2 - De l'origine de la répugnante bureaucratie

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Allez. Reprenons les armes et le fil de cette journée. Vous vouliez une narration dynamique et une histoire prenante de vérité ? Mais les faits importent peu ! Ils restent si loin de la vérité. Il faut voir derrière eux et distinguer les forces agissantes comme des ombres projetées à nos yeux.

Non, aucun mensonge dans ces lignes. Tentons juste de déblayer les causes d’une désillusion profonde quand on parle aujourd’hui « d’éducation populaire ». Pourquoi, à ces mots, les yeux semblent toucher le sol, affaiblis par une honte étrange ?

Et comme toujours, un texte d’analyse commence par ces trois mots :

*

Tout est affect.

Si l’on veut décrire la bureaucratie comme système de domination, il faut sortir de la vision bureaucratique : l’homme est dirigé par des affects et non des lois. Les structures sont un mythe, tout comme le pouvoir : elles existent seulement comme le spectacle d’une domination plus profonde, plus symbolique. Persister à analyser le règlement comme cause et conséquence de l’action : voilà ce qu’il ne faut jamais faire. Voilà ce qui est décadent.

Ce qu'il importe de comprendre est ce mécanisme poussant l’homme à considérer la règle comme autorité. Là est le nœud de l’affaire.

Tout est domination.

Et si certains ont la certitude de suivre leur fort intérieur, leur « libre arbitre » ou – pire encore ! – le “bien” en obéissant à la bureaucratie, cela n’a aucune importance. Il en va toujours de cette manière quand la domination est à ce point de perfection.

Vouloir suivre l’ordre de l’injustice, de la soumission aux crimes, de l’aveuglement est une habile conséquence de cette force perfide. Une réussite pour elle, une nécessité même si elle veut s’étendre « au-delà du raisonnable ». Et qu'est ce capitalisme totalitaire si ce n'est la sublimation du « au-delà du raisonnable » ?

Aujourd’hui, “vouloir” est rarement une bonne nouvelle.

Tout est spirituel.

Gardons à l’esprit trois choses : l’homme suit ses affects, la société est structurée comme une domination par les affects et la modernité nous mène à la fin du monde.

L’enjeu, derrière la compréhension des dominations, est d’éviter le drame absolu vers quoi se dirige le capitalisme. Un lieu gardé secret de nos projections tant nous sommes incapables d’en saisir l’immensité. Un endroit qui dépasse la peur, un endroit dont nos instincts nous privent de toute vision.

Pourtant, nous y allons, vers la fin de notre civilisation, vers la détérioration définitive de notre écosystème, vers ce qui semble être la plus grande tragédie humanitaire que l’homme ne pourra jamais connaitre. C’est finalement ça, aussi, la finalité de "la pensée scientifique par la pensée scientifique" - mais trop rares sont ceux capables de s'aventurer en ces terres.

Et toi, moi et les éducateurs, nous avons un odorat encore fonctionnel : nous percevons ce tremblement avant qu’ils ne survienne. Sans mots, sans raison, juste un léger filet de fumée brulée, omniprésent, constant.

Une urgence noire et sans forme imprègne nos esprits. Certains osent l’appeler “angoisse”, quand d’autres préfèrent la légèreté du « choix moral ». Quoi qu’il en soit : ce ressentiment est avorté et nous laisse dans l’insatisfaction.

De sorte que, dans chacune de nos actions politiques – et l’éducation en est une – il y a une convergence vers un même but inconscient : comprendre l’étendue de la réalité et se donner la force de la combattre.

Mais qui a ce courage-là ?

Qui peut accepter de devoir sauver le monde ?

Là est probablement la cause première de notre léthargie.

Plus le vertige est grand, plus la fuite s’impose. Et c’est précisément par ce biais que petit à petit, la bureaucratie s’installe dans notre esprit. Elle s’impose comme la matérialisation collective de l’abandon total de nos responsabilités, de notre devoir d’initiative, de notre impératif révolutionnaire. Rien est à faire, rien n'est possible. Devenu esclave, on s’offre le droit à l’oubli.

Gardons nous du romantisme populaire : il n'y a nul véritable roi – un tyran ne parvient jamais à construire un tel empire. Le mal est en nous, chez les autres, dans les objets. Il est dans notre rapport au monde, à l’existence, dans chaque mouvement des choses. Il est dans notre pensée, nos mots, nos philosophies. Il est partout, car tout est cause et conséquence : ainsi, après des milliers d’années, le plus grand empereur, qui grandit aux dépens de tous les autres, nous dévoile son emprise. Qui ose la regarder ? Si peu l’on fait, quand tant d'autres sont devenus fou ou pire ! misanthropes.

Mais à nous, ce n'est pas notre destin. Nos coeur nous privent d'une telle maladie.

Mais demeure la question : Qu'allons nous devenir ?

Nous sommes la bureaucratie mais elle nous prive et dénature le monde.

Voilà pourquoi elle nous paraît si prenante, si violente.

Voilà pourquoi il faut la briser.

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