Troisième histoire: La maison aux milles secrets (24 Octobre 2021)

23 minutes de lecture

La pluie tombait comme des cordes depuis une demi-heure à peu près. Le conducteur de la voiture arrivait à peine à voir la route devant lui. De plus, ce vieillard au volant d’un taxi ne devrait même plus avoir de permis. C’était à peine s’il avait compris ce que Denys avait dit en entrant, de l’adresse qu’il lui avait donné. Et avec cet orage qui frappait, il était certain que d’une minute à l’autre, il allait causer un accident.

Denys avait un entretient ce soir avec un jeune prêtre du nom d’Edgar. C’était un très jeune homme à ce qu’on lui avait mentionné, qui débutait dans le métier. Denys le rencontrait parce qu’il était lui-même un prêtre, et en particulier parce qu’il avait exercé déjà plusieurs exorcismes dans sa carrière et que le jeune homme mentionnait vouloir un jour exercer cela, ayant été lui-même adepte de phénomènes paranormaux tout au long de sa jeune vie. Logiquement, afin de commencer un tel métier, ces gens avaient besoin de soutien pour leur commencement. Denys avait été prêt à prendre en charge ce jeune Edgar sans expérience.

Edgar lui avait donné rendez-vous dans Bloomsbury, où ce dernier habitait, vers 18 heures pile ce soir. Sauf que l’orage s’était pointé sans avertir à un moment durant la route. Il y avait plus d’une demi-heure qu’ils roulaient sous la pluie et ils n’étaient toujours pas arrivés à destination. Denys commença à se poser des questions.

- Excusez-moi, dit-il en se penchant vers le conducteur pour être mieux entendu, est-ce qu’on arrive bientôt?

Le vieillard se retourna vers lui pour lui répondre, ayant de la difficulté à articuler correctement ses mots.

- Dans pas très long, monsieur.

Ce fût une réponse brève et peu convaincante de sa part. Il soupira et se laissa tomber contre le dossier de la banquette.

10 minutes après lui avoir demandé s’ils arrivaient bientôt à Bloomsbury, Denys se rendit compte, par le peu qu’il voyait à l’extérieur à cause de la pluie trop puissante, qu’ils se trouvaient dans une espèce de quartier, mais démuni de maisons, avec quelques arbres ici et par-là. Ça n’avait rien l’air de Bloomsbury. Denys avait habité là durant son enfance, il savait reconnaître cet endroit. Il le connaissait comme le fond de sa poche. Il ignorait où ce vieillard l’emmenait, toutefois, il commençait à perdre patience, de plus qu’il allait devoir le payer pour une mauvaise route.

- Monsieur, excusez-moi, mais j’ai l’impression que vous ignorez totalement où nous allons, lui fit-il remarquer d’un ton plus sec.

- Justement, je crois que je me suis perdu, répondit-il sans la moindre expression qui puisse montrer qu’il n’avait pas volontairement voulu se perdre.

À la place, il faisait paraitre qu’il avait tout fait pour en arriver là.

Denys constata au même instant une énorme silhouette noir se dresser dehors, à quelques mètres d’eux. C’était une maison, ou plutôt même un manoir. Il se trouvait à avoir été bâti sur un terrain sans herbes, devenu un vrai terrain de boue avec cette pluie et quelques petits arbres autour qui n’avait plus aucune feuille à leur branche, comme annonçant le début de l’hiver. Il y avait une pancarte planté sur le terrain boueux indiquant le mot : Hôtel. À voir son état extérieur, on aurait dit que cette demeure avait été abandonné depuis des lustres vu la construction devenue croche à cause du changement de température et de la qualité des matériaux utilisés pour sa confection. Cependant, il y avait de la lumière par les fenêtres qui en sortait, ce qui annonçait la présence de gens à l’intérieur.

- Arrêtez-vous ici! demanda Denys.

