Ils repartent finalement soulagés et rassurés. Je me retrouve seule, sans Fabien qui est en déplacement, sans Clara, sans Fathia, sans mamie, sans ma connasse de mère qui n’a jamais été qu’une génitrice sans cœur, et sans mon abruti de père. Ça, ça ne me pose aucun problème, de toute manière, il s’est barré avant que j’aie vraiment eu le temps de l’aimer. Finalement, ma vie sociale est aussi pauvre que mon compte en banque. Je me sens si pathétique, que je m’abstiens d’aller sonner chez mon voisin. Hors de question de faire la manche affective. Un bolino, un film pourri, deux ou trois emplettes sur internet plus tard, je fume un joint sur mon balcon et je vais me coucher. Épuisée d’être moi, je culpabilise de me plaindre encore pendant que Fathia se bat pour revenir. Ce soir, je replonge dans le noir, dans les douleurs de mon enfance, et je revois toutes ces scènes que je n’ai pas expliquées à la psy, tous ces moments de honte, de sentiment d’inutilité, ces instants pesants durant lesquels je me suis demandé pourquoi, moi, j’étais née alors que de tant d’autres qui auraient eu plus de valeur que moi. La vie est parfois si injuste… beaucoup auraient aimé bénéficier de mon existence, tandis que moi, je la déteste. Je gâche une vie que tant auraient appréciée à ma place. Je suis pathétique. Je vais me coucher, la nausée me tenaille sans avoir bu une goutte d’alcool. Quitte à vomir d’être moi, j’aurais au moins aimé en avoir l’ivresse. Je me dégoûte et je pleure, prise dans le tumulte toujours aussi contradictoire et puissant, de mes émotions. J’ai l’impression que mon cerveau est comme un meuble Ikea : monté à l’envers, il restait des pièces qu’on a fourrées quand même à l’intérieur, pour le cas où, et le résultat final n’a rien à voir avec la photo de départ. Normal, la notice était incompréhensible. Mes parents n’ont fait que ce qu’ils ont pu avec ce que j’étais. Je ne peux même pas leur en vouloir.