Chapitre 7 (1/4 )

5 minutes de lecture

Il est seize heures quand un bip m’annonce l’arrivée d’un WhatsApp et me sort de la sieste dans laquelle je me suis plongée sans m’en apercevoir.

Fabien : Salut belle blonde. Bien rentrée ?

Moi : Oui, merci. Désolée pour mon départ précipité, j’avais RDV.

Fabien : Tu es pardonnée : j’ai passé une nuit magique.

Moi : Ouais, n’exagère pas… c’était pas mal.

Fabien : Ce n’est pas ce que tu m’as montré hier soir…

Moi : Tu as déjà entendu parler de simulation ? C’était pour flatter ton ego, rien de plus.

Fabien : Oh… Dans ce cas, ça te dirait flatter à nouveau mon ego ce soir, après un bon resto ?

Moi : Impossible, j’ai déjà une soirée de prévue avec mon voisin. Plutôt beau gosse, d’ailleurs.

Fabien : Je suis en concurrence ? Intéressant… Demain soir, alors ?

Moi : La concurrence est toujours saine. Tu vas devoir te surpasser !

Fabien : C’est moi qui paie.

Moi : L’inverse est totalement inenvisageable !!!

Fabien : On se retrouve au « Babaorum », tu connais ?

Moi : Oui, ça marche. Demain 19 h, comme hier ?

Fabien : Comme hier… hum… 19 h en comptant les virgules, alors.

Moi : Je ferai de mon mieux. A +

Je sors de mon lit avec la faim qui me tord le ventre. Je pourrais manger un curé tout habillé, comme le disait mamy. Je regarde dans mes placards, sans conviction, et finis par me confectionner une sorte de croque-monsieur improvisé. J’y glisse une feuille de salade, histoire de me donner bonne conscience. Je m’installe sur mon balcon et profite du brouhaha parisien. Un petit air doux vient caresser mon visage alors que mon jean me donne chaud. Quinze minutes plus tard, je me change et enfile une robe légère, blanche à petites fleurs noires, une paire d’escarpins, non, de tongs, finalement, et je sors m’aérer l’esprit. Je déambule dans les rues de Paris sans que mon esprit ne puisse se détendre. Mon rendez-vous la psychiatre m’obsède. Vais-je trouver le courage de « soigner mes émotions » comme elle me l’a conseillé ? Oui, sûrement. J’arrive toujours à tout, même si les plus grandes difficultés s’érigent parfois devant moi, je suis une battante. Hors de question de m’enlever le peu d’estime que j’ai de ma personne : car oui, je suis volontaire ! Tandis que je tente de me persuader d’une hypothétique opiniâtreté innée, l’image de mon tapis de course s’impose à moi. Bon, en effet, parfois, je suis un peu mollasse. Après tout, on a tous droit à des moments de faiblesse, et je suis certaine qu’un jour, je deviendrai sportive. En même temps, j’ai la chance d’avoir un corps ferme et musclé sans rien faire, alors quel l’intérêt de transpirer ? Je regarde ma montre : dix-sept heures quarante-neuf. Merde ! Je vais encore me pointer en retard… Je décide de prendre le métro pour rentrer, j’irais plus vite. Arrivée devant la porte de mon appartement, le voisin, en mode beau gosse, pantalon noir et chemise blanche, hyper sexy et pieds nus, sort de chez lui. Il m’interpelle :

— Salut ! Je venais te chercher, tu as presque une demi-heure de retard. J’avais peur que tu te débines !

— Décidément, c’est une mode de croire ça !

— Pourquoi ?

— Laisse tomber. Rassure-toi, je suis simplement allergique à la ponctualité. Je me change et j’arrive.

— Non, mais pas la peine. Tu es canon comme ça. Allez, amène-toi.

— En tongs ? Impossible, mon chou. Je ne peux pas me pointer en soirée, habillée en flemmarde.

Il s’approche de moi et me prend par la main :

— Tu es parfaite comme ça, viens, il y a déjà pas mal de monde.

J’abdique devant son sourire si étincelant qu’il pourrait servir de boule à facettes. Je le suis, et entre avec une certaine timidité. Son appart est le jumeau du mien, mise à part la décoration sommaire, et effectivement, il y a au moins une quinzaine de personnes. Nous passons de pote en pote, et il me présente à chacun. J’en connais un ou deux, des voisins croisés par hasard, et je note, avec joie, l’absence du connard du quatrième étage. Quelqu’un sonne et mon hôte m’abandonne en me priant de me servir à boire et à manger. Je suis son petit cul du regard, et aperçois J.J. qui fait son apparition dans l’encadrement de la porte, accompagné de son épouse. Tous deux ont fait de gros efforts vestimentaires. Le concierge a sorti sa cravate, alors que sa femme, en robe jaune terne, a oublié de troquer ses chaussons-mules violets, pour des escarpins. La mise en plis de ses cheveux blonds est toute fraîche, et son mari est rasé de près. Je souris en les voyant aussi maladroits. Ils sont touchants. Quelqu’un augmente le son la musique, et l’alcool commence à produire son effet parmi la foule plus dense. Je me détends rapidement et entame ce qui me semble être une très bonne pendaison de crémaillère. Les gens sont sympas et tout se déroule pour le mieux. Vers vingt et une heures, mon téléphone sonne. Je dois sortir pour décrocher, car je n’entends rien au milieu du brouhaha.

— Allo ?

— Zoé, c’est Anaïs. Je suis dans le jus, j’ai besoin d’un coup de main.

— Euh, non, pas possible, je suis en soirée là. En plus, je ne bosse plus la nuit.

— Je sais. Ce n’est pas pour ce soir, mais pour demain. Je n’aurais pas le temps de m’occuper de tout le monde, et j’en ai neuf à terminer pour lundi. On peut difficilement repousser les enterrements, si tu vois ce que je veux dire.

— C’est dimanche, demain, tu es au courant ? Et comme je viens de te l’expliquer, je suis en soirée, hors de question de me lever aux aurores. D’ailleurs, je ne serais peut-être même pas encore couchée.

— Zoé, ce que je ne t’ai pas dit, l’autre jour, c’est que le bébé est mal accroché. Je suis crevée et il faut que je me repose.

J’ai déjà un peu picolé, et je lâche :

— Ce n’est pas mon problème si tu es en cloque. Je n’y suis pour rien dans ta galère. Chacun ses soucis, j’ai assez des miens, je te laisse gérer les tiens. Et puis, si c’est pour ramer avant d’avoir mon fric, ça sera sans moi.

— Attend ! Si je te paie dans la foulée, ça te va ?

— Non. J’en ai marre des morts, je crois que je commence à préférer les vivants. Ciao !

Je raccroche. Putain, je ne suis pas sympa quand même. Je n’ai pas été tendre avec elle. Si ça se trouve, elle va perdre le bébé par ma faute. Et voilà ! Ça y est : je m’en veux ! Ah ! Ça m’énerve d’être comme ça ! J’en ai ras le bol ! Je soupire, et, évidemment, je la rappelle :

— Excuse-moi, j’ai été dure. OK pour demain. Par contre, ne compte pas sur moi avant quinze heures, compris ?

— Tu es un ange !

— Ouais, ben ne t’emballe pas, hein.

Je raccroche et repars faire la fête au milieu de la fumée, de la musique à fond, et de l’alcool qui coule à flots.

Annotations

Vous aimez lire Virginie Favre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0