Le vieil homme obéit et il stoppa son taxi juste devant le terrain de l’hôtel. Denys n’avait pas le temps de faire demi-tour et retourner à Bloomsbury, et encore moins avec ce vieillard au commande d’une voiture. En plus de ça, il était dépassé 18 heures. Il allait devoir contacter le Père Edgar et lui donner un autre rendez-vous pour se rencontrer. En attendant, il allait passer la nuit ici et contacter un autre taxi dès demain pour retourner en ville.

Denys fouilla dans son sac qu’il trainait sur ses genoux depuis le tout début du trajet. Il en sortit un 20$ et le remit au chauffeur.

- Je vous remercie beaucoup, répondit-il, s’abstenant de lui dire des gros mots pour lui avoir fait manquer sa première rencontre avec un nouveau prêtre.

Le vieillard regarda le 20$ dans ses mains tandis que Denys sortit du taxi, déjà trempé de la tête aux pieds dès un pied mis dehors. Il claqua la porte et se dirigea vers le manoir en courant, ses pieds s’enfonçant dans la boue. Plus il avançait vers la demeure, plus ses souliers propres s’enfonçaient comme dans des sables mouvants. Il faillit à un moment perdre l’équilibre et de salir sa soutane qu’il avait enfilée pour cette rencontre. Heureusement, il se rattrapa et évita cette vilaine chute.

Le vieillard quitta les lieux sans trop de presse et les pneus de la voiture faisant éclabousser de la boue derrière lui.

Denys avait enfin passé ce sable mouvant et il se retrouva sur le grand perron du manoir. Cet espace était vaste et on aurait pu y laisser des chaises et des tables pour s’assoir à l’extérieur, encore là, il n’y avait absolument rien pour remplir ce vide. Les planches du perron étaient cependant très peu solides. Elle craquait sous son poids. Certaines d’entre elle, plus loin de la porte, était cassés. Pour la porte d’entrée, elle était faite d’un bois massif, chose qu’on voyait chez les très vieux manoirs. Il frappa trois coups à la porte, assez fort pour qu’on l’entende. Il attendit qu’on vienne lui répondre et il continua d’observer en attendant la construction avec grande attention. S’il n’avait pas été si imprudent et très peu craintif, il aurait quitté ce perron, de peur que toute la demeure lui tombe sur la tête tellement tout était vieux et usé.

Pas de réponse à la porte. Il frappa une seconde fois en s’annonçant :

- Bonjour, il y a quelqu’un?!

Définitivement, personne ne venait lui répondre. N’ayant plus de patience pour attendre dehors à grelotter de froid, il décida de tourner la poignée et se permit d’entrer dans le domaine sans la permission.

Il y avait une petite lueur rassurante à l’intérieur. La porte grande ouverte, il se trouvait à être à l’accueil. Bizarrement, c’était beaucoup plus petit qu’il pensait en voyant la grandeur de ce manoir de l’extérieur. Cet hôtel n’avait pas connu de rénovation puisqu’elle était identique à celle dans le début des années 1900, dans des campagnes. Enfin, tout pour dire, vraiment passé date. Il y avait un bureau en bois qui occupait une bonne partie de cette minuscule pièce, là où supposément, quelqu’un devait s’occuper des clients qui arrivaient, sauf qu’il n’y avait personne pour se charger de ça. Il y avait une bougie allumée et une tonne de feuille qui trainait un peu partout sur ce bureau. Et derrière, sans aucune présence de qui que ce soit, il y avait un petit escalier qui paraissait très étroit et qui menait à l’étage du dessus. On aurait dit une cabane plutôt qu’un manoir, du moins, pour l’entrée. Avant de se pointer comme ça là-haut, il préférait rester poli et attendre que quelqu’un vienne le servir. Il attendit donc patiemment, tenant son sac dans ses mains.

À sa droite, Denys vit un long rideau à la place d’une porte, pour traverser dans une autre pièce. Curieux, il vérifia les alentours et se dirigea vers ce rideau. Il le poussa et ne fit que jeter un œil à ce qu’il y avait de l’autre côté. C’était une immense salle à manger avec une longue table, un peu comme celle qu’on voyait dans les châteaux, extrêmement luxueuse à comparer de l’accueil et entièrement plus spacieuse. C’était comme si ces deux pièces ne faisaient même pas partit de la même maison. Denys était assez perplexe par cette drôle de construction, de la façon dont elle était faite. Il entendit soudain du bruit à l’étage, ce qui le fit tressauter et refermer le rideau aussitôt. Il leva la tête en direction de l’escalier, de là où était provenu le bruit.

