Chapitre 2 : Opération Titan

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Je suis étonné de voir la commandante Fox en chair et en os. Je m'attendais à un entretien vidéo. Si elle a tenu à me parler de vive voix, c'est qu'elle a des choses très importantes à me dire. Elle me sourit puis m'invite à m'asseoir en face d'elle. Elle a une voix douce, calme et un sourire compatissant. Je ne l'imaginais pas ainsi. Malgré son charisme naturel, elle n'a pas vraiment le profil d'une commandante rebelle. Je m'assoie et elle engage directement la conversation :

- Ravie de vous rencontrer agent Cole Jeydricks. Je suis la commandante en chef de la Résistance, Julie Fox. J'ai lu votre dossier, je suis très impressionnée. Vous êtes un très bon élément, mais cela n'a rien d'étonnant quand on connaît votre famille. J'ai eu la chance de collaborer avec vos parents, ils étaient parmi les premiers résistants, leurs enfants ne pouvaient que faire partie de l'élite, m’explique-t-elle avec un regard bienveillant. Ce qui est confirmé également par les résultats de votre jeune sœur Laylana. On m'a dit beaucoup de bien d'elle, c'est une recrue très prometteuse. Niveau scolaire on ne peut pas en dire autant malheureusement... Pourtant d'après son professeur elle a du potentiel, ajoute la commandante avec un regard désolé.

Je me retiens de lui dire qu'elle tient ce manque d'intérêt pour les cours de son grand frère. Je passais mon temps à sécher l’école avec Kaly, mon ex-petite amie, et Trainte, que je considérais comme un frère. On formait un trio inséparable, du moins avant qu'ils ne meurent le jour du bombardement.

- C'est une petite avec beaucoup de caractère, mais je suis certain que ces absences se feront moins nombreuses. Elle a juste besoin de... d'un peu de maturité, lui dis-je sans vraiment le penser.

- Je suppose que vous avez raison. En tout cas vous ressemblez énormément à votre père. La mâchoire carré, brun, les yeux clairs. J'ai l'impression de me retrouver à nouveau en face de lui. Comme au bon vieux temps… m’explique-t-elle nostalgique. Enfin, vous vous doutez bien que je ne suis pas là pour parler des résultats scolaires de votre sœur ou de vos parents.

- Bien évidemment.

- Vous avez été sélectionné pour participer à une mission de la plus haute importance, Cole. Nous avons besoin de vous, le bas peuple entier a besoin de vous. Vous êtes le plus qualifié parmi tous les révoltés, déclare la commandante.

- Dites-m'en plus et si je peux aider je le ferai.

- Je ne peux vous dire qu'une seule chose, vous ne reviendrais peut-être pas en vie. Mais si vous y arrivez, si vous menez à bien cette mission, le vent pourrait tourner en notre faveur et nous aurons une chance de faire tomber les Gouvernementalistes.

Faire tomber les Gouvernementalistes ? C’est ce que j’attends le plus depuis plus de dix ans. Je suis sur le point d'accepter sans réfléchir puis je pense à Lana. Admettons que je ne revienne pas, je la laisserai seule, sans aucune famille pour l'aider à survivre dans ce merdier. Je dois donc choisir entre ma sœur ou les cinq milliards de personnes qui composent le bas peuple. La personne que j'aime le plus au monde ou un tas d'individus que je ne connais pas mais qui méritent sans aucun doute une meilleure vie que celle que nous impose le gouvernement. Pour être franc, je pense que je n'hésiterais pas à sacrifier l'humanité entière pour cette gamine mais après tout Lana aussi fait partie du bas peuple... Si je les aide eux, je l'aide elle également. Et puis qui sait, je rentrerai peut-être en vie après tout... Il me faut une dizaine de secondes de réflexion puis je lui réponds :

- Connaissez vous une personne qui n'a perdu aucun ami, aucun membre de sa famille durant le soulèvement ?

- Et bien... non... je ne pense pas.

Pourquoi ? rétorque la commandante Fox perplexe.

- Le gouvernement nous a, à tous, pris des proches. Je ne veux pas que mes parents soient morts en vain. Et nous sommes exploités et ignorés depuis bien trop longtemps. Je ne peux pas refuser votre mission. Je veux un meilleur futur pour ma sœur, pour mes amis et pour moi-même.

- Nous voyons les choses de la même manière Cole, nous sommes faits pour nous entendre, déclare-t-elle en retrouvant son sourire.

Elle reprend son sérieux puis enchaîne :

- Vous savez que vous ne pourrez en aucun cas revenir en arrière si vous acceptez ?

- Je sais, et j'accepte.

- J'étais sûr que nous pouvions compter sur vous, me dit-elle en glissant une petite oreillette juste devant moi. Pour que nous puissions vous joindre à tout moment. Bienvenue dans l'opération Titan agent Jeydricks. Votre mission est simple. Vous devrez vous faire envoyer dans les laboratoires gouvernementaux pour servir de cobaye, et ceux, dès ce soir, m’explique la commandante en cessant de sourire.

Me faire envoyer dans leur labos pour servir de cobaye ? Sur le moment je suis surpris, même effrayé pour être franc, mais je ne laisse rien transparaître et je la laisse finir :

- Une voiture vous emmènera jusqu'à la forêt, près de la frontière de la haute zone d'Amérique. De là-bas vous vous rendrez au QG des gouvernementaux. À vous de trouver un moyen de vous y infiltrer puis de vous faire arrêter et surtout pas tuer. Vous devez représenter une menace assez importante pour qu'ils veuillent vous avoir vivant. Mais si vous semblez trop dangereux, ils vous tueront. À vous de trouver l'équilibre, ajoute-t-elle très calmement avant de poursuivre. Mais dans tous les cas nous n'aurons qu'une seule chance. Vous n'avez pas le droit à l'erreur. Si tout se passe comme prévu vous serez envoyé dans leurs laboratoires et la suite de vos instructions vous seront communiquées à ce moment-là. Moins vous en savez, moins nous prenons de risques. Bien-sûre tout ce qui se dit dans ce bureau y reste. Je sais que ce que je vous demande de faire peut paraître fou, mais faites moi confiance. Nous avons tout prévu. Des questions ?

