Chapitre 2 — Sous les Néons d’Edge

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En s'approchant de l'Edge, niché au cœur des ténèbres du 11e arrondissement, Anna sentait l'effervescence électrique de la rue, un contraste frappant avec le calme oppressant des quartiers avoisinants. La façade du bar, une symphonie de néons criards et de panneaux holographiques, se découpait dans l'obscurité comme une promesse de délices interdits. La foule qui s'amassait à l'entrée était un mélange hétéroclite de noctambules, chacun cherchant à échapper, ne serait-ce qu'un instant, à la réalité morose de leur existence.

Le videur, une montagne de muscles aux tatouages serpentant sous sa peau, scrutait la foule derrière ses lunettes à réalité augmentée. Son gilet pare-balles et l'arme à impulsion électrique, qui pendait négligemment à sa ceinture, témoignaient d'un monde où la sécurité était une illusion fragile. À l'approche d'Anna, un signe de tête complice suffisait à briser l'anonymat de la masse, reconnaissant ainsi une familiarité silencieuse entre eux.

Sans un mot, Anna afficha un sourire, ses yeux révélant une détermination inébranlable, tandis qu'elle présentait sa carte d'identité au scanner biométrique. L'interaction, bien que muette, était chargée d'un entendement mutuel, le videur acquiesçant légèrement pour lui accorder l'accès. Le faisceau lumineux du scanner, rapide et impersonnel, scannait sa carte, un geste quotidien dans ce monde où la technologie servait de clé autant que de barrière.

Cet ancien repère de mercenaire, réinventé à partir des entrailles d'une station de métro désaffectée, était devenu le sanctuaire de l'extravagance et de l'insurrection. Le nom « Edge », hérité de l'ancienne station, évoquait parfaitement le lieu : un espace à la frontière de l'interdit, où l'avant-garde et le danger dansaient un ballet endiablé sous un déluge de lumières artificielles.

Chaque recoin du bar était une ode à l'anarchie esthétique : néons criant des vérités oubliées, écrans diffusant des rêves numériques, et les enceintes vomissant un mélange cacophonique de genres musicaux, du rock rebelle à l'électro dystopique, créant un chaos mélodique qui pulsait dans les veines de la foule. Ici, les contrastes régnaient en maîtres, fusionnant la fête et la violence dans un éclat saisissant, attirant à lui une mosaïque de vies : des esprits libres, des ombres du net, des marchands d'illusions, tous unis sous le même toit dans une quête éphémère de transcendance.

La piste de danse, née de l'ablation des rails du métro, était un océan de corps, un maelström de désirs où chaque mouvement, chaque frôlement racontait une histoire. Des halos de lumière se jouaient des silhouettes, tantôt caressant la peau avec douceur, tantôt tranchant l'obscurité avec précision. Anna, se laissant porter par le rythme, s'abandonnait à cette marée humaine, se laissant à la fois observer et toucher, oubliant, le temps d'une soirée, le poids de ses responsabilités. Mais cette nuit n'était pas dédiée à la fête.

Naviguant à travers la foule, Anna scrutait les visages baignés de lumière artificielle, chaque rencontre révélant les multiples facettes de ce monde : un punk aux yeux cybernétiques scrutant la nuit, une silhouette argentée dansant au rythme de pulsations lumineuses synchronisées à son cœur mécanique, un corporatiste dissimulant mal ses intentions derrière un sourire de circonstance. Tous, acteurs d'une pièce dont les enjeux dépassaient souvent le simple cadre de l'Edge.

Dans ce carnaval de l'extrême, où chaque sourire pouvait cacher une lame et chaque mot, un code, Anna avançait, déterminée. Elle était là non pas pour s'immerger dans l'extase collective, mais pour rencontrer son contact.

Anna s'avança vers le comptoir, un autel de métal et de verre où se mélangeaient les élixirs du futur et les poisons du passé. Les bouteilles, certaines contenant des alcools qui n'avaient jamais connu la terre, d'autres des concoctions synthétiques baptisées avec des noms évoquant l'évasion ou la destruction, formaient une mosaïque de tentations. Derrière, Raph, le barman, un homme dont la calvitie était compensée par une constellation de tatouages et de piercings, semblait le gardien de ce temple de l'oubli.