- Hey, il y a quelqu’un? appela-t-il.

Pas de réponse.

Commençant sérieusement à perdre patience, il décida de ne pas rester planté à attendre que quelqu’un vienne lui répondre et il contourna le bureau de l’accueil pour emprunter l’escalier particulièrement étroit et branlante.

- Hé ho! dit-il de plus bel, espérant qu’à un moment on finisse par l’entendre, et surtout, lui répondre.

Toujours aucune réponse. Il grimpa alors le reste de l’escalier. Celle-ci tourna vers la droite et il se retrouva à l’étage du haut. Un très long couloir s’étendait devant lui, et il y avait au moins 6 à 8 portes sur chaque côté. Ce devait être les chambres où logeaient les clients. Cet endroit maintenant faisait penser à une vraie maison hantée. Non seulement les couleurs ici étaient foncés, mais il n’y avait aucune source de lumière pour éclairer quoi que ce soit. C’était obscur. Denys retourna en bas pour aller récupérer la bougie allumée sur le bureau et l’utiliser pour s’orienter là-haut. Il semblait qu’il avait aperçu de la lumière par les fenêtres, et voilà que tout était plongé dans l’obscurité totale. Il s’avança dans ce long couloir qui ne lui inspirait déjà aucune confiance en cet endroit. Déjà, le service n’était pas l’un des meilleurs qu’il ait eu. Voilà qu’il devait se mettre à la recherche d’une présence humaine.

Les premières portes furent tous barré lorsqu’il essaya de les ouvrir. Puis, l’une des dernières portes au fond, Denys vit qu’il y avait une lueur qui dépassait cette porte, et elle était légèrement entrouverte. Il s’y dirigea puis il se permit d’ouvrir la porte sans s’annoncer. Il se retrouva dans un bureau, encore. Sauf que cette fois, il y avait une personne, enfin. C’était une femme aux cheveux foncés, bouclés, à la peau pâle et portant des lunettes de vue. Elle portait une espèce de vêtement, un une pièce rouge, moulant, et particulièrement trop provoquant avec son grand décolleté. Denys ne se laissa pourtant pas déconcentré par ce détail malgré que cette femme fût très jolie. Elle parlait au téléphone, un appareil à touche et avec un fil et d’un rouge écarlate, pour s’agencer quasiment avec ses vêtements. Elle ne leva même pas la tête lorsqu’il entra. Il s’avança vers son bureau, éclairé par une simple petite lampe qui illuminait d’ailleurs très peu, et attendit qu’elle lui réponde.

Cette pièce était aussi dans le noir, et il n’y avait qu’une seule fenêtre derrière elle, dont la lumière des éclairs éclairaient une fraction de seconde la pièce.

- Au revoir, dit-elle en raccrochant ensuite.

Denys prit compte de ses ongles rouges exagérément longs et de ses boucles d’oreille, toujours de la même couleur que ses vêtements. Cette femme n’allait pas du tout avec ce genre de décor antique. Elle paraissait plutôt comme une personne n’ayant pas trouvé le bon boulot ou qui s’était simplement trompé de place.

- Que puis-je faire pour vous? demanda-t-elle, très sympathique.

- Vous avez des chambres de libre? commença-t-il par demander.

- Bien sûr, toutes nos chambres sont libres. Vous êtes notre seul client.

À première vue, c’était l’impression qu’il avait eu. Et il ne manquait pas uniquement de client par ici, il manquait aussi les employés.

- Euh… d’accord. Pourquoi n’y-a-t-il personne à l’accueil en bas?

Elle regarda en direction de la porte de la pièce.

- Oh, je n’en sais rien, répondit-elle.

Denys fronça les sourcils face à cette réponse bizarre.

- Vous pourrez prendre la chambre juste à côté, dit-elle en lui faisant un signe en même temps.

