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Encore une fois, les juristes furent pris au dépourvu, trop occupés à gérer les conséquences multiples de cette opération gigantesque. Ils avaient confié la gestion du contrat à la nouvelle embauchée, après ses dix-huit ans de stage. Elle n’avait pas arrêté de tirer leur manche pour leur rappeler l’échéance qui approchait plus vite que le temps qui s’écoulait. L’évidence du renouvellement était telle, que la question fut repoussée sans cesse. Il faut dire que l’analyse de marché montrait un réel recul de la concurrence, grâce sans doute au nouveau logo qui redonnait de l’espérance dans la jouissance. Les messages de l’Ange n’y étaient pas non plus étrangers.

Sous prétexte de rapprochements spirituels et œcuméniques, des pourparlers avaient été engagés avec les Mahométans Réformés. En fait, les discussions portaient sur des prises d’intérêts croisés, complètement déséquilibrés. La raréfaction de l’usage du pétrole avait eu de désastreux effets sur les financements de la foi. À quoi tiennent les croyances ?

Les enjeux économiques et religieux étaient tels que personne ne prêta attention à ce point de détail.

Matou réapparut un peu avant la fin du lustre, se rappela à la mémoire d’Uriel, qui pleura l’absence de son père, égaré à jamais dans les pages précédentes. La finaude avait entretenu le contact avec le phénomène en lui envoyant plusieurs fois par an une carte postale pour son anniversaire. Ce moyen ancestral de se rappeler au bon souvenir d’Uriel déclenchait systématiquement une crise d’émotion chez le jeune. Elle en avait profité pour lui expliquer qu’il avait besoin d’être protégé et guidé. Une petite signature, toute simple, lui permettrait de ne plus s’occuper de rien. Ne comprenant pas tout, pour faire plaisir à celle qui lui montrait de l’intérêt avec constance depuis ces années, il il griffonna un petit signe en bas de la page, en cinq exemplaires. Il reçut une bise en remerciement, ce qui le remplit dans le bonheur.

Matou jugea immédiatement Hector et Suzon et leur dévoila l’existence du contrat et de son échéance proche. Elle leur proposa de rejoindre le trio, tel d’Artagnan les Trois mousquetaires, telle une mère conquérante, telle une guerrière protectrice et expérimentée. Devant une telle puissance, et comme Hector et Suzon, surtout elle, connaissaient cette vieille histoire des ferrets, ils acceptèrent, entrainant Uriel.

C’est ainsi qu’un beau matin, lors de la réunion du SAS, Hector et Suzon, commise d’office depuis son apparition, déclarèrent : « Salut, les copains ! On s’est bien marré avec vous, mais on se casse ! »

Tancrède, toujours très pris par ses affaires, se retrouva le cul entre deux chaises, face au dilemme de sa vie. Maintenant qu’il était presque sous-pape premier, il n’avait plus rien à prouver ni à se prouver. La NEC sans l’Ange, c’était le gâteau sans cerise. Et puis, Uriel était si gentil avec lui ! Et lui était tellement attendri par ce garçon qui lui donnait tout son cœur. Hector était un bon pote et Suzon avait de l’entrain.

En un tour de neurones, il abandonna son plan de carrière, préférant l’aventure et l’amusement. Il venait de réaliser qu’il était jeune.

Le temps que l’ordre du jour soit épuisé, les éminences du SAS constatèrent que le quatuor avait non seulement quitté la salle, mais également la ville, embarqué dans une imposante limousine affrétée par Matou.

De fortes décisions d’urgence furent prises : la dernière embauchée fut licenciée. Les autres points nécessitaient réflexion.

Pendant ce temps, le véhicule fonçait vers la masure de Matou, franchissant chaque contrôle d’un battement d’ailes. Les militaro-policiers, ébahis de cette proximité inattendue avec l’Envoyé, laissaient filer le véhicule, sans penser à son enregistrement. La trace de l’Ange se perdit ainsi dans les transes admiratives.

Matou avait prévu la protection de la retraite, en ayant réactivé ses réseaux de la cité. Au-delà, elle n’avait guère d’idées sur la suite. De toute façon, sa fortune était considérable et elle savait celles d’Uriel et d’Hector conséquentes. Il s’agissait juste de les récupérer.

Tout ceci était mineur, car pendant le voyage, elle se découvrit un attachement maternel pour ces quatre jeunes, si joyeux et attachants. Une belle connivence s’était établie entre elle et Suzon, entrainant Hector, tirant Uriel. C’est donc une bande de copains qui avait débarqué dans son manoir du 16e siècle, si le lecteur a bien voulu faire l’effort de s’en souvenir.

Après une période de relâchement bien venue, Matou s’ouvrit de ses préoccupations d’avenir. Il fallait reprendre une activité angélique, sous peine de laisser les autres continuer à exploiter le filon et à le dévoyer, même avec la disparition de la star. On expliqua ces mots à Uriel.

Pour reprendre l’activité, il fallait des moyens. Et donc récupérer les sommes colossales qui avaient été épargnées sur le compte d’Uriel, dans l’attente de sa majorité. Pour Hector, les montants s’avéraient seulement conséquents.

Dans une réminiscence de génie, Totor se souvint de ses géniteurs, qui œuvraient dans la finance, sans bien savoir la nature de ces activités et leurs compétences supposées. Les retrouver fut aisé, mais organiser une rencontre plus difficile : ils avaient tout bonnement oublié ce rejeton qu’ils avaient vendu, se reportant sur la cadette pour laquelle tous les espoirs étaient encore permis.

La connaissance des montants leur fit heureusement recouvrer la mémoire et c’est avec une grande émotion qu’ils retrouvèrent leur fils adoré, si fiers de l’éducation qu’ils lui avaient prodiguée, à en juger sa réussite déjà brillante à son jeune âge. Dévoués à leur progéniture, ils acceptèrent modestement de se consacrer dorénavant à la gestion de la fortune de leur fils et, surtout, de celle de son ami.

Ce point étant soldé, restait à définir la nouvelle stratégie. Suzon, qui mâchouillait un brin d’herbe en attendant que ces sordides points de détails soient réglés, fit une proposition.

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