3 - Comment l'état impose sa domination

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Notre conseil du FonJep est officiellement en « auto-gestion ». Cela n’empêche pas à l’animation d’être réservée à la représentante de l’état. Venue exprès de Paris, elle aide une assemblée d’éducateurs populaires à gérer une réunion sur leur métier. Vraiment ? Rien que cela est étrange, car qui de mieux placé en Bretagne que précisément cette assemblée pour organiser notre matinée ?

L’animatrice anime : avec ses mots, donc elle domine. Rien de plus simple. Dans son premier discours, elle nous inonde de technicités, de sigles et d’organismes, noyés dans des anglicismes et du charabia. Ces mots nous imposent une vue : celle de penser par les structures déjà présentes, où une poignée seulement semblent pouvoir décider.

Mais on tend l’oreille et on décrypte. On fait notre job jusqu’à se rendre compte. Qu’importe la case de départ, si l’on remonte les pouvoirs, d’institutions en sigles, de sigles en influences, on parvient toujours au ministère, à l’état corrompu et incarné. Toutes nos entreprises ne sauront être que consultatives. C’est-à-dire ajustées selon les volontés de l’état, soit comme un soutien de communication, soit comme rien du tout. Nous aurons quatre réunions par an avec quarante-cinq minutes de débat par rencontre. Le reste du temps étant gaspillé dans des introductions, des échanges non productifs et des conclusions douteuses.

Mais les éducateurs obéissent. Pourtant, chacun de nous sait reconnaitre l’urgence de notre situation, que ce soit la survie du monde associatif ou la nécessitée révolutionnaire. Mais chacun de nous obéit, car il y a de fait une relation de dominance. D’où vient-elle ?

Le FonJep offre les chèques dont dépendent ces organisations. Cette réunion est totalement à l’initiative de l’état, ne répond à aucun besoin réel des associations. Les représentants savent qu’ils sont dans une situation d’impuissance : mais depuis si longtemps qu’ils l’ont intégrée comme une presque-nature. Comme nous l’avions déjà dit : la bureaucratie organise symboliquement la soumission et parvient, par un effet de style – tout à fait “abureaucratique” – à effacer l’orgueil et l’enjeu.

La bureaucratie existe donc elle parvient à ses fins.

Autour de moi, alors que l’animatrice parle sans rien dire, ces visages sont les miens : un peu perdus, ennuyés. Encore, il y a cet abattement trop récurant, celui de l’impuissance sans perspective de reconquête. On commence à avoir l’habitude d’être loin de la nécessité. Elle s'est construite en nous. On est dépossédés, et beaucoup sont même dépossédés de cette analyse : alors ils se baladent entre l’indifférence et la fausse volonté.

Pourquoi être si déçus ? Parce qu’on parle encore de nous comme des acteurs de l’éducation populaire. Une identité chargée d’un poids historique, d’une force active qui veut, en chacun de nous, se déployer librement. Mais qui l’a déjà vue, en réalité, cette éducation populaire ? Depuis combien de temps la résignation à vaincu l’histoire ?

Nous voilà sans doute pris d’une nostalgie pour une vie jamais vécue. Frustrés de ce spectacle à cause d'un faible espoir, né un jour de jeunesse et dont la chaleur parvient encore à faire trembler le monde. De telle sorte que ce spectacle absurde ne paraisse jamais réel – mais reste insurmontable.

Et puis, cette odeur de brulé, encore, qui vient nous chatouiller, être vecteur de tant d’amertume…

Suis-je le seul dont l’âme se bat a l’écoute de ce discours ?

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