- Très bien.

Il resta planté là encore quelques secondes, trouvant l’attitude de cette femme très bizarre, tout comme cet endroit, d’ailleurs.

Alors qu’il allait franchir la porte, que le téléphone ne sonnait même pas, la femme reprit la ligne et se mit à parler avec quelqu’un à l’autre bout du fil, et sa conversation donna des frissons dans le dos de Denys.

- Oui bonjour? Madame Garcia? Non je regrette, elle ne peut pas venir au téléphone. Pourquoi? Oh, parce qu’elle est morte.

Puis c’est ainsi qu’elle raccrocha. Denys s’arrêta sec dans l’entrebâillement de la porte et il tourna la tête vers la femme. Elle continuait ses trucs de son côté. Sans vouloir en savoir plus sur cette drôle de déclaration, sûrement à un client, il sortit de la pièce et il se rappela que la femme ne lui avait pas donné la clef de sa chambre, s’il y en avait bien une dans cette asile de fou. Il retourna donc dans la pièce tout en demandant :

- Vous ne m’avez pas remis la clef de ma…

Il arrêta de parler adonc que la pièce était vide. La femme s’était complètement volatilisée. Il y avait à peine une fraction de seconde, elle se trouvait là, et puis l’instant suivant, introuvable. Denys était deux fois plus dans le néant. Et si elle avait dû sortir du bureau, Denys l’aurait bien vu. Préférait-il passer une nuit dans ce manoir ou plutôt d’attendre un taxi? Mais il était trop épuisé, alors il décida tout de même de rester ici et de se reposer un peu.

Avec tout ça, il n’avait pas pu contacter Edgar pour lui faire part de son absence, et il supposait que le téléphone n’existait pas ici ou ne fonctionnait pas.

Il se rua vers la chambre en question que la dame lui avait indiquée plus tôt. Il tourna la poignée et celle-ci n’était pas barré.

À première vue, la chambre était tout aussi sale et vieille que le reste de la maison. Il y avait cet énorme lit à baldaquin et aux draps poussiéreux au milieu de la pièce. Les meubles étaient eux aussi recouvert abondamment de poussière, sans oublier ce foyer hors fonctionne en-face du lit et des cendres qu’on n’avait jamais ramassé. Et depuis combien d’année personne n’était passé par là pour ranger et nettoyer? Il l’ignorait, néanmoins, il sentait que la pièce était bien froide, et dans tous les sens du mot. L’air était froid et l’atmosphère l’était aussi, inquiétante, comme si un truc s’était déjà produit, un truc d’anormal, mais il ne savait pas quoi.

Laissant ces sentiments de côté face à cette pièce, Denys ferma la porte derrière lui. Il explora un peu la pièce. Il devait y avoir de la toile d’araignée dans tous les recoins de cette chambre. Il se demandait bien combien le service coûtait, mais il n’avait pas l’intention de laisser un gros pourboire lorsqu’il partirait. Et pourquoi la dame ne lui avait-elle pas demandé de payer tout de suite avant de prendre possession de la chambre? Peut-être que ça se faisait après les séjours.

Denys déposa son sac sur le lit et il s’éleva une couche de poussière dans l’air. Il toussota tandis qu’il respirait ce mauvais air.

Denys allait devoir se contenter de ce qu’il avait sur le dos pour dormir. Il n’était même plus certain de vouloir dormir dans ce lit. Il préférait encore là se coucher sur le sol plutôt que de s’endormir dans la poussière et avec la vermine. Selon lui, il y avait des rats qui rôdaient.

Il s’était allongé dès qu’il était entré dans cette chambre, incapable de rester debout une minute de plus, une grande vague de fatigue l’ayant frappé.

