Chapitre 1 : 

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Nous sommes le trente-et-un décembre et il est exactement vingt-trois heures quarante-cinq.

Moi, Sheila, je suis assise, sur un banc en bois au bord de la mer. Je contemple l'horizon. Quelques flocons caressent mon visage et je sens des frissons parcourir la totalité de mes membres. Ressentant de plus en plus le froid, je remonte la fermeture éclair de ma veste et me recroqueville un peu plus sur moi-même.

Une larme roule sur ma joue et en une fraction de seconde je me remémore la scène la plus horrible de ma vie. Chaque instant, chaque bruit, chaque détail me hante, je m'en souviens comme si c'était hier.

Un an auparavant…

Près du ponton, ma mère observait les vagues. Le regard fixe et les mains tremblantes, elle s'approcha un peu plus du bord. Comprenant ce qu'elle voulait faire, je me dirigeai vers elle pour l'en empêcher, mais, une de ses menaces me cloua sur place. Ne pouvant plus m'approcher, j'essayai de trouver la solution dans les paroles :

– Maman, maman ! Je t'en supplie ne fais pas ça ! Maman j'ai besoin de toi ! S'il te plaît ne me laisse pas toute seule ! Mamaan !

– Je suis vraiment désolée ma belle. Je ne sais pas si tu me comprendras un jour ... Je ne peux plus vivre avec ça. Je n'en peux plus, c'est trop pour moi... Je te fais confiance Sheila, je sais que tu pourras très bien te débrouiller sans moi. Je t'aime ma chérie...

– Maman ! Écoute-moi, on peut tout surmonter ensemble, rien n'est impossible ! Je sais que tu souffres mais ce n'est pas à cause de lui que tu vas mettre fin à ta vie...

– Pardonne-moi Sheila, pardonne-moi ma fille... Et surtout n'oublie jamais que je t'aime de tout mon cœur....

A cet instant, le corps de ma mère bascula et tomba dans la mer. L'écho des éclaboussures me tétanisa sur place.

Sans pouvoir réagir, je la regardai s'enfoncer dans les profondeurs. Mes genoux lachèrent et mon coeur flancha. Je m'écroula par terre et perdis connaissance.

J'ouvris lentement les yeux et remarquai que je n'étais plus au même endroit. Je me trouvais dans une petite chambre, très... « blanche », même un peu trop à mon goût. En examinant les lieux, je ne remarquai qu'une petite télévision accrochée sur le mur en face de moi et une petite armoire dans les tons de rouge près de la porte. Une odeur de désinfectant parvint à mon nez et un haut-le-cœur me prit.

La porte s'ouvrit sur une infirmière, petite et un peu dodu mais qui m'inspirait confiance. Mon premier réflexe fut de lui demander où se trouvait ma mère et si elle allait bien. Son regard fuyant et le tremblement de sa voix me donnaient la réponse que je redoutais tant. Je fermai mes yeux et priai pour que tout cela ne soit qu'un cauchemar. Mes larmes ruisselaient sur mes joues et je resserrai mon étreinte sur mon oreiller pour étouffer mes pleurs.

****************

Je sens une main tapoter mon épaule et cela me tire brusquement de mes pensées. Je vois un vieil homme. Peut-on dire qu'il est vieux ? Je ne sais pas vraiment... Je n'arrive pas à discerner son visage à cause des reflets du lampadaire. Je le fixe quelques secondes. Au début, j'ai peur et pense à m'éloigner. Pourtant, lorsque je réussi finalement à le voir, ses tremblements et les larmes qui menacent de couler de ses yeux me font pitié. Je me décale donc de quelques centimètres et il n'hésite pas à s'asseoir.

Ni lui, ni moi n'osons rompre le silence. Nous nous contentons d'écouter le bruit des vagues se fracasser sur les rochers au loin.

Plus les secondes se suivent et plus ce silence devient pesant. Je perçois à son attitude qu'il veut me parler, toutefois quelque chose l'en empêche. A la fin, il se repositionne pour être en mesure de voir mon visage et me lance :

- Sheila ?

Réalisant que c'est bien mon prénom qu'il vient de prononcer, je me crispe et sans le regarder, je réponds :

- Comment connaissez-vous mon prénom ?

- J...Je... J'étais un proche de ta mère et les connaissances que l'on avait en commun me parlent souvent de toi.

- Et comment connaissiez-vous ma mère ?

- Je...Comment dire ? Je suis son père c'est-à-dire ton grand père Sheila.

