– Zavé oublié vot'clef ?

– Euh... c’est pire que ça...

– J’vous ouv' !

Le bip caractéristique m’avertit que je peux pousser le battant, et je me dirige vers la loge. Jean-Jacques Vartigue se tient devant, ventre en avant sous son t-shirt jaune-marron trop court, des traces grasses parsèment son short de foot bleu, et des miettes de croissant tombent à ses pieds. Ses éternelles claquettes grises font l’honneur, ou l’horreur, à tous les locataires, de nous laisser entrevoir les ongles noirs et les orteils pas très appétissants de notre concierge, et ce, été comme hiver. Il me sourit, la bouche encore pleine, m’offrant ainsi l’une de ses plus belles images. Cela me dégoûte, je me retiens de faire la grimace, tout en priant pour que rien ne transparaisse sur mon visage. Je lui rends un rictus étrange, que j’espère tout de même plus glamour que le sien.

– Monsieur Vartigue, je suis désolée, j’ai cassé la clef dans la serrure. Vraiment, je suis navrée, je ne sais pas comment j’ai fait ça.

– Bof, vous en faites pas, vous êtes pas la première. J’vais régler l’affaire demain, dans l’aprèm.

Ouais, il n’est pas très ragoûtant J. J., mais il est sympa. Je me tape ses courriers et ses démarches en tout genre chaque année. Il n’en a pas beaucoup et moi, ça me permet de moins culpabiliser de ne pas lui refiler ses étrennes. En retour, dès qu’il le peut, il me rend de petits services. Il récupère mes colis lorsque je suis absente, il prend mes recommandés. Il fait son boulot, quoi. Là, un jour comme celui-ci, je sais qu’il ne me posera pas de problème et qu’il ne me fera rien payer. Pas sûre qu’il soit aussi coopératif avec le gars du quatrième. Un vrai boulet, ce type.

Bref, je peux monter tranquillement dans mon appart, soulager ma vessie et retrouver ma baignoire. Je crois que je ne vais plus ressortir avant demain, les emmerdes me pleuvent dessus et je n’ai pas de parapluie assez grand pour toutes les éviter.