Chapitre 3 : Lawrence ?

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Je pris une inspiration et frappa trois coups secs contre le bois peint, troublée à l’idée de le revoir. Après quelques instants, un bruit de clé résonna derrière la porte qui s’ouvrit à la volée, sur un homme grisonnant, les traits tirés par la fatigue. Il tenait un fusil à pompe, au cas où…

— Bonjour Bobby. dis-je dans un murmure, les larmes aux yeux.

Le vieil homme d’abord décontenancé par ma présence, posa doucement son fusil à pompe contre le mur sur sa droite. Puis il attrapa une flasque remplie d’un liquide transparent qu’il me jeta au visage, le regard méfiant.

— Ah, de l’eau bénite. Non je ne suis pas un démon, c’est bien moi.

— Eli ? demanda-t-il d’une voix éteinte.

— Ça fait longtemps que j’aurais dû venir te voir, je sais.

Sans prévenir, le vieux chasseur m’enlaça avec émotion. Je lui rendis son étreinte en souriant.

— T’aurais surtout pu prendre la peine de répondre à mes messages, je me suis fait du sang ! me reprocha-t-il d’un air mécontent.

— Désolée, fis-je en lui adressant un sourire contrit.

J’observai l’homme avec une inquiétude non dissimulée. Il avait l’air épuisé, je m’en voulais d’être partie sans prévenir. Je considérais Bobby comme un deuxième père. Il était chasseur tout comme moi, et il faisait partie de ces rares personnes sur lesquelles je pouvais vraiment compter. Je lui confierai ma vie les yeux fermés, sans aucune hésitation.

Bobby était de la vieille école, il en avait vu des choses. Il avait perdu sa femme, et n’avait jamais eu d’enfants. Je me souvenais de notre rencontre, j’étais encore novice à ce moment-là. Il m’avait sortie d’un sacré pétrin, comme toujours.

— Entre, je t’en prie.

Bobby s’effaça pour me laisser entrer, je m’avançai de quelques pas dans la vieille maison, qui n’avait pas changé d’un poil. Pour être honnête, le ménage laissait un peu à désirer. Le vieux vétéran ne s’en préoccupait pas plus que ça. Cependant, cette maison constituait une précieuse mine d’or en terme de bouquins sur l’occulte, et il s’agissait d’un piège à démon géant puisqu’un cercle de Salomon ornait le plafond du salon. De plus, Bobby possédait un Bunker impénétrable par toutes créatures surnaturelles.

Je me rendis compte que cet endroit m’avait terriblement manqué, Bobby m’avait manqué. Celui-ci d’ailleurs, s’affaira dans la cuisine, pour m’accueillir comme il se devait. Il me servit une bière et une part de pizza que je m’empressai d’engloutir, il me donna la pizza entière en notant mon appétit d’ogre.

— Eh beh, t’as pas mangé depuis combien de jours ?

— Mmh, Oh ça doit faire, ça fait deux jours en fait. dis-je la bouche pleine, affamée. J’étais sur la piste d’un nid de vampires mais certains s’étaient échappés. J’ai fini par les avoir, heureusement. Et j’ai aussi été contrainte de m’occuper d’un fantôme un peu gênant.

Le regard de Bobby tomba sur ma nuque, il se dévissa le cou pour mieux analyser ma blessure, tout en fronçant les sourcils.

— Tu t’es fait avoir par ces vampires on dirait. Faut soigner ça.

— Ah oui, c’est vrai.

J’avais complètement oublié que le vampire à qui j’avais tranché la tête, m’avait mordue. Les blessures faisaient partie de mon quotidien de chasseuse. Je repensais avec amertume, au moment où la créature avait osé poser ses doigts crochus sur cette photo. Celle que nous avions prise, John et moi lors d’un match de baseball.

John avait tenu le rôle de mentor, il m’avait tout appris sur la chasse. C’était un ami de Bobby, mais aujourd’hui John était mort. Il avait échangé sa vie contre celle de son fils : Dean Winchester. En passant un pacte avec un démon nommé Azazel.

Heureusement, sa mort avait été vengée, nous nous étions débarrassés de cette pourriture de démon. Et nous avions ainsi, pu libérer l’âme de John restée pendant dix mois en Enfer. Mais le temps en Enfer, ne s'écoulait pas aussi vite que sur Terre, il avait en réalité passé cent ans de torture aux mains des démons. Depuis, je m’étais liée d’amitié avec ses fils : Sam et Dean.

Bobby qui était allé dans sa salle de bain, vint poser un chiffon imbibé d'alcool sur ma plaie.

— La vache ! Ça brûle, dis-je en serrant les dents.

— Ouais, il avait faim ce salaud. Et t’as un putain d’hématome sur la mâchoire, c’est pas beau à voir.

— Il a aussi réussi à m’assommer…

Bobby fit la moue, il ressemblait à une mère réprimandant son enfant.

— Tu prends vraiment trop de risques Eli, tu pourrais peut-être demander aux garçons de t’accompagner de temps en temps…

— Je suis peut-être une femme, mais je suis tout autant capable de m’en sortir que les garçons ! m’emportai-je.

