Chapitre 6 (4/5)

5 minutes de lecture

Je flemmarde en surfant sur mon téléphone et je passe en revue les différents réseaux sociaux. Deux heures se sont écoulées lorsque je reçois un texto :

+33 7 28 42 13 88 : Salut, Cameron Diaz, toujours OK pour vendredi, 19 heures au Sana ?

C’est quoi ce truc ? Une erreur, sûrement. Je laisse tomber et me lève pour me préparer trois œufs au plat. Vingt minutes plus tard, je suis en plein repas quand le même numéro s’affiche :

+33 7 28 42 13 88 : Pas de réponse. C’est non ? On s’est vu la semaine dernière et je devais te recontacter pour boire un verre. Tu te souviens ?

Ah oui ! Je me rappelle, maintenant ! Le beau blond ! On s’est rencontrés en soirée. Il était tout galant et tout gentil, mais il devait se lever tôt le lendemain. Moi aussi, d’ailleurs. Je réponds :

Moi : Ça dépend. Ce surnom, c’est à cause de son âge ?

+33 7 28 42 13 88 : Non, parce qu’elle est belle, blonde et qu’elle a des yeux bleus.

Moi : Bien sûr…

+33 7 28 42 13 88 : Ta soirée s’est bien terminée ?

Moi : Désolée, on ne se connaît pas assez pour parler des choses qui fâchent ;-)

+33 7 28 42 13 88 : J’ai hâte qu’on se connaisse et qu’on en discute, alors… Je te promets une meilleure soirée. À vendredi ?

Moi : Tu ne serais pas du genre prétentieux ?

+33 7 28 42 13 88 : Tu ne le sauras que si tu viens…

Moi : OK. 19 h, juste par curiosité : p

+33 7 28 42 13 88 : Parfait ;-)

Voilà. Ruiner un début de bonne résolution : « c’est simple comme un coup de fil ». Tant pis « on a qu’une vie ». Ma nuit est mouvementée, comme d’habitude. De ça aussi, il faudra que je pense à en parler au doc.

Le vendredi soir, je suis toujours sans nouvelles de Clara. Je ne sais plus quoi faire. Dois-je amorcer le premier pas ? La laisser revenir ? M’excuser ? Elle est sans cesse dans mes pensées, comme une trame que je devrais laisser filer. Au lieu de cela, je la retiens dans un coin de mon cerveau torturé.

Vêtue d’une robe rose à fleurs, très sixties, très sage, et maquillée plus légèrement qu’à mon habitude, je ferme la porte de mon appartement à dix-neuf heures quinze. Bravo pour la ponctualité, Zoé… Je suis irrécupérable. Afin de limiter la casse, j’ai opté pour le taxi qui m’attend en bas de chez moi, et j’arrive avec une bonne heure de retard dans le bar du quinzième. Je n’ai qu’un très vague souvenir de l’apparence de mon rencard, d’autant qu’il faisait sombre la dernière fois que je l’ai vu, et que j’étais déjà bien imbibée quand je lui ai filé mon numéro. Après avoir laissé un généreux pourboire au chauffeur qui a eu la délicatesse de rester muet tout au long du trajet, je pousse le battant du club et cherche du regard un visage qui pourrait surgir de ma mémoire. Un homme se lève, grand et svelte, vêtu de la tête au pied en lin blanc de qualité. Il a les moyens, ça s’annonce bien. Il est blond, ça pourrait donc être lui. Il s’avance avec un large sourire, me claque une bise sur chaque joue, baragouine un truc que je ne comprends pas à cause de la musique, et me prends par la main pour m’accompagner jusqu’à une table, au fond. C’est bien lui, plus de doute. Il est vraiment pas mal ! Une bonne partie de la soirée, nous discutons de choses et d’autres. Il m’explique notamment qu’il travaille dans une agence de naming, c’est-à-dire qu’il appartient au cercle restreint de ceux qui donnent leur nom aux parfums, aux marques, etc. J’apprends également qu’il est célibataire (c’est ce qu’ils disent tous) et en quête de l’amour, le vrai, le sincère (ben voyons…). Je m’intéresse réellement à tout le reste, mais pas à ce genre de mensonges. Malheureusement, il insiste en me racontant les bobards habituels : il a plaqué sa petite amie avec qui il était depuis plusieurs années lorsqu’il a su qu’elle le trompait. La fidélité c’est important dans un couple, et rablabli, et rablabla… Je coupe court :

– Écoute Fabien, on va arrêter de se mentir, OK ? Ça ne rime à rien tout ça.

– Quoi ? De quoi tu parles ?

– Ta soi-disant nana, tout le toutim, je m’en fous. Ça pue les mythos à plein nez, vous nous baratinez tous de la même manière. Il ne manque plus que le sempiternel « j’adore faire des massages » et le tableau serait complet. Je ne sais pas, essayez au moins d’être un peu originaux.

– Qu’est-ce que tu racontes ?

– Je raconte qu’on est des adultes intelligents et qu’on sait tous les deux ce qu’on veut. Ne te sens pas obligé de mentir pour me mettre dans ton lit, j’ai déjà envie d’y être.

Il avale une gorgée de son cocktail de travers, toussote, et éclate d’un grand rire franc.

– On ne me l’avait jamais faite, celle-ci ! Tu es vraiment du genre direct, comme nana.

– Choqué ?

– Presque.

– C’était le but. Tu habites loin ?

– À deux rues d’ici. Je prends juste le temps de régler et on y va.

Samedi, huit heures, je me remets d’une grosse nuit de baise comme je les aime. Je suis à poil, dans le lit de Fabien. Un super coup, ce type. Ça me fait presque de la peine de le laisser en plan, cependant, je dois encore passer chez moi me changer avant de filer à mon rendez-vous. Sans faire de bruit, je m’éclipse. Dommage. J’espère qu’il me rappellera.

Je suis fière de moi quand je regarde ma montre en poussant la porte de la salle d’attente : onze heures vingt-six. La secrétaire étant absente puisque les samedis sont réservés aux urgences, je m’installe directement sur l’un des fauteuils au revêtement de laine bleue. Je me félicite intérieurement d’avoir choisi un jean, car c’est le genre d’assise qui m’irrite la peau. Je suis une grande sensible, à ce niveau aussi. À onze heures trente-huit, la porte du cabinet s’ouvre sur une petite bonne femme blonde, toute menue, le visage fatigué de la cinquantaine bien tapée. Ses yeux bleus perçants laissent deviner toute la malice que ma psychiatre recèle, afin de transpercer les secrets les plus inavouables de ses patients. Elle me salue chaleureusement, et me prie de pénétrer dans son antre. À la différence de la plupart de ses semblables, la décoration de la pièce invite vraiment à la détente. De jolies teintes chaudes, des tableaux aux couleurs éclatantes et des souvenirs de ses voyages, libèrent une atmosphère apaisante.

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