Le père Denys se réveilla au son d’un chuchotement. Il ouvrit les yeux. Il était allongé sur le côté, face à la fenêtre craqueler et sale qui donnait sur l’avant du manoir. Le matelas et les draps étaient terriblement froids. Il resta éveillé ainsi plusieurs minutes sans rien faire. Il n’arrivait pas à se rendormir. Puis tout à coup, le chuchotement revenu. Il sursauta et s’assit d’un bond dans le lit pour se retrouver nez à nez avec le visage effrayant d’un vieillard. Il réprima un envie de crier de peur en voyant ce monsieur planté à côté de son lit, brandissant une lanterne. Il portait un bonnet de nuit sur sa tête et avait un pyjama long, lui rappelant celui du célèbre monsieur Scrooge. Cet homme en tant que tel lui ressemblait comme deux gouttes d’eau.

- Qui… qui êtes-vous? bégaya Denys.

Qu’est-ce que ce vieillard faisait ici premièrement? Il devait être arrivé durant la nuit puisqu’il se rappelait que la dame lui avait mentionné qu’il n’y avait aucun client à part lui.

Le vieillard le fixait avec les yeux froncé, son visage sévère.

- Suis-moi, lui dit-il simplement.

Il lui tourna le dos et quitta sa chambre sans plus d’explication. Le suivre où exactement?

Denys prit quelques secondes pour se remettre de ce réveil un peu brutal et il retira les couvertures de ses jambes. Il quitta sa chambre et chercha le vieillard dans le couloir. Il le vit à l’autre bout, en train de descendre l’escalier, s’éclairant à l’aide de sa lanterne. Denys le suivit et essaya de ne pas le perdre de vue. Il descendit et vit que le vieillard se dirigeait vers le rideau, celui où se trouvait une majestueuse salle à manger derrière. Du côté de l’accueil, il n’y avait toujours personne. L’homme disparut derrière le rideau. Il y avait de la lumière de l’autre côté, pas comme tout à l’heure, alors que la pièce était sombre. Il le suivit et poussa le rideau à son tour.

Il ne pouvait croire ce qu’il voyait devant lui. La salle à manger était bondé de plusieurs personnes, tous regroupés à la longue table. Autant d’hommes que de femmes, ils devaient être environ 15, ou même plus. Il y avait un buffet à volonté avec toute sorte de chose inimaginable sur la table, plus des décorations, et tout le monde avait une assiette devant eux, prêt à manger. Chacun d’eux portait leur pyjama, signe que tout le monde venait de se lever. Bien entendu, Denys avait vu à l’extérieur qu’il faisait toujours nuit dehors.

Comment tous ces gens étaient-ils apparût comme ça, sans explication? Comment d’abord autant de clients se seraient présentés durant la nuit pour avoir une chambre d’hôtel? Quelque chose ne tournait pas rond.

Il s’apprêta quasiment à faire demi-tour, croyant qu’il était en pleine rêve, quand quelqu’un à la table lui adressa la parole. Il reconnut de même cette voix féminine. En se retournant, il confirma que c’était la femme dans le bureau qu’il avait vu plus tôt. Elle était assise complètement à l’autre bout de la table. C’était bien elle, sauf qu’elle s’était changé elle aussi, comme toutes les autres, pour la nuit. Denys allait paraître pour un fou avec sa soutane, et tout le monde saurait qu’il était prêtre. On lui poserait des tonnes de question sur son métier.

- Vous ne venez pas manger? demanda-t-elle avec un charmant sourire.

Tout le monde était silencieux et attendait que Denys réponde à sa question. Ce dernier ravala sa salive. Il s’avança finalement vers la table sans dire un seul mot. Il y avait une place pour lui, à l’autre bout de la table. Il tira sa chaise et prit place. Dès qu’il fût assis, la dame au bout de la table, en-face de lui, donna le signal à tout le monde pour qu’ils puissent commencer à manger. Tout le monde se servit dans un grand silence. Quelques-uns chuchotaient entre eux, mais plus personne ne semblait voir que Denys existait. Le prêtre n’osait toucher à rien, trop perturber par ce qui se passait. Quel cinglé se levait durant la nuit pour prendre un repas à une si grande table et avec autant d’invité? Il avait l’impression que sa mémoire lui faisait défaut. Était-ce dans la vraie vie que ça se produisait ou il était encore dans le lit et imaginait qu’il prenait un repas à la salle à manger avec des inconnus? Il devint vite étourdit, et il n’avait de toute façon aucune envie de manger à cette heure de la nuit, malgré que tout ce buffet paraissait appétissant. Il se leva d’un bond de sa chaise, voulant quitter cet endroit au plus vite. Tout le monde arrêta leur mouvement et tournèrent leur tête vers Denys.

