Chapitre 2 :

7 minutes de lecture

Les paroles de mon « grand-père » résonnent dans ma tête encore et encore. J'ai vraiment du mal à y croire...


Ma mère m'aurait donc menti toutes ces années ? Ce n'est pas possible...
Nous étions comme des copines. Nous nous racontions tout dans les moindres détails...
Cela dit, un seul sujet était toujours tabou entre nous : sa jeunesse.


Je me lève du banc, le toise avec colère et me détourne de lui.

- Sheila attend, où vas-tu ? me demande-t-il.

- J'ai besoin de réfléchir d'accord ?

Il s'approche de moi et me tend un papier... Je le prends et vois un numéro. Puis, sans que je ne puisse répliquer, il me dit :

- Sheila, je sais que tout cela est compliqué pour toi. Je suis conscient que tu aies du mal à te remettre de la mort de ta mère mais sache que tu n'es pas seule... Une fois que tu auras réfléchis, si tu veux me parler et partager certaines choses avec moi, je serai toujours là pour toi ma belle ... N'hésite surtout pas à m'appeler...

- Comment peux-tu comprendre ? As-tu vu ta mère mourir devant tes yeux ? As-tu perdu ta seule raison de vivre ? As-tu vécu chaque seconde de ta vie comme un cauchemar ?

- ....

- Réponds-moi p’tain !

- ....

- Tu n'as aucune réponse à me donner pas vrai ? Parce que même si tu as perdu ta fille, elle n’est pas morte devant tes yeux. Tu ne comprendras jamais ma douleur !

Sur ces mots, je me tourne et commence à courir. J’ai l’impression de devoir fuir, le plus loin et le plus vite possible ...

Minuit retentit et les feux d'artifices filent au-dessus de ma tête. Dans le ciel, ils tonnent et éclaboussent les étoiles de gerbes d'étincelles. Ces illuminations embaument le coeur des passants mais il n'a d'autre effet chez moi que de serrer le mien à en perdre haleine.. Essoufflée d'avoir autant couru, je m'arrête et regarde la beauté du spectacle. En me remémorant le jour de l'an passé avec ma mère, mon cœur se resserre, mes genoux flanchent et les larmes me montent aux yeux.

***************


Ma mère était une femme extrêmement belle. Grande, fine avec des cheveux bruns mi-longs et de magnifiques yeux verts. Contrairement à certaines femmes, elle était timide et réservée. Elle n'arrivait jamais à s'intégrer parmi les autres. Mais, deux de ses qualités m'ont toujours énormément marquées. L’une d’elle était sa gentillesse accrue, et l'autre sa patience. Je dois l'avouer, je n'ai jamais été une fille facile à gérer. Malgré cela, elle n'a jamais haussé le ton ni lever la main comme pouvaient le faire certains parents. Je pense que son seul défaut était sa confiance aveugle envers son entourage

Je n'ai jamais connu mon père. Ma mère disait toujours qu'il ne voulait pas de moi et que c'était un enc*lé de première. Aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours vécu avec Bruno, mon beau-père. Un grand brun aux yeux bleus. Physiquement parlant, il en effrayait plus d'un mais au fond, il était doux comme un chamalow. Il remplaçait parfaitement mon paternel. Ma mère était tellement amoureuse de lui, elle lui faisait tellement confiance que la moindre dispute pouvait la détruire...

Un jour, ce jour très spécial pour ma mère, le jour de leur quinzième anniversaire de vie de couple, Bruno a commis l'irréparable... Il l'a trompée.

Aussitôt, ma mère se sépara de lui et le vira de la maison. Elle fut littéralement anéantie...

Elle mourait intérieurement à petit feu et je ne pouvais strictement rien faire. J'essayais chaque jour de la sortir du gouffre, mais il n'y avait plus rien à faire. Même les psychologues les plus réputés de la région n'ont pas pu lui venir en aide.


Contre toute attente, le 1er janvier au soir, alors que je lui avais proposé de sortir, elle accepta. J'en ai profité pour l'emmener au restaurant. C'était un endroit luxueux avec une vue magnifique sur la mer. Au début, tout se déroulait à merveille. J'avais même réussi à la faire rire alors que cela faisait très longtemps que je ne l'avais même plus vue sourire. Puis, avant de commencer le repas, elle se leva de table et prétexta une envie pressante pour se rendre au lavabo.


Les minutes défilaient et l'attente devenant de plus en plus longue, je décidai d'aller voir s'il ne lui était rien arrivé de mal… En avançant vers les toilettes, j'ai remarqué une petite affiche sur laquelle était inscrit en caractères gras qu'ils étaient hors-service. Mon inquiétude commençait à prendre le dessus et je sentis même un soupçon de culpabilité me traverser. Mais pourquoi lui avais-je proposé de sortir ?


Au pas de course, je suis retournée à notre table. J'ai ramassé nos affaires et en me relevant pour partir, j'aperçus ma mère à travers la fenêtre. Elle était immobile sur le quai et elle contemplait les vagues se fracasser sur les rochers au loin. Mais, ce qui me fit atrocement peur, c'est qu'elle était très, même trop proche du bord...