— Anna, quelle âme porte ton esprit ce soir ? demanda-t-il, un sourire en coin qui ne parvenait pas à dissimuler sa propre lassitude.

Anna se contenta d'un sourire fatigué. — Un gin-tonic pour apaiser les fantômes.

Elle saisissait le verre tendu par Raph, ses yeux balayèrent la salle, s'attardant sur les silhouettes des corporatistes, ces marionnettes d'un théâtre macabre, drapées dans le luxe et l'indifférence. Dan l'attendait, une ombre parmi les ombres, un intermédiaire dans le marché noir des informations et des loyautés.

Anna s'installa en face de Dan, une tension impalpable flottant entre eux, le brouhaha du bar formant une toile de fond presque irréelle. L'air se chargeait d'expectatives à mesure que Dan scrutait les alentours avant d'activer discrètement un brouilleur d'ondes, créant une île de confidentialité dans l'océan tumultueux de l'Edge.

— J'ai une mission pour toi, Anna. C'est simple, Anna. Juste une livraison, murmura Dan de sa voix monocorde.

Anna, l'œil attentif et la méfiance en bandoulière, inclina légèrement la tête. — Simple, hein ? Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que ça ne l'est jamais vraiment ?

Dan, après un bref regard autour d'eux, posa une clef USB sur la table. — Tout ce que je sais, c'est que ça doit remettre ceux-ci à Crystal. Tu la connais ?

À la mention de Crystal, Anna sentit son cœur s'accélérer, une chaleur soudaine lui montant aux joues. Elle masqua son trouble par un sourire, mais ses doigts trahissaient son anxiété, tapotant nerveusement sur la table.

À l'évocation de ce nom, un frisson traversa Anna, mais elle se garda de montrer toute réaction personnelle. — Crystal ? la journaliste ? Juste de nom.

Anna pesa ses mots, son regard fixe sur la clef comme si elle pouvait y lire les secrets cachés. — Et pourquoi cette clef ? il y a quoi dessus ? On sait tous les deux que c'est dépassé.

— Je n'ai pas les détails, avoua Dan avec un haussement d'épaules. Le client a été clair : c'est essentiel pour elle, et il est prêt à payer généreusement pour cette livraison.

La suspicion ourla les pensées d'Anna, la notion que quelqu'un en savait assez pour lier sa route à celle de Crystal sans révéler leur lien de parenté la troubla profondément. — Et comment suis-je censée la trouver ? Elle est un fantôme pour la plupart des gens.

— Elle sera à Paris, au Plaza Athénée, demain matin. Une info fiable, assura Dan, confiant.

Anna, bien qu'intérieurement bouleversée par la possibilité de revoir sa mère, conserva une façade d'indifférence. — Le Plaza Athénée, hein ? Et je suppose que marcher jusqu'à l'accueil en demandant Crystal fonctionnera comme par magie ?

— Le client a ses raisons de croire que oui. Peut-être... Dan semblait spéculariser, ses pensées s'égarent dans les méandres des possibilités.

Anna, capturant la clef USB, la fit disparaître dans une poche sécurisée. — Bien, je verrai ce que je peux faire. Mais quelque chose me dit que ce n'est pas juste une livraison de routine.

— Et pour l'arme que j'ai demandée, tu as réussi à la trouver ?

Dan, avec un sourire qui trahissait à la fois confiance et complicité, vérifia discrètement leur environnement avant de répondre. — Anna, ce que j'ai pour toi dépasse tes attentes.

Délicatement, il posa une mallette sur la table, l'ouvrit avec précaution, et révéla son contenu à Anna. L'objet qu'elle découvrit captura aussitôt toute son attention : un pistolet d'une facture futuriste, son design élégant dissimulant une puissance brutale.

— Regarde ça, Anna. Ce n’est pas n'importe quelle arme. Un prototype de pistolet à impulsion magnétique, expliqua Dan, sa voix empreinte d'une fierté non dissimulée. Sa technologie avancée permet de propulser des projectiles avec une force inégalée, capable de perforer presque tous les matériaux.