- Quelque chose ne va pas? s’inquiéta la dame au bout de la table.

- Euh… veuillez m’excusez mais… je vais retourner là-haut.

- Vous ne vous sentez pas bien?

- C’est que… en fait je… je suis fatigué, mais merci quand même.

Il quitta ainsi la table à manger sous le regard de tous les invités et il remonta vite se mettre au lit.

Ça ne lui prit pas de temps à s’endormir. C’était sans doute ce qu’il avait cru, qu’il était en plein dans un mauvais rêve et qu’il finirait par se réveiller, ou du moins, trouver le réconfort enfin dans son assoupissement.

Cette fois, ce fût une voix qui fredonnait une mélodie qui le sortit de son second sommeil. Il ouvrit les yeux et était positionné de la même façon qu’il s’était endormit, face à la fenêtre. Il faisait toujours nuit dehors. En entendant fredonner, il s’assit d’un bond dans le lit, croyant avoir affaire à une autre visite dans sa chambre. Il n’y avait cependant personne. Il se rendit compte que ça ne venait même pas de l’intérieur de la maison. Non, ce bruit provenait de l’extérieur. Il se leva donc du lit et se dirigea vers la fenêtre de sa chambre. Elle était brouillée à cause de toute la saleté. Il utilisa une manche de sa soutane et essuya la vitre pour retirer de la saleté et y voir quelque chose. Il confirmait que le fredonnement venait bien de là. Il pouvait reconnaître que c’était une voix de petite fille, et il reconnaissait de même cette mélodie qu’il entendait. C’était cette fameuse chanson folk, Go tell aunt rhody. Puis quand un éclair jaillit du ciel, il aperçut la présence d’une petite fille aux cheveux blond, presque blanc, et vêtu d’une longue robe de nuit blanche, qui était agenouillé dans la boue devant le manoir, de dos à lui. Puis l’obscurité revenue. Cette fois, elle ne fredonnait plus. Elle se mit à changer avec une magnifique voix, il fallait le dire :

- Go tell aunt rhody… Go tell aunt rhody…

Denys connaissait non seulement cette chanson, mais ces paroles, si bien que la petite fille changea un passage.

- Go tell aunt rhody that everybody’s (à la place de: That the old gray goose is dead)…

En prononçant le mot « Dead », une seconde éclair jaillit et elle le fixait maintenant de la fenêtre où il était avec un sourire machiavélique. Sa peau était blanche comme neige et le contour de ses yeux noircit par des cernes. Et dès que le noir revint, il l’entendit rire.

Denys s’éloigna de la fenêtre alors que la pluie se mit à tomber fortement en une fraction de seconde, un peu comme s’il venait de se réveiller d’un rêve, sauf qu’il était toujours debout, planté devant la fenêtre. Il n’était pas retourné dans son lit.

Il commençait à en avoir assez de tous ces mystères. Décidé à trouver des réponses, Denys quitta sa chambre avec ses chaussures et redescendit à l’accueil en bas. Une fois-là, il n’y avait plus aucune lumière venant du rideau pour traverser à la salle à manger. Ça lui confirmait qu’il avait rêvé tout à l’heure. Il ouvrit la porte d’entrée du manoir et il se retrouva sur le perron, à l’extérieur, sous l’orage qui n’arrêtait plus. Il chercha durant les fractions que durait un éclair pour trouver cette petite fille blonde qu’il avait aperçu par la fenêtre. Aucun signe d’elle. Jusqu’à ce qu’il entende à nouveau rire. En descendant les marches et en se retrouvant sous la pluie, il put dire que ça provenait de derrière le manoir. Il marcha ainsi pour contourner la maison, ses souliers glissant dans cette boue.