Finalement, je suis allée payer l'addition et je l'ai rejointe en courant. Mais en m'entendant approcher, elle se tourna vers moi et m'ordonna de ne plus faire un pas. Vu l'état dans lequel elle était, j'ai obéi sans broncher avec la peur qu'elle ne fasse une connerie. Après une assez longue discussion, mes peurs devinrent réalité et ma mère se jeta au fond de la mer.


A ce moment précis, je m'étais jurée de prendre ma vengeance et de le faire souffrir comme il avait été la cause de ma souffrance.

***************


Alors que j'avance, je me remémore la promesse que je me suis faite et la rage m'envahit.


Cela fait déjà un an que ma mère est morte et je me sens vide.


Depuis son décès, je n'ai jamais pu rouvrir mon cœur à quelqu'un. J'ai enfoui mes sentiments en espérant que la douleur se dissipe.

J'ai toujours pensé que moins on se dévoilait, moins on était susceptible d'être atteint par notre entourage...

Beaucoup se soucient du regard des autres et de ce que les gens peuvent penser d'eux. Moi, cela ne m'a jamais vraiment dérangé.

Depuis mon enfance, je subis ça... A la maternelle, les gens chuchotaient derrière mon dos car je n'avais pas de père, ensuite ça a été pour l'arrivée de Bruno puis pour mon style vestimentaire et tellement d'autres banalités, que maintenant, il faut le dire, je m'en contrefiche.


Je rentre chez moi et me jette sur mon lit. Plongée dans mes pensées, je m'endors comme un bébé.

Deux semaines se sont écoulées depuis le jour de l'an et mes vacances sont finies.


Il est encore très tôt. Mon alarme sonne alors que le soleil ne s'est pas encore levé.


Je me réveille, tourne dans mon lit, m'étire et décide enfin de quitter ma couette.

Aujourd'hui nous sommes lundi, et qui dit lundi dit retour en cours... Je suis étudiante en faculté de médecine. Avec ma mère nous avions le rêve qu'un jour, je devienne une pédiatre de renommée mondiale. D'ailleurs, ce qui me fait le plus souffrir, c'est le fait qu'elle ne sera pas là le jour où je recevrai ce diplôme tant espéré.


Je dois être à la fac dans exactement une heure donc je me dépêche pour prendre mon petit déjeuner et m'habiller. J'enfile un jean et un pull bordeaux hyper large que j'accessoirise avec une écharpe. En un quart d'heure, je suis déjà prête. Avant de sortir de ma chambre, je jette un œil au miroir et m'analyse un petit instant. Je suis vraiment l'opposé de ma mère. Longue chevelure brune pour une toute petite taille et des yeux d'un bleu électrique. J'aurais tant voulu lui ressembler...


En fin de compte, à rester planter devant cette glace, l'heure défile et le retard me guette. Je m'éloigne donc pour organiser mes affaires de cours. En les déposant dans mon sac, je tombe sur le numéro de mon « grand-père » et décide de l'appeler.


Le téléphone sonne deux fois puis j'entends sa voix à l'autre bout du fil. Un sentiment bizarre me traverse et j'hésite à raccrocher. Au final, je chasse toutes les mauvaises idées qui me hantent et lui donne rendez-vous pour qu'on déjeune ensemble à midi. J'ai beaucoup de questions qui me trottent dans la tête et il faut que je trouve des réponses le plus vite possible.


J'arrive à la fac à l'heure et rejoins mes amis qui m'attendent à la cafétéria. Je leur dis bonjour et m'assoie à côté d'eux le temps que l'heure de cours arrive. Ma meilleure amie, Célia, une grande blonde aux yeux bleus magnifiques me regarde puis me demande avec son petit air curieux :

- Tu savais toi qu'il y avait un nouveau ?

- Alors là, non, je ne le savais pas... tu sais qui c'est ?

- Si j'en crois les rumeurs, il s'appelle Matt... Matt Dupuis... mais je n'en sais pas plus...

En entendant ce nom, je sens une haine terrible monter en moi. Je me lève et dévisage ma meilleure amie. Elle comprend directement que quelque chose ne tourne pas rond quand je commence à partir. J'entends Célia crier mon nom plusieurs fois mais je ne me retourne pas. Je continue à avancer vers l'amphithéâtre où va avoir lieu mon premier cours. Une fois arrivée, je m'assoie à ma place habituelle et j'attends.

Soudain, un garçon vient s'asseoir juste à côté de moi. Je relève ma tête pour mieux le discerner et je constate que ce visage m'est totalement étranger.
C'est le mec cliché qui fait tomber les filles à ses pieds. Des cheveux bruns extrêmement foncés et des yeux verts... Aujourd'hui, les mecs comme lui sont devenus tellement banaux qu'on ne cherche même plus à les connaître. Ce sont juste des petites décorations pour embellir le bras d'une poupée.

Bien sûr, je ne tarde pas à comprendre qu'il s'agit du petit nouveau.

Cependant, faute à pas de chance, il s'est assis à côté de la fille qui va lui en faire voir de toutes les couleurs....


Annotations

Vous aimez lire Angel Of Darkness ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0