Chapitre 2 : L'appel de l'océan

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Ma mère me racontait souvent cette histoire, à la lisière de mon sommeil. Emmitouflée dans une couverture, ma joue posée contre sa poitrine, elle me narrait le destin d'une fabuleuse héroïne. À la fois simple et gentille, cette héroïne se reflétait dans le miroir de mes songes.

Aujourd'hui, mes chers enfants, c'est à vous que je la conte. Alors, tenez-vous prêts, à l'orée de votre conscience, bercés par le tendre son de ma voix.

L'histoire commence par une sombre nuit d'orage. Le vent tournoyait furieusement, la mer déchaînait toute sa colère. De grandes vagues montaient haut dans le ciel, jusqu'à toucher le firmament. Elles se frayaient un chemin à travers les îles, les montagnes et les terrains vagues, emportant bois, briques et corps.

Lors de ce déchaînement, des éléments faisaient rage, tandis que s’opérait la destruction du monde, une femme se tenait debout au milieu du chaos. Les yeux fermés, la tête levée vers le ciel, elle écoutait comme on écoutait le chant d’une douce mélodie.

Mais loin fut la musique qui arrivait à ses oreilles. Ce n’était pas non plus le silence pesant après la catastrophe. Mais un puissant cri de désespoir. Comme le cri d'une mère affolée par la perte de son enfant, comme le cri de souffrance d'un animal blessé, comme le cri de désespoir d'un espoir envolé.

La femme était là, assise au centre du vacarme, qu’elle subissait dans un calme olympien. Ses cheveux flottaient au vent, fouettant l'air et son visage. Une pluie diluvienne s'abattait sur ses joues et son corps. Les débris volant dans tous les sens, arrachaient toujours un peu plus ses vêtements. Pourtant, elle restait, là, immobile, dans le déchaînement. Elle écoutait parce que c’était le premier pas vers la reconstruction.

Elle comprenait. Elle comprenait la détresse et la douleur de l'Océan, touché par la main cruelle de l'homme.

La tempête s’interrompit dans un instant de curiosité. Alors, la femme se mit à chanter, d'une voix féerique, un chant d'espoir et de réconfort.

Aux abois, l'Océan vint caresser de son eau, l'enveloppe charnelle de la jeune femme, qui bientôt disparut dans ses profondeurs dans une étreinte voluptueuse.

Alors, l'eau quitta la terre et retrouva son endroit, le déluge cessa au sacrifice de cette femme, les hommes retrouvèrent leurs familles. L'Océan laissa une chance aux hommes de corriger leurs fautes.

Mes chers enfants, mon histoire pourrait se terminer là. Après tout, on pourrait croire que c'est la fin d'une vie. Mais ce n'est que le commencement d'une légende : la naissance d'une héroïne. Mes chers petits continuez à me regarder avec vos yeux ensommeillés, ça me donne la force de continuer.

L’océan s'était apaisé, les hommes avaient survécu et la jeune femme avait disparu.

Pendant un temps, les hommes vénéraient Méridia, la sauveuse du Déluge. Ils prirent soin des mers. Ils stoppèrent son exploitation massive qui le tuait à petit feu. Les hommes le caressaient et le dorlotaient comme une ressource précieuse.

Mais bientôt, la cupidité et l'avidité humaine revinrent à la charge. L'Océan commença à avoir de plus en plus mal et se sentir de plus en plus vide. Sans vergogne, on lui enlevait ses enfants. Sans remords, on empiétait sur son territoire et sans regrets, on salissait son eau devenue impure.

La souffrance reprit à l’en étouffer comme un étau.

Alors, qu'on croyait Méridia disparue à jamais, elle revint sur terre, habillée de mille joyaux, cadeau de l’Océan. Elle venait mettre en garde les hommes. S’ils continuaient à piller l’océan, à maltraiter ses eaux et à abimer ses fonds : le malheur s’abattrait sur eux dans un futur proche.

Mais la violence humaine était sans limites. On la repoussa. On la battit. On la déposséda de tout. Ainsi, les hommes commirent le même péché qu'à l'Océan. Ils la dépouillèrent comme on écrase un insecte nuisible et la chassèrent.

Les prédictions de Méridia s’accomplirent. Des disparitions de bateaux et de sous-marins alarmèrent les autorités. Ils disparaissaient tous sans exceptions et toujours au même endroit ! L’humanité finit par baptiser ce lieu, le triangle des Bermudes. Ils avaient peur et l’évitaient, seuls quelques inconscients tentèrent le diable.

Les rescapés de ces folles aventures parlaient d'une femme aussi belle que la lune et aussi féroce qu'un lion qui gardait un sanctuaire marin aussi somptueux qu'élégant.

On les prit pour des fous et on cessa d'en parler.

Mais la mer, mon enfant, n'oublie jamais…

Alors que cette histoire semble close, un beau matin de printemps où la vie souriait à tous, le monde bascula dans le chaos.

D'immenses vagues s'élevèrent du plus profond de l'océan et s'écrasèrent sur les côtes. L'écume transporta avec elle, des montagnes de déchets et des navires échoués. L’Océan, dans un excès de colère, abandonna toute sa bonté à l'Homme qui dut affronter ses peurs. La mer déposa un jeune bambin, enveloppé dans une feuille d'algues, sur les erreurs commises par celui-ci.

L'Océan, s’étant purifié, décida pour les hommes de leur offrir leur dernière chance. L'enfant serait leur salut ou leur désolation. Lui seul entendra l’appel de l'Océan. Lui seul comprendra lorsque le moment venu, l'Océan ne pourra plus supporter les vicissitudes de l’Homme. Ce sera alors à lui seul d'agir. Il devra rejoindre l'Océan et le purifier comme l'avait fait Méridia avant lui.

Mes chers enfants, vous qui vous êtes endormis, alors que je vous contais cette légende extraordinaire, je dois vous dire adieu car l’Océan m'appelle désespérément.

Toutes les légendes ont une part de vérité et celle-ci est la mienne. Il est temps que je reprenne l'œuvre de ma mère. Il est temps que l'homme comprenne qu'il y a plus important que la richesse. Nous avons tous droit à la vie, l'Océan aussi. Il est comme un père pour nous, au même titre que la Terre que nous foulons est une mère. Et comme de bons enfants, nous devons en prendre soin pour qu’il reste à nos côtés le plus longtemps possible.

Il est vrai que mon histoire parle de deux femmes à la destinée exemplaire, mais seule une femme à la bonté suffisante pour accomplir cette mission. Seule une mère peut comprendre à quel point il est déchirant de voir ses enfants dépérir.

Alors pour sauver notre avenir incertain, je vous abandonne, car tel est mon destin.

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