Non, ce n'est pas possible, ma mère m'avait dit que mon papi était mort avant ma naissance. Certes, elle ne me donnait jamais de détail sur ses parents mais je pensais que c'était parce-que cela la faisait souffrir. M'a-t-elle menti ? Non, ma mère n'était pas une menteuse, il doit y avoir une explication à tout ça. Pour en avoir le cœur net, je demande :

- Et qu'est-ce qui me prouve que vous ne me mentez pas ?

Il réfléchit un petit instant et sort son portefeuille de la poche arrière de son pantalon. Il me montre une photo avec lui au milieu et ma mère sur ses genoux. Elle avait l'air tellement belle et insouciante. Une larme s'échappe de mon œil et je ne fais rien pour la retenir. Puis, seul un mot arrive à se frayer un chemin à travers mes lèvres :

- Pourquoi ?

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi apparais-tu maintenant ? Pourquoi n'as-tu jamais appelé ? Pourquoi n'étais-tu pas là quand ma mère en avait le plus besoin ? Pourquoi ?

- C'est très compliqué Sheila... Si j'ai choisi ce soir pour venir te voir c'est pour te faire comprendre que même si l'année dernière, à cette date précise où tu as perdu ta maman, aujourd'hui tu m'as moi ! Et si je m'abstenais d'entrer en contact avec vous c'est parce que nous ne nous sommes pas très bien quittés avec ta mère...

- Comment ça ?

- Je vais tout t'expliquer depuis le début au moins ce sera plus clair.

- Je t'écoute !

Il y a dix-huit ans…

C'était une belle nuit d'été. Assis autour de la table qui se trouvait sur la terrasse, ma femme et moi, nous attendions Emily. Elle nous avait dit plus tôt dans la journée qu'elle voulait nous annoncer quelque chose de très important.

Emily apparut sur le pas de la porte. Elle portait une robe en dentelle noire qui mettait ses longues jambes en valeur. Elle était très jolie... seulement, l'expression de son visage n'annonçait rien qui vaille. Nous l'invitâmes tout de même à s'asseoir et elle s'exécuta. Elle avait très peur et cela se voyait à la façon dont elle bégayait..

Finalement, elle nous avoua qu'elle était enceinte et qu'elle ne pouvait plus avorter. Sa grossesse avait depuis peu, dépassé la date limite autorisée...

A ce moment-là, je bondis de ma place et me plantai devant sa chaise. Mon premier réflex fut de la gifler. Je savais qu'elle s'en souviendrait toute sa vie car ce fut la première et la dernière gifle que je lui collai. Elle n'osait pas lever les yeux pour me regarder en face. Automatiquement, sa main se porta à sa joue rosie par le coup.

Alors que je ne me rendais absolument pas compte de ce que je faisais, je lui criai de prendre toutes ses affaires et de quitter la maison. Elle connaissait très bien les limites à ne pas franchir et malgré cela, elle osa procréer avec je ne sais qui. Je n'étais pas un père strict mais il y avait des points pour lesquels j'étais intransigeant. Ma femme pleurait et me suppliait de ne pas faire cela. Elle hurlait et essayait de retenir Emily. Mais sans broncher, celle-ci quitta la maison le lendemain, très tôt dans la matinée.

Chaque année cédait sa place à la suivante et il n'y eut pas une seconde sans que je regrette d'avoir agi ainsi. J'aurais dû être là pour elle, j'aurais dû la rassurer et surtout, la soutenir.

Un mois après cet incident, j'ai tenté de les retrouver, en vain. Malgré toutes mes recherches, aucune trace ni de ma fille ni de son bébé.

Un jour, alors que j'avais perdu tout espoir, un coup de téléphone m'annonça le suicide de ma fille. Au début, je crus à un canular. Mais, la sériosité qui se faisait entendre à l'autre bout du fil me fit vite déchanter. Mon Emily était bel et bien morte. Je n'en croyais pas mes oreilles. Une partie de moi se déchira et mes yeux suivirent le message de mon cœur. Des dizaines de larmes dégoulinèrent sans que je ne puisse les retenir. Entendant la nouvelle, ma femme ne pouvant se retenir, explosa et déversa toute la tristesse qu'elle accumulait depuis exactement dix-huit ans.

Quelques temps après, n'étant plus en état de supporter la douleur, ma douce épouse décéda. Cet évènement me détruisit un peu plus et je ne savais plus quoi faire. Les deux êtres les plus chers à mes yeux avaient quitté ce monde, me laissant seul face à la terre entière.

Après cela, je mis tout en œuvre pour retrouver l'enfant de ma fille. J'appris après maintes recherches que c'était une fille prénommée Sheila et qu'elle habitait à Marseille.

Ce fut ainsi que je décidai de déménager pour la rejoindre...


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