Riverside

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Je me souviens encore du babil de la rivière dans la chaude journée d'été. Sous la brise, les herbes hautes plissaient et bruissaient doucement comme la caresse d'un Dieu bienveillant. Sur l'autre berge, la lumière vive du soleil jouait entre les interstices dorés de la futaie, marbrait le monde de lueurs dansantes, tels les leurres du pêcheur.

Nous nous baignions, nus dans le courant. J'étais heureux de la façon la plus pure et sublime imaginable ; j'ignorais encore à quel point cette journée laisserait en moi une marque pareille à une brûlure au fer rouge.

Il n'était pas comme l'homme d'Église que je vais livrer aujourd'hui ; il était presque un frère. Quand mon père sombrait dans les limbes de l'alcoolisme et de la violence, je me réfugiais chez lui.

Tout avait commencé par une caresse légère sur le haut de ma cuisse. Presque un effleurement égaré. De surprise ou d'effroi, de désir peut-être, je n'avais pas réagi. Je me rappelle m'être figé. Le deuxième passage de sa main monta plus haut jusqu'à mon aine, appuya un peu plus. Ici louvoie aujourd'hui encore la plus terrible de mes douleurs, la plus béante de mes cicatrices ; dans cette acceptation qui lui a ouvert les portes de mon cœur et de mon âme. Je ne voulais pas mais il était mon meilleur ami. Le seul même. Il a profité de cette confiance immuable pour bafouer mon être de toute sa noirceur. Il m'avait ébloui, manipulé.

Dans la fournaise de juillet, se logea en moi le morne de l'hiver. Quelque chose se brisa en moi mais je ne le compris que des années plus tard. J'avais pris ça pour de l'amour ; en réalité c'était un venin aussi lent que violent. Je ne suis pas tombé dans la déliquescence des addictions, la colère m'a servi de ciment. Fragile et sauvage mais je tiens bon.

Le prêtre, ce vampire assoiffé d'innocence, que je retiens prisonnier, soupçonne mes ténèbres mais il ne connaît pas mon histoire. Je connais la sienne et elle me servira de monnaie d'échange. Une âme noire contre une blanche. Les profondeurs du Darién garderont le silence.

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