Des questions ?! J'en ai des milliers, mais une seule à laquelle la commandante Fox acceptera de répondre :

- Ma sœur ?

- Si vous réussissez vous la retrouverez, sinon nous ferons en sorte qu'elle ne manque de rien, soyez en certain, me répond-t-elle instantanément comme si elle s’attendait à cette question.

Elle gagne ma confiance en ajoutant cela.

- Très bien, merci commandante Fox.

- Nous nous reverrons bientôt j'en suis sûr, déclare-t-elle compatissante. Bonne chance Agent Jeydricks. Nous comptons tous sur vous, vous avez la possibilité de libérer le bas peuple si vous réussissez, vous ne devez pas échouer. Vous pouvez aller chez-vous vous préparer, vous serez recontacté dans la soirée.

Je prend le petit dispositif qu'elle m'a confié, l'installe dans mon oreille puis je la salue avant de quitter le bureau. Je vais pour regagner l'ascenseur quand je prends conscience d'une chose. Je serais peut-être mort d'ici quelques heures, et bien que je sache que je ne suis pas indispensable à la survie de ma sœur, j'ai tout de même besoin de savoir qu'une personne en qui nous avons confiance, elle et moi, sera là pour la protéger. Je dois vite parler à Chris. Il est à l'entraînement à cette heure-ci. Je fais demi-tour et me rend au gymnase.

Arrivé là-bas je vais vers le sergent instructeur qui me demande discrètement si mon entretien s'est bien passé. Je lui réponds que oui, mais je ne lui laisse pas le temps de surenchérir et lui demande si je peux aller m'isoler avec Chris. Il doit comprendre l'urgence de la situation car il accepte immédiatement, ce qui ne m’étonne pas de lui, le sergent Rosse a toujours su lire en moi comme dans un livre ouvert. Je me retrouve donc seul avec mon ami dans le couloir désert.

- Y’a un problème mon vieux ? me demande Chris aussi inquiet qu'essoufflé.

Il sait que si je le coupe en plein entraînement c’est qu’il y a un problème. Puis il a bien dû voir à mon expression faciale que quelque chose n’allait pas. Après tout nous sommes amis depuis huit ans, il me connait par coeur. À par Lana et moi Chris n’a personne. Tous ceux qu’il connaissait sont morts dans les bombardements. Il est comme un frère pour nous. C'est un grand mec un peu maladroit, à peine plus jeune que moi. Les autres gars se moquaient souvent de lui avant, mais avec un peu d'aide il a vite fait partie des meilleurs de la base. Nous sommes très proches, avec Lana c'est le seul à qui je peux me confier, le seul à qui je peux me fier.

- Je vais devoir m'absenter dès ce soir, j'ai besoin que tu veilles sur Lana, tu es l'une des rares personnes en qui elle a confiance, je lui dis très sérieusement.

- Mais tu vas où ? me questionne-t-il étonné.

- Tu sais très bien que si je pouvais te le dire je l'aurai fait.

- Qu’est-ce qui se passe ? Je comprends pas, ajoute-t-il l’air perdu.

- Je ne sais pas si je vais revenir Chris.

En disant ça je sens mes entrailles se nouer, puis je reprends en lui attrapant l’épaule, à la limite de la supplication :

- Passe la voir à la maison après l'entraînement. Ne la laisse pas seule s'il te plaît.

- Tu peux compter sur moi mon vieux. Mais...

Son visage est déformé entre incompréhension et tristesse.

- Merci, lui dis-je en le serrant dans mes bras sans lui laisser le temps de finir sa phrase. Tu vas être perdu sans moi le blond, j'ajoute en riant pour tenter de détendre l’atmosphère ainsi que mes entrailles.

Le blond, c'est le surnom que lui donne Lana pour l'embêter.

- ça ira, je suis grand maintenant, mais essaie de revenir quand même. Ça nous arrangerait, répond Chris avec un sourire crispé.

- Compte là-dessus. À tout à l'heure.

Je regagne la surface, à la fois soulagé de savoir qu'une personne de confiance veille sur ma sœur, et en même temps inquiet de la réaction qu'elle aura en apprenant mon départ. Et à vrai dire je ne pensais pas que dire adieu à Chris me retournerais autant. Je commence à réaliser petit à petit que je ne les reverrai peut-être jamais plus. Je sens ma gorge se contracter en y pensant. Je ne dois pas me laisser aller.

Le chemin du retour se déroule de la même manière que celui de l'allée, si ce n'est le petit groupe de casseurs que je croise à mi-chemin. Les gouvernementaux nous refilent tous leurs délinquants et criminelles. Ça leur revient moins cher que de les entretenir dans une prison. Étant donné qu'il n'y a pas de police dans la zone grise, souvent les résistants se chargent de ses agitateurs, et habituellement j'avoue que je m'arrête volontiers pour leur casser une ou deux jambes, mais cette fois je suis bien trop pensif pour m'occuper d'eux. Je dois l'admettre, j'ai peur de cette mission dont je ne connais presque rien. Mais j'ai confiance en la Résistance et j'ai confiance en moi. S'ils m’ont choisi, c'est que j'ai toutes mes chances de réussir. De toute manière, je n'ai pas vraiment le choix.

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