Anna, saisissant l'arme, sentit un mélange d'émerveillement et de réserve. Elle était familière avec l'art de se défendre par des moyens technologiques, mais cet objet représentait une escalade significative dans le jeu dangereux auquel ils participaient.

— Elle reconnaît uniquement les empreintes de son propriétaire, continua Dan, notant l'intérêt attentif d'Anna. Cela signifie qu'elle ne répondra qu'à toi, garantissant une sécurité personnelle inégalée.

— Comment as-tu mis la main sur une telle merveille ? s'enquit Anna, sa curiosité piquée. Cela dépassait les standards habituels, même pour Dan.

— Disons que j'ai mes entrées... et que certains échanges ont été nécessaires. Le coût en valait la chandelle, assura-t-il, son sourire énigmatique cachant les détails de ses démarches.

— C'est plus qu'une arme, c'est un atout. Merci, Dan. Je saurai en faire bon usage, déclara-t-elle, sa détermination se renforçant face aux défis à venir.

Dan acquiesça. — Juste un rappel, Anna. La priorité reste la mission avec Crystal. Cette arme est un outil, pas une solution.

Anna hocha la tête, pleinement consciente de ce qui l'attendait. L'importance d’avoir une réelle conversation avec sa mère.

— Je comprends, Dan. Je ferai en sorte que la mission soit accomplie, et je te tiens informé.

Dan esquissa un sourire approbateur. — Parfait. Et n'oublie pas, l'arme s’aimante automatiquement à ta jambe. Aucun holster nécessaire. Une prouesse de plus pour ce bijou technologique.

Avec un signe de tête reconnaissant, Anna fixa l'arme à sa jambe, sentant le lien magnétique se solidifier.

Alors que le tumulte du bar Edge gagnait en intensité, une symphonie de néons pulsant à l'unisson avec la musique envahissante, Anna sentait la tension électrique de l'espace se mêler à ses propres résolutions. Malgré l'illusion de festivités sans fin, elle percevait les courants sous-jacents d'intrigues et de dangers masqués par les éclats de liberté.

Elle vida d'un trait son verre de gin-tonic, le goût amer se fondant dans la détermination qui l'animait. Se levant, elle adressa un regard à Dan, « Je te tiens informé, Dan. Et... merci pour l'arme. Je ne l'oublierai pas, » dit Anna, sa gratitude sincère transparaissant dans son regard. Elle se sentait mieux équipée, pas seulement physiquement, mais mentalement. Leur poignée de main, brève mais empreinte de significations mutuelles, scella leur entente avant qu'Anna ne s'éloigne.

En direction du comptoir, Anna ressentait un mélange de nostalgie et d'anticipation. Son esprit vagabondait vers Alex, son ancre dans la tempête, celui qui, seul, connaissait les véritables liens du sang qui l'unissaient à Crystal. Sa présence était un phare dans l'incertitude qui l'entourait, la seule constante sur laquelle elle pouvait compter sans faille.

Raph, le gardien des élixirs nocturnes, s'approcha avec un hochement de tête complice. — Anna, quel plaisir te réserve cette nuit ?

— Un autre gin-tonic, pour célébrer l'instant présent, répondit-elle, un sourire espiègle aux lèvres.

Tandis que Raph s'affairait à préparer sa commande, Anna contemplait le verre qui lui était tendu, symbole de ses défis à venir. La fraîcheur du liquide contrastait avec la chaleur de la foule, lui rappelant les dualités de son existence.

— Merci, Raph. Tu es l'alchimiste de nos soirées, lança-t-elle, portant son verre en un toast solitaire mais significatif. « Carpe diem », murmura-t-elle, un mantra pour les heures sombres à venir.

Anna s'abandonna un moment à l'effervescence autour d'elle, chaque gorgée du breuvage rappelant la préciosité et la fragilité de l'instant. Mais derrière son regard se cachait la résolution d'une hackeuse prête à affronter son destin, armée de secrets et d'une nouvelle alliée de métal.h. Elle leva son verre et rajoute « Carpe diem »

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