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Jo, celui qui était à la tête de tous les trafics, puisqu’il fallait bien vivre et se payer du bon temps. Vingt ans auparavant, alors qu’il était encore baveux, elle l’avait taloché. Ce couillon, déjà petit chefaillon, était venu la trouver pour un problème très délicat : malgré sa position et son âge, il était encore puceau. C’est vrai que les règles et la police du ministère des Cultes et des bonnes mœurs ne facilitaient pas les choses. Elle l’avait donc dégourdi, usant de son savoir-faire pour lui faire supposer une belle réussite, ne lésinant pas sur les soupirs et les cris de jouissance. Fine psychologue, cela lui avait évité des explications sur des insuffisances de taille, de dureté et de durée. Épuisé, il se vantait encore de son exploit, alors qu’elle partait laver sa minuscule souillure. De retour, elle le trouva en train de farfouiller dans son sac. Une bonne claque lui avait appris les bonnes manières. Cela avait dû être la première preuve d’autorité reçue, car il ne répondit pas. Tout ça était leur petit secret. À l’extérieur, elle ne le connaissait pas et lui montrait la même révérence que n’importe qui dans la cité. N’empêche qu’à partir de ce moment, elle a pu mener son business dans la cité, sans être inquiétée et sans être taxée, Jo la considérant comme sa seconde mère.

Il n’était pas facile de le rencontrer, mais Matou sut trouver les arguments. Une fois devant lui, elle fit tourner ses yeux, comme pour embrasser le monde entier, suivi d’un mouvement du menton vers la porte. Laconique, Jo lâcha :

— Laissez-nous.

Ils quittèrent tous la salle, étonnés de ce tête-à-tête. Même le petit giton de Jo fut éjecté.

— Matou, que me veux-tu ? Justement, je pensais à toi.

— À moi ?

— Indirectement ! Plutôt à l’oiseau dont tu t’occupes…

— Ah ! Tu sais…

— Ne me traite pas comme un moins que rien, la menaça-t-il.

— En quoi, il t’intéresse, mon « oiseau » ?

— Ce n’est pas le tien ! Juste l’attraper, le mettre en cage et le vendre. Il y a de la demande.

Qu’il soit au courant n’étonna pas Matou. Qu’il soit aussi bête non plus.

— On ne vend pas la vache aux œufs d’or !

Jo partit dans un grand éclat de rire.

— Je ne connaissais pas l’expression ! Ça veut dire quoi ?

— C’est de ça dont je veux te parler. Plutôt que de le vendre, on peut l’exploiter et lui faire cracher de la thune !

— Ah, ouais ? Comment ?

Matou lui expliqua son idée et ses difficultés, mettre en place un site et récupérer proprement le fric.

— Le site et laver le fric, je peux. Je vais demander au patron.

— T’es un fort, Jo. Pour la peine, j’avais pensé à un 20-80.

— De quoi tu parles ?

— Vingt pour cent pour vous, quatre-vingts pour cent pour moi.

Jo repartit dans un éclat de rire.

— Tu sais qui décide ici. Ton oiseau, il peut se retrouver cloué sur la porte de son immeuble demain matin !

Cette remarque stupide étonna Matou. La porte était trop étroite et faite de verre et de ferraille. L’image demeurait quand même fort compréhensible. Le précédent mignon de Jo avait été retrouvé éparpillé en pièces détachées, suite à une infidélité. Elle soupira. D’autre part, discuter de pourcentages sur des montants inconnus relevait du ridicule. Mieux valait des néo-euroubles que rien du tout.

— OK ! Tu t’occupes du site et du fric et je m’occupe de ce qu’on met dessus.

— Matou, tu es une femme sage ! Je te respecte.

— Moi aussi, je respecte ton autorité, Jo. Pour le prix, tu assures la sécurité et la protection du petit. Pas de mecs louches autour de nous, même les polices diverses.

— OK. Il ne faut pas déranger le business et laisser le mouton pondre ses œufs !

— Je peux te demander une dernière faveur ? Promets-moi de ne jamais toucher un cheveu d’Uriel, quoiqu’il arrive.

— Je ne vois pas pourquoi, mais c’est OK. Tu as ma parole.

— Salut, Jo. Tu es un vrai chef !

Matou repartit avec un petit soleil dans la tête.

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