes, surtout qu’une deuxième alerte sonore retentit, propulsant mon vilain défaut à son paroxysme.

Clara : Si tu es toujours vivante, tu as intérêt à ne pas zapper le 2d WE de septembre. Autrement, c’est moi qui te tuerai.

Clara : Je suis bien claire ???????

Son message me laisse sur le cul. Elle en a, du toupet !

Moi : Clara, je n’entends pas parler de toi depuis des semaines et tu me menaces pour ton WE pourri ? Je n’en ai rien à battre. Va te faire foutre, tu n’avais qu’à pas m’abandonner ! Démerde-toi !

Est-ce vraiment comme ça, que je compte répondre à sa tentative pour renouer contact ? Non, ça serait ridicule et puéril de ma part. Par miracle, je prends conscience que c’est une mauvaise idée, une fraction de seconde avant d’appuyer sur « envoyer ». Je ne peux pas me permettre de la perdre définitivement. J’efface. Je prends une grande inspiration afin d’éviter à mon imbécile de cerveau d’écrire n’importe quoi sous le coup de la colère, car je sais que je le regretterai ensuite. J’applique les quelques conseils que la psy m’a donnés. Je respire profondément et lentement, vingt fois, et j’essaie de faire le tri dans ce que je ressens réellement. Une fois ma tempête intérieure calmée, je me risque à lui dire la vérité, la vraie, la sincère :

Moi : Tu me manques.

Quelques instants plus tard, sa réponse s’affiche.

Clara : Si tu tiens un tant soit peu à ce qu’il reste de notre amitié, évite de me faire faux bond à cette date-là. C’est important pour moi, alors pour une fois, regarde autre chose que tes problèmes et ton nombril !

J’hésite à répliquer ou à laisser tomber. Visiblement, elle n’est pas d’humeur à la réconciliation. Pire, « ce qu’il reste de notre amitié » est plus douloureux que tout. Elle veut dire par là que ça ne sera plus jamais pareil, que j’ai vraiment tout foutu en l’air. Moi qui croyais qu’elle attendait simplement que je me bouge, je me suis bien plantée. En réalité, je la soûle à tel point qu’elle ne m’aime plus. Presque plus. Je sais d’expérience que les sentiments sont comme des vases en porcelaine. Une fois brisés, même recollés, ils ne seront plus jamais les mêmes, les cicatrices perdurent et en gâchent la beauté. Je la trouve injuste, aussi. J’ai été présente pour elle de nombreuses fois, et je ne suis pas du tout nombriliste. Enfin… si… peut-être un peu, finalement… En guise de trêve, à contrecœur, j’accède à sa demande :

Moi : OK, je serai là.

Aucune réponse de sa part après avoir lu mon message. Je n’ai plus faim. Je range le coulant au chocolat que j’avais commencé à faire décongeler, c'est dire…

Je me couche à vingt-deux heures, c’est très tôt pour moi. Afin de mettre le maximum de chances de mon côté, je dois être en forme pour le test demain soir. J’attrape ma liseuse, bien calée contre mes coussins, nue sur mon lit, et me jette dans la lecture d’un e-book absolument génial : « 21 grammes de Blanche ». Auparavant, je programme une alarme à vingt-trois heures, parce que j’ai toujours du mal à détacher de ce roman hyper captivant. Ainsi, j’éteindrais possiblement vers vingt-trois heures trente.

Cela ne fait pas un quart d’heure que je bouquine, que Fabien téléphone. Je décide de l’ignorer, je suis à fond dans l’histoire. Il insiste et rappelle trois fois de plus. Il m’agace à me harceler dès que je ne décroche pas à ses coups de fil. J’envoie un SMS vite fait, dans le but d’être tranquille :

Moi : Je ne peux pas te répondre, je suis occupée.

Fabien : À cette heure-ci ??

Je soupire et lève les yeux au ciel.

Moi : Oui.

Fabien : On peut savoir avec qui ?

Non, mais je rêve ! Il me fait une crise de jalousie, là ? Il a de la chance, je n’ai aucune envie de m’amuser, c'est même l'inverse, j’aspire à la tranquillité :

Moi : Je suis seule.

Fabien : Tu es trop « occupée » pour me répondre alors que tu es seule ? Ça pue le mensonge à plein nez !

Moi : Tu es sérieux, là ???

1/ Je te rappelle qu’on n’est pas en couple

2/ Je fais ce que je veux de ma vie et je n’ai de comptes à rendre à personne

3/ Je suis bien seule, dans mon lit, à bouquiner tranquillement, du moins jusqu’à ton message. Si tu me crois, c’est bien, sinon, je m’en tape, je ne te dois rien !

Fabien : Ah ouais ?! Tu le prends vraiment comme ça ???

Moi : Absolument !

Fabien : En fait, tu es comme les autres. Vous êtes toutes pareilles ! Vous voulez toujours tout et vous n’en avez jamais assez : un mec qui paie, qui baise et qui n’est là que quand vous en avez besoin. Je ne suis pas un homme-objet !

Je me marre toute seule ! C’est quoi son délire ? J’envoie trois smileys du bonhomme qui pleure de rire.

Fabien : Ça ne me fait pas rigoler du tout, Zoé ! Si tu es incapable de prendre notre relation au sérieux, alors nous n’avons rien à faire ensemble !

Parfait, il me tend une perche inespérée. Nos parties fines me manqueront, c’est certain, en revanche, si dès le début d’une pseudo liaison il se comporte comme un abruti, c’est que je ne perds rien.

Moi : OK, pas de soucis.

Fabien : Je n’y crois pas… Tu es vraiment une connasse !!!

Fabien : Sale pute !

Inutile de renchérir, ça ne vaut pas la peine de gâcher ma lecture. J’éteins malgré moi à minuit quarante. Je suis irrécupérable.

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