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Face à ce désastre, on renvoya les deux vedettes dans leur monastère hyper protégé et une réunion au sommet fut organisée, avec le ban et l’arrière-ban des personnes concernées, intéressées ou qui passaient par là.

Pensant qu’Hector et Tancrède reprenaient leur planning farceur, le haut sommet constitua un groupe de travail, après une semaine de débats houleux et fumeux. Seules des personnes expérimentées dans la communication y avaient été nommées, plus un comptable, pour avoir un avis extérieur.

Le principe était de proposer une explication crédible à la différence de tête entre les deux saisons, à valider en assemblée générale extraordinaire d’une réunion plénière.

La première proposition d’explication, les changements de physionomie dus à l’adolescence, fut rejetée d’emblée. Cela aurait été reconnaitre son vieillissement et donc souligner le caractère humain de l’Ange.

La deuxième idée, celle d’un sursaut divin fut également écartée, les participants ayant perdu toute leur crédulité avec leur progression dans la hiérarchie.

Après un intense brassage neuronal, la solution adoptée fut la négation, assortie du masquage. Ça, ils savaient faire !

Une campagne d’effacement des anciennes images fut lancée, et critiquant comme des faux celles inatteignables. Parallèlement, des centaines de photos mêlant ancien et nouveau look inondèrent les réseaux, semant la confusion dans les mémoires. Fort adroitement, le débat sur la duplicité s’était déplacé sur la reconnaissance et la validation des photos. Dans cette confusion, les souvenirs se remodelaient et l’injection régulière de photos de plus en plus proches de la dernière version ramenait la foule à une croyance commune. Du grand art !

L’erreur était oubliée, mais on était revenu à la case départ. Avec quelques acquis : la nouvelle image avait remplacé l’ancienne, la scénographie était géniale, à condition de faire vérifier les installations. Il fallait entreprendre une tournée mondiale !

Le SAS tournait à plein régime, approvisionné par le groupe de travail. C’est dans ce dernier qu’apparut un clash. Il faut reconnaitre à la NEC que la notion de rentabilité lui était totalement étrangère. Jusqu’à présent, sur ce dossier, elle n’avait pensé qu’au bien-être et à la sécurité des enfants, à la promotion de son image et à épandre ses valeurs immémoriales (note : revoir l’ordre des objectifs). Avoir nommé un comptable s’avéra une catastrophe. Quand il osa dire : « Combine ça coute, tout ça ? », ils regrettèrent de ne pas avoir plutôt coopté le coiffeur !

Les financiers du Groupe furent priés de s’intéresser discrètement et d’arrache-pied à la question, car, il est vrai que le numéraire filait à grande vitesse. Il fallait rentabiliser les investissements. Ils reprirent simplement l’idée de la médaille miraculeuse, filon abondamment exploité et maitrisé depuis la nuit des temps par la NEC et ses revendeurs. Le changement de look d’Uriel, de toute façon, nécessitait une adaptation. Un autre groupe d’étude fut créé, qui proposa un médaillon un peu plus grand, décliné en broche et en pin’s, en plomb-uranium pour asseoir son poids spirituel. Ces métaux, sous-produits sans valeur, présentaient l’avantage de la ressourcerie. Enfin, un petit appareil, qui coutait un néo-euro chez Alazone, fut rhabillé divinement comme détecteur de fausses médailles et cédé à un prix cent fois plus élevé.

L’objectif était de démonétiser d’un coup toutes les anciennes médailles. L’inévitable krach économique qui en résulta avait été anticipé. Beaucoup de familles s’étaient ruinées pour acquérir un de ces précieux trophées. Rien n’empêchait de renouveler l’opération et de récupérer les restes de ces pauvres hères.

Dans leur monastère, les deux amis, pour se distraire, avaient repris les exercices de vol. Uriel, innocemment, avoua que son rêve de toujours avait été de voler. Hector, gentiment, lui fit remarquer qu’il avait tout pour pouvoir le faire. Ce n’est qu’à ce moment que le petit ange réalisa ce qu’il avait réellement dans le dos. À sa décharge, comme tout un chacun, nul ne sait ce qu’il a dans le dos.

Taquin, Hector souligna que, cependant, voler les yeux bandés pouvait présenter un danger, ce qui plongea son copain dans une bouderie.

L’annonce d’un nouvel envol les réjouit. Tancrède, qui était devenu un copain, fut mis dans les bagages, l’auteur jugeant qu’un second rôle est toujours le bienvenu s’il a quelqu’un à faire mourir.

La chorégraphie des futures apparitions fut retravaillée en profondeur, avec des variantes, amusant beaucoup les deux acteurs, car c’était la seule activité qu’ils avaient. Hector avait toujours besoin d’apporter une petite touche personnelle à son rôle, ce qui faisait plier en deux son partenaire, et hurler leurs trente-deux professeurs.

La troupe démarra, tel un cirque, puisque le numéro de voltige était le clou du spectacle, et son unique partie.

Entre les tournées, le retour à la base faisait du bien. Hector en avait de plus en plus marre de cette gestion des plannings. Il avait demandé à Uriel ce qu’il en pensait. La réponse le laissa coi : Uriel s’amusait de ces actions, aimant voir tous ces hommes passer par des états très spéciaux, tous pareils malgré toutes leurs différences. D’abord respectueux et intimidés, ils laissaient tomber toute retenue pour se transformer en bête ravagée par le rut, avant de redevenir un humain pitoyable et souffrant, comblés et démolis, retrouvant respect et dignité avant de sortir. Uriel n’arrêtait pas, voulant comprendre ces états et les raisons de ces changements, comme des jouets que l’enfant torture pour en percer le fonctionnement.

Hector lui enjoignait de cesser, au moins de diminuer la fréquence, obtenant un haussement d’épaules en retour. Une grande part de responsabilité revenait à Tancrède qui réagissait fort différemment des autres, montrant de l’affection et de la tendresse. Il retrouvait les mêmes sensations qu’avec Hector, sans pouvoir les nommer. Ces deux-là formaient le centre de son univers.

Tancrède utilisait le planning pour booster sa progression au sein de la NEC. C’est ainsi qu’à dix-neuf ans, il devint cardinal-archevêque, rejoignant cette poignée de personnes remarquables, dont l’âge moyen était de soixante-seize ans. Cette cohorte, au nombre de trois cent quatre-vingt-trois, avait le droit au titre de sous-pape.

Sans vergogne, et intéressé, il se fit nommer membre permanent du conseil de sécurité du SAS.

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