— Je sais Eli, ça n’a rien à voir, seulement on a tous besoin d’un coup de main. Crois-moi, je suis chasseur depuis un bon bout de temps. Il faut savoir mettre sa fierté de côté et admettre qu’on a besoin d’aide.

— D’accord, répondis-je en soupirant après un moment de réflexion.

Bobby me lança un sourire satisfait.

— Alors cette affaire de fantôme, ça a donné quoi ?

— Une jeune femme nommée Phoebe est revenue venger sa propre mort. J’avais vu dans le journal que quatre meurtres avaient été commis. Les parents de Phoebe et ses deux frères ont été tués, dis-je tout à coup très sérieuse, Bobby écoutait mon récit sans m’interrompre. Je suis donc allée interroger le seul membre restant de sa famille proche : sa sœur Suzanne. De prime abord, elle n’avait pas l’air suspecte, et m’a assuré qu’avant le ’’tragique’’ accident de Phoebe, les relations familiales étaient très bonnes.

Seulement, peu après mon départ, le fantôme est venu tuer Suzanne.

— Suzanne mentait ? questionna Bobby.

— Oui, j’ai fini par découvrir que les conditions dans lesquelles Phoebe est morte, étaient très loin d’être accidentelles. Tous les membres de sa famille ont participé à son meurtre, alors elle est revenue se venger. Après les avoir tués, elle n'est pas réapparue mais j'ai quand même préféré brûler ses ossements dans le cas où elle voudrait s'en prendre à quelqu'un d'autre. D'ailleurs elle a essayé de me tuer moi aussi, parce que j'enquêtais.

— Tu as bien fait. N’empêche, sa famille avait vraiment l’air dérangé. Ils méritaient leur sort.

— Peut-être, je ne sais pas. Ce que je sais par contre, c’est que mon boulot est celui de chasser les monstres, pas celui de laisser des humains se faire tuer. Le côté positif de tout ça, c’est qu’après ces meurtres, la police a rouvert l’enquête et a découvert que Phoebe avait été assassinée par d’autres membres de sa famille. Ils ont coffré l’oncle et la tante, qui vont finir leur vie en taule.

— Eh beh, y a vraiment des tarés dans ce monde. dit Bobby, le regard dans le vide.

— Bizarrement, les démons, les fantômes, ou même les vampires me font moins froid dans le dos que ces tueurs. dis-je avec une mine dégoutée, tandis que Bobby se levait pour prendre une bière dans le frigo.

— Ça te dit de tuer du démon demain ? questionna-t-il en buvant sa bière à la bouteille.

Je regardais Bobby en souriant :

— Tu sais bien que je suis toujours partante pour buter ces vermines ! T’as déjà un plan de prévu ?

— Un chasseur nommé Jeff, il m’a passé un coup de fil avant que tu arrives. Il a vu des démons trainer aux alentours de Weyburn. On pourrait peut-être leur tendre un piège et les interroger. Je songeais à aider Sam et Dean à trouver des infos sur Abbadon. Et maintenant que tu es là, pourquoi ne pas les interroger sur celui qui a…tué ta famille. dit-il tout à coup l’air hésitant.

Je sentis tout mon corps se crisper instinctivement. Je ne supportais pas aborder le sujet de ma famille, car des souvenirs douloureux remontaient alors à la surface, avant que je ne les refoule. Mais c’était mon objectif premier, retrouver le démon qui avait assassiné ma famille, et le réduire en miette. Et si je pouvais aider les garçons à détruire Abbadon, j’allais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour les aider. Abbadon était un démon coriace, un chevalier de l’Enfer pour être exacte. Nous n’avions aucune idée de la façon de s’en débarrasser. Mais il fallait trouver une solution. Abbadon a décimé la branche des hommes de lettres par le passé, auquel appartenait le grand-père de Sam et Dean. Aujourd’hui ils étaient devenus des chasseurs et des hommes de lettre à leur tour.

Les hommes de lettres étaient une organisation secrète de chercheurs étudiants et référençant tout ce qui avait attrait au surnaturel, cela faisait partie de l’héritage des frères.

Mais aujourd’hui, Abbadon voulait dominer l’Enfer, elle avait pour projet de devenir reine. Il fallait à tout prix empêcher que cela ne se produise.

— Je crois que j’ai besoin de sommeil Bobby, je vais aller me coucher. Et c’est d’accord pour demain.

— T’as raison, tu as besoin de repos. Ta chambre est toujours à l’étage, je n’y ai pas touché.

Je le regardais, étonnée :

— Vraiment ? Mais je me suis absentée près d’un an !

— Je savais que…tu finirais par revenir, ça fait du bien que tu sois là.

Bobby paraissait ému, j’avais des remords quant au fait d’être partie sans prévenir un beau matin. Nous étions une famille, j’avais eu tort d’agir de cette manière. J’avais ma fierté, mais je ressentais une profonde affection pour Bobby. Mon cœur se serra, à la vue de son visage affligé.

Je me rassis en face de lui :

— J’ai mis ta patience à rude épreuve, hein ?

