Chapitre 1 : "Elle s'appelait Sarah, elle n'avait pas 8 ans" (J.J. Goldman)

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Des pas résonnent dans le couloir, la moquette craque légèrement, un filet de lumière filtre sous ma porte.

Je suis prostrée sous ma couette, un œil dépassant de ma couverture. Je tremble comme une feuille, des perles de sueurs glissent le long de ma colonne vertébrale.

Ces pas lourds et durs, je les connais par cœur. Chaque soir, chaque matin depuis un an maintenant, ce bruit dans le couloir me hante.

Un pied après l’autre, un craquement après l’autre, il se rapproche inexorablement. Je serre plus fort ma couette et me recroqueville un peu plus sur moi-même. Une voie me chante de me cacher, de m’enfuir. Mais partout où j’irais cette silhouette, qui se dessine dans la lumière du couloir, me poursuivra.

Je ne sais plus que faire pour me protéger. J’étais aimée, énormément, et je ne suis plus que trahie et détestée.

J’envisage, à la seconde même où la silhouette entre dans ma chambre pour percer ma bulle de sécurité, de crier très fort. Mais au fond de moi je sais que cela ne sert à rien. Personne n’entendra mes cris qui n’ont jusqu'alors jamais été entendus.

Mais comme prise de désespoir, je hurle à pleins poumons alors qu’il se rapproche de moi et pose ses mains autours de mon cou.

Ses phalanges robustes et osseuses viennent laisser leur marque sur ma peau. L’individu s’installe à califourchon sur mon minuscule corps fragile et jeune. Une de ses mains poisseuse vient caresser mon visage alors que l’autre se pose sur sa bouche pour m’intimer de me taire.

Mon corps se fige et mon cerveau se bloque comme ma parole. Y a plus que mes yeux qui ne cessent pas de fonctionner.

Je le vois descendre le long de mon corps et déposer des baisers abrupts qui me dégoûtent au plus haut point. Je le vois sortir quelques choses de sous son pantalon, peu ragoutant et flétri, quelque chose que je ne comprends pas vraiment. Je le vois enlever ma petite culotte à motifs chats. Je le vois me caresser mon entrejambe alors que mon corps figé transpire à grosses gouttes. Et d’un coup, alors que je le vois insérer la chose en moi, je , je hurle de douleur et je me débats comme un fauve. Mais je ne suis rien face à lui, face à sa force, face à mon père.

C’est lors d’une belle nuit de printemps que j’ai foulé cette terre pour la première fois. La température était douce et le ciel dégagé ; où brillait de mille feux l’astre céleste. Mes yeux vert-émeraude s’étaient immédiatement ouverts sur le visage d’ange de ma maman qui m’avait si ardemment attendue. Elle m’a de suite aimé inconditionnellement et protégé de tout. Elle m’avait tout donné : l’amour, le réconfort, le sein, la protection et surtout, tout son temps. Elle m’appelait « son petit miracle ». Maman avait tout essayé pour m’avoir mais en vain, jusqu’à ce qu’un médecin lui annonce la nouvelle de sa grossesse miracle. Et neuf mois après, me voilà ! Vivante et en parfaite santé, dans un petit cocon de douceur, sous les regards admiratifs de mes parents.

La première fois que ma bulle éclaté en morceaux ce fut quelques années après ma naissance. Je grandissais normalement et apprenais vite, ma maman s’extasiait devant mes exploits. Elle passait ses journées à me contempler et à me regarder m’émerveiller pour le monde qui m’entourait. Elle m’accompagnait même dans mes nuits, elle me regardait dormir surveillant la moindre menace.

Mon géniteur se sentit délaissé et rejeta rapidement la faute sur ma seule présence. Il criait dès qu’il me voyait, engueulait ma mère dès qu’elle n’était pas près de lui et me poussais brutalement du pied dès que je m’approchais.

Puis, un jour tout a chang. Ce fut une nuit d’orage, le tonnerre grondait derrière mes fenêtres. Les bruits dehors masquaient les pas sourds de mon père dans le long couloir. La porte grinça sur ses gongs et je me réfugiais sous ma couette de peur d’un fantôme. La couverture se leva d’un coup et une pluie de coup s’abattit sur mon petit corps frêle sans que je comprenne, sans que je ne vois qui en était l’auteur. Une plainte lancinante s’était élevée de ma gorge mais rien ne fit arrêter ses coups.

Ma mère me retrouva seulement le lendemain matin, fatiguée et meurtrie en proie à de violents frissons. Ce fut ainsi toutes les nuits, sans que ma maman ne revoie plus jamais des traces de coups sur mon corps. Mon père changea de comportement du tout au tout, s’occupant de moi avec dévotion devant le regard attendri de maman et me frappant sans arrêt dans son dos.

La nuit dernière, mon père est venu me rendre une visite nocturne. Mais elle fut bien pire que toutes les autres. Jusqu’à présent ce « n’était » que des coups, mais cette nuit il me fit une chose horrible. Il souilla mon corps m’humiliant plus que jamais...

Mais voilà, comme toute histoire, celle-ci a une fin. Le lendemain de mon humiliation, je me levais très tôt alors que le soleil n’était pas encore apparu dans le ciel. Je me rendis directement à la salle de bain et me frottais le corps une dizaine de fois essayant en vain d’ôter son odeur.

En sortant de la douche où je n’étais pas sensé aller sans mon père, j’entendis maman se diriger dans la cuisine. Alors en catimini, je la suivis. Elle s’installa au comptoir de la cuisine et elle bue, dans une tasse, un café fumant. Elle regarda par-delà sa tasse et ne parlait à personne.

Alors je fis la première chose qui me vint à l’esprit. Je courus jusqu’à elle en criant « maman je t’aime fort » voulant chercher un peu de réconfort en m’enveloppant de sa douce odeur.

J’entendis un bruit de verre se briser en mille morceaux. Je me retournais et voyais mon père près de la fenêtre. Je n’avais pas fait assez attention avant d’agir et j’en subis les conséquences. Ses yeux me lancèrent des éclairs et son visage était un masque de fureur. Il s’approcha de moi à une vitesse surnaturelle et m’agrippa d’une main poilue par mon petit cou fragile. Ma maman lâcha un cri de stupeur.

Il m’élevait dans les airs et je suffoquais. Puis je sentis une douleur insoutenable me vriller les côtes. Quand je rouvris les yeux avec peine sur le visage de maman choquée et en pleurs, j’étais à terre contre un mur qui me rentrait dans le dos.

Mon géniteur leva son bras et rampa vers moi. Il criait que tout était de ma faute, que je lui avais volé l’amour de maman. Maman se pendit à celui-ci pour essayer de l’arrêter mais il était déjà trop tard. Mon géniteur me roua de coups sans jamais reprendre son souffle, me molestant sans peine. Mon corps ne fut bientôt plus que douleur. Mes yeux s’embuèrent de larmes et se brouillaient, je ne voyais plus que le visage floue de maman désespérée.

Ma conscience me quitta petit à petit et au bout du chemin, je sentis la chaleur des mains de maman sur mon visage. Mon oreille frémit en l’entendant souffler mon surnom : « mon petit miracle ». Je fermai les paupières sur ce dernier murmure, à tout jamais...

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