Chapitre 1

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     " Parfait ! " c'est la première chose qui lui vint à l'esprit lorsqu'il contempla la chambre. Petite mais lumineuse, la pièce était aussi harmonieuse qu'une maison de poupée. Les meubles blancs s'unissaient parfaitement au ton pastel des murs qui était habillés de quelques reproduction issues de contes pour enfant.

     Près de la fenêtre, fermée, se trouvait un petit bureau qu'il avait mis une semaine à retaper. Depuis l'enfance il aimait concevoir et fabriquer des choses, même si jusque là ses talent avaient été utilisé principalement pour la chasse. Il avait trouvé le bureau dans une rue du centre ville. Il lui manquait un pied et le tiroir était branlant mais il avait su, à l'instant où ses yeux s'étaient posés sur l'objet abimé, que c'était la pièce manquante à son projet. La charpenterie n'étant pas son fort, il avait commandé auprès d'un artisan un nouveau pied pour le bureau qu'il avait fabriqué en un rien de temps. Ensuite, une fois le meuble stable, il l'avait nettoyé, poncé pour enlever l'ancienne peinture écaillée, et quand tout fut aussi lisse qu'une feuille de papier, il appliqua soigneusement un soin pour le bois avant de commencer à le peindre.

     Le travail aurait pu être exécuté en deux jours maximum mais il avait encore tant de choses à préparer avant qu'elle n'arrive. Les vêtements étaient soigneusement rangés dans le placard, des robes ainsi que de petits gilets étaient suspendus à des cintres rembourrés et les chaussures vernies alignées en dessous. Les affaires de nuit, ainsi que les tabliers étaient parfaitement pliés sur les étagères. À la vue de tous cette petite garde-robe, il eut comme envie de pleurer. Pleurer de joie et de fierté tandis qu'il l'imaginait découvrant sa nouvelle maison, ses nouveaux habits si parfaits.

     Il jeta un dernier regard aux alentours avant de refermer délicatement la porte.

***

     Il avait plu presque trois jours d'affilés quand sa maman l'autorisa enfin à sortir jouer dehors. L'air était encore frais, aussi avait-elle sa parka jaune beaucoup trop grande pour elle. Mais elle l'aimait bien car c'était celle de sa soeur qui était partie il y a longtemps, et elle était assortie à ses bottes en caoutchouc.

     Elle attacha ses cheveux en une queue de cheval haute qui était de travers. Elle n'arrivait jamais à bien les attacher comme sa mère ou sa soeur mais elle s'en moquait. Elle attrapa sa peluche, un chien bleu du nom de Iory et une fois dehors, elle sauta dans la première flaque de boue à sa portée et tendit l'oreille vers sa maison derrière elle, à l'affut d'une remarque de sa maman sur le fait de jouer proprement. Elle compta jusqu'à trois et recommença cette fois en sautant de flaque en flaque tout autour de la maison. Sa mère devait sans doute être occupée à l'intérieur. Elle était souvent occupée depuis que sa grande soeur était partie, elle s'inquiétait souvent aussi. C'est pour ça qu'elle n'avait pas le droit de jouer loin de la maison, à moins d'être accompagnée d'un autre adulte de la famille. Elle n'avait pas non plus le droit d'aller dormir chez des copines mais comme elle n'allait pas à l'école - c'est sa maman et sa tante qui lui font l'école à la maison - elle n'avait pas beaucoup de copines chez qui aller. Elle aurait bien voulu avoir un chien pour jouer avec. Elle l'aurait promené tous les jours, elle l'aurait lavé et nourrit. Ils auraient pu aller se balader dans les bois en famille, Maman, Tata, le chien et elle, le weekend et le soir il dormirait avec elle sur son grand lit débordant de peluches. Mais Maman ne voulait pas d'un chien, tout comme Maman ne voulait pas qu'elle aille dans une école ou parle à des inconnus dehors ou au téléphone.

     Elle s'élançait d'une flaque à une autre jusqu'à ce qu'elle glissa sur une feuille morte et tomba sur ses fesses. La douleur fut brève mais intense, aussi elle se demanda si elle ne s'était pas cassé le derrière. À ce moment là, sa mère passa la tête par la fenêtre, vit qu'elle s'était fait mal, elle se précipita aux côtés de sa fille. Au lieu de s'énerver après elle - car elle était bien sale maintenant - elle la serra très fort contre sa poitrine et l'aida à se relever avant de la ramener à l'intérieur.

***

     Il l'avait vu courir, glisser et tomber. Elle n'avait pas pleuré malgré la chute qui semblait douloureuse. Elle était forte, comme sa soeur. Elle lui ressemblait à bien des égards. Petite, la peau laiteuse avec des taches de rousseurs sur le nez et le haut de ses joues. Ses yeux, qui de prime abord paraissaient marrons, étaient d'un vert foncé. Elle avait même un grain de beauté sur le coin supérieur gauche de la lèvre. La différence principale d'avec sa soeur c'était ses cheveux. Bruns et désordonnés, la petite avait du mal à les discipliner tandis que sa soeur avait toujours une coiffure impeccable, parfaite. Elle semblait aussi déborder d'une énergie différente de celle de son aînée qui lui brisait le coeur.

     Il referma la vitre de sa voiture quand il remarqua une petite chose bleue dans une flaque. Il reconnu immédiatement la peluche qu'elle ne quittait jamais. Sa soeur non plus ne quittait jamais la sienne. Dans la précipitation elle avait oublié de la récupérer et la peluche gisait dans la boue. L'occasion était trop parfaite pour la laisser passer. Il déboucla sa ceinture et sorti sans bruit de la voiture dont il referma doucement la porte. Il traversa la rue déserte et s'arrêta juste avant de poser le pied sur la pelouse. Il resta debout face à la maison dont la porte d'entrée était ouverte et d'où provenaient quelques éclats de voix tandis que l'enfant négociait son retour vers le jardin. Il jeta un bref coup d'oeil vers la peluche à quelques mètres de lui. Elle semblait l'attendre, comme si elle avait été oublié là pour que lui et lui seul la ramasse. Il avait le choix entre la prendre et la rendre plus tard, une fois qu'elle serait propre et présentable, ou bien la prendre et entamer un premier contact. L'idée de lui parler enfin l'excita tellement qu'il dû prendre une grande inspiration pour s'empêcher de glousser. Imaginez donc un homme adulte gloussant devant une maison qui n'est pas la sienne, il y a de quoi lever des suspicions. Il s'avança vers le petit chien bleu couvert de boue et d'une main fébrile l'attrapa par une de ses pattes rondes. Il la tenait du bout des doigts, la saleté le dégoutait au plus haut point et ne supportait pas tout ce qui était contraire à l'hygiène, pour lui la boue était une déjection terrestre qu'il ne fallait approcher sous aucun prétexte. Mais aujourd'hui l'occasion était bien trop parfaite.

     Il sorti un mouchoir de sa poche et l'essuya comme il put. Une fois un peu moins sale, il décida qu'il était temps d'agir. À mesure qu'il se rapprocha de la porte d'entrée, il se demanda si la mère allait se souvenir de lui. Il ne s'était rencontré qu'une fois, il y a bien des années de ça, mais après tout, il avait changé leur vie, à tout jamais. Il posa son pied gauche en premier sur la marche menant au perron, inspira une grande bouffée d'air frais, puis posa le pied droit en vidant complètement ses poumons et sonna.

***

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