Sur le côté de la maison, c’était encore de la boue. Toujours aucun terrain stable. Il longea le mur, voulant se retenir au cas où il tomberait et il arriva enfin derrière. Ici, c’était un tas d’arbres qui formaient une forêt. La maison se trouvait donc en bordure d’un boisé. Parmi la lumière des éclairs, Denys ne voyait toujours pas la petite fille en question qu’il cherchait. Il avait pourtant juré l’avoir entendu rire. Et bien sûr, il était certain de ne pas l’avoir imaginé non plus du haut de cette fenêtre.

La pluie glaciale lui coulait dans le dos et il savait que s’il restait encore dehors plus d’une minute, il allait finir par attraper froid, et surtout, il n’avait aucun vêtement de rechange. Mais il était déterminé à trouver avant cet enfant. Et par un temps pareil et à une telle heure, elle n’aurait pas dû se trouver dehors.

- Où es-tu petite?! cria-t-il enfin.

Durant le moment d’un éclair, une fraction de seconde, c’est-à-dire, Denys eu une vision des plus troublantes. Il aurait juré avoir vu un cimetière en plein où il se trouvait, des pierres tombales, juste avant la forêt. Et dans ce cimetière, il a aperçu la petite fille blonde, entre deux pierres tombales, plus loin, et la vision se dissipa aussitôt l’éclair passé. Denys fût alors pris par la panique. Sans réfléchir, il s’est mis à courir le plus vite possible en direction de la forêt. Il s’enfonça dans le boisé sans rien y voir devant lui, la pluie continuant de frapper. Il ne savait pas ce qu’il lui prenait de partir comme ça et risquer de se perdre en cours de route, c’est pourquoi il s’arrêta après avoir couru environ 5 minutes. Essoufflé, il se retourna et repris vite la route pour revenir au manoir.

Heureusement, il n’avait pas été encore assez loin pour se perdre. Quand il retrouva le manoir, il fût soulagé et s’arrêta, observant les lieux avant de retourner à l’intérieur. Il n’y avait plus aucun signe de ce cimetière qu’il avait aperçu. Encore l’un de ces mauvais rêves dans lequel il était pris? Il retourna à l’avant de la maison sans presse. Il était fatigué et il commençait à se sentir malade. La pluie était trop froide, le glaçant jusqu’aux os.

En entrant dans le manoir, il prit tout de suite le chemin de l’escalier pour retourner à sa chambre. En arrivant là-haut, il vit que sa porte de chambre était fermée. Il se posta devant elle et tourna la poignée, quand une voix de femme s’adressa à lui.

- Monsieur?

Il se retourna, son cœur battant la chamade lorsqu’il vit la même dame de tout à l’heure, celle du bureau, juste à côté de lui, vêtue d’une robe rouge courte, toujours ses cheveux bouclés et tenant une serviette dans ses mains. Elle lui souriait sympathiquement avec son rouge à lèvres écarlate.

- Vous avez besoin d’une serviette? lui proposa-t-elle.

Denys ferma les yeux quelques secondes, tentant de comprendre comment cette femme avait pu se trouver là en un clin d’œil, et croyant surtout qu’il était en train de perdre la tête. Il rouvrit les yeux et prit la serviette des mains de la femme sans la remercier. Il se contenta d’ouvrir la porte et de s’enfermer dans la chambre, commençant à être sérieusement bouleversé. Denys était bien difficile à effrayer à l’habitude, en particulier parce qu’il en avait vu de toute sorte dans son métier de prêtre, mais il y avait quelque chose dans cette maison qui clochait, un truc de très anormal qui le faisait se sentir mal à l’intérieur de lui et inconfortable. Il s’essuya vite fait avec la serviette, la jeta par terre et se remit sous les couvertures, grelottant de froid. Dès l’aube, il ne tarderait pas à partir d’ici au plus vite, laissant ces mauvais souvenirs derrière lui.

