Chapitre 13

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Un instant je ferme les yeux. Un battement de cils. Puis mon reflet disparaît. Mon frère s’évapore, tout comme mon sentiment de liberté. Par réflexe, je regarde ma montre. Treize heures trente-quatre. Il est temps que je me fasse à manger. Que je passe à autre chose et que je profite de mon week-end prolongé par la venue de mon amie.

À cette pensée, je m’évade une nouvelle fois. Les émotions qui m’emportent me couvrent de baisers joyeux. Des effluves d’amour. Des odeurs qui manquent à ma vie dernièrement. Je n’étais pris que par cette histoire rocambolesque. Mon frère revenu d’entre les morts, mais je l’ai vu tomber. Je l’ai vu…

Non, tu l’as seulement entendu, ne te cherche pas d’excuse.

Serait-il donc possible qu’il soit encore… Vivant ? Si oui, comment aurait-il survécu à une chute mortelle de la montagne interdite ? Un voyage en plein été. Personne pour nous surveiller. Pas le moindre moyen de faire marche arrière. Et l’accident final. Brutal. Celui qui entrave les peurs et les accroît au fil des années.

Mais Nina souffle très vite sur ce passé douloureux. Elle habite et agrippe le paysage pluvieux qui me terrifie, puis elle le jette dans une corbeille enflammée. Mon amie est bien plus protectrice et investie dans ma vie qu’elle n’y paraît. Elle tient à ce que je prenne un autre vol. Selon elle, il n’y a qu’en déménageant de la région parisienne que je ferai mon deuil.

Je me rappelle, les yeux pétillants, d’une discussion profonde autour de mon avenir et des bribes de mon passé en plein conflit avec mon présent.

— Je te dis que déménager te ferait le plus grand bien ! m’avait dit Nina en soulevant ses bras vers le ciel.

— Et moi je te dis que là n’est pas le problème, mon passé est ancré en moi. Il me suivra partout !

Nous étions assis sur un banc en plein été. C’était il y a deux semaines environ. Les oiseaux pépiaient et des bus venaient faire un ramassage scolaire près d’un collège bruyant.

Nina avait secoué la tête.

— Vraiment, réfléchis-y. C’est une décision importante. Cela fait un an depuis l’incident. N’hésite pas à regarder ou même partir en vacances, je ne sais pas, mais change-toi les idées !

Je l’avais regardé avec des yeux ronds et tristes.

— Partir où et avec qui ?

— Avec moi, par exemple, avait-elle dit en triturant ses doigts.

J’avais baissé la tête, puis recouvré l’espace d’un instant, un sourire flamboyant.

— Avec toi je peux oublier n’importe qui, Nina.

Mon souvenir s’achève ici. La perception de la suite est floue. Je l’aime énormément. Le temps est une valeur que nous ne prenons pas à la légère et j’adhère au jeu que nous entreprenons. Il est clair que des sentiments sont là, mais qu’en est-il de nos choix de vie ? De ce que nous souhaitons entreprendre ? Sommes-nous sur la même longueur d’onde pour imaginer quelque chose ?

La peur me tiraille et une boule se forme dans le creux de ma gorge, m’empêchant de déglutir correctement. Cependant, mon sourire ne s’enfuit pas pour autant.

Attiré par une force incontrôlable, je me dirige vers mon miroir et admire mon visage joyeux. Je ne me suis pas vu aussi heureux depuis une éternité !

Un froid glacé me ramène à l’atroce réalité. L’image renvoyée me fait tout de suite penser à un monstre sans cœur. Je secoue la tête et prends un mouvement de recul, faisant tomber la panière à linges sales entreposée à côté de mon lavabo. Je ne rêve pas.

A mesure que mes lèvres s’ouvrent, mes dents disparaissent et une grimace horrifique prend sa place. Mon cœur s’accélère. Ce n’est pas tout. Ce n’est pas terminé. Mon visage se tend à travers le miroir !

Cette fois-ci, mon reflet affiche un large sourire mais, contrairement au mien, il paraît beaucoup plus machiavélique. Un nom résonne dans ma tête. Non, un prénom. Une marque de vengeance.

Victor.

— Victor te cherche. Victor te trouve ! résonne une voix dans la cage d’escalier.

Je me fige littéralement sur place. Je perçois avec effroi des grattements griffer ma porte d’entrée. Comme si quelqu’un s’amusait à graver un message au couteau sur du bois. Mes oreilles ne se concentrent plus que sur ce bruit régulier strident. Qui peut me vouloir autant de mal ? Je n’ai pas d’ennemi, bon sang ! Une odeur de terre séchée se propage jusque dans mes narines. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais une connexion s’implémente dans mon cerveau lorsque je la respire. Les coups de griffes contre ma porte me sortent de mes pensées pour me tirer devant mes verrous.

C’en est trop. Je prends mon courage à deux mains et attrape la poignée le plus discrètement possible. Avec fermeté, je l’abaisse après l’avoir déverrouillée.

Les mots me manquent. Aucun message. Simplement la fenêtre de mon étage ouverte.

Et une pluie de questions sans réponses qui me taraudent à vif, dont une plus que les autres : suis-je devenu fou ?

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