Il était couché sur le dos, fixant le plafond du lit baldaquin. Plusieurs minutes passèrent et il entendit peu à peu un drôle de son qui se rapprochait. Ça recommençait. Il allait encore avoir des hallucinations. Il se tourna sur le côté, toujours vers la fenêtre et ferma les yeux et se mit à chuchoter seul, question de se rassurer et de faire taire ce bruit qu’il entendait. Étrangement, il avait le sentiment de reconnaître ce bruit. C’était assurément le son de quelque chose de pendu au bout d’une corde, pendant dans le vide, et ce bruit venait de la chambre. Il lui avait paru si loin au début, mais maintenant, il était persuadé de l’entendre assez bien pour dire que ça venait de la chambre.

Il tourna donc la tête et il fit un bond dans le lit lorsqu’il aperçut le corps d’une femme en décomposition pendu au bout d’une corde, juste en-face de lui, hors du lit à baldaquin. Cette fois, il cria de terreur, retira les couvertures de sur lui et sortit d’un bon du lit. Quand il se retourna, toute trace de la femme avec la corde avait entièrement disparut. Son corps débattait dans sa poitrine et il avait de la difficulté à respirer. Cette fois il se dit qu’il n’allait pas rester dans cette demeure une minute de plus. Il récupéra tout de suite son sac qu’il avait laissé près du lit à baldaquin et prit la direction de la sortie de la chambre. Il ouvrit la porte brusquement et courut dans le couloir pour ensuite dévaler l’escalier. Peu importait l’heure qu’il était, il emprunta le téléphone à l’accueil et par chance, il entendait une tonalité au bout. Il composa hâtivement fait le numéro d’une agence de taxi pour qu’on lui envoie un véhicule dès que possible. Il avait tenté de paraître le moins possible bouleversé à l’autre bout du fil. Quand on lui demanda l’adresse, Denys ne sut pas quoi répondre. Il demanda alors une minute pour jeter un œil à l’adresse dehors. En sortant, il s’aperçu que le soleil avait commencé à sortir à l’horizon, éclairant le bas du ciel, la journée s’annonçant splendide et ensoleillé, l’orage finalement passé. Denys avait l’impression que le temps avait avancée si rapidement dans cet endroit. Bref, il mentionna l’adresse et on lui promit de lui envoyer quelqu’un sur le champ. Ne voulant rester plus longtemps dans cet endroit maléfique qui lui faisait voir toute sorte de chose, il sortit à l’extérieur pour attendre le taxi. Il s’éloigna même du perron le plus possible, préférant encore mieux d’avoir les pieds coincé dans la boue.

Denys dû attendre une demi-heure, pas plus, jusqu’à ce qu’il voit un véhicule noir s’approcher, qui était bien un taxi. Son soulagement se changea tout de suite en découragement. Il vit à travers la vitre avant le vieil homme qui était venu le porter ici hier soir, ce vieillard perdu, qui était responsable de sa mauvaise nuit passé en ce lieu. Le véhicule prit le temps de se garer et Denys s’approcha de celui-ci et se dirigea vers le côté conducteur. Le vieillard ouvrit sa vitre en voyant Denys se poster devant sa fenêtre.

- Monsieur? dit le vieillard.

- Encore vous, dit-il, assez mécontent de le revoir.

- Oui, c’est encore moi.

Denys soupira puis il alla prendre place à l’arrière du conducteur et il ferma la portière. Il prit une grande inspiration et déposa son sac à ses pieds.

- Il était temps que je parte d’ici, avoua Denys au chauffeur.

Le vieillard se retourna vers Denys.

- Vous savez que cette maison est hantée? déclara-t-il.

Ce dernier fronça les sourcils.

- Euh…

Il ne savait pas quoi répondre.

- Oui, par une femme qui s’est pendue dans sa chambre d’hôtel. Certains gens racontent même qu’ils ont aperçu, non seulement son fantôme, mais aussi celui de plusieurs autres gens qui sont également décédé dans cet endroit.

Denys était scandalisé par ce que le vieillard lui avait raconté. Celui-ci démarra la voiture, prêt à partir.

Pourquoi ne lui avait-il rien dit à propos de ce qui se passait dans ce manoir, avant de le laisser passer une nuit d’horreur en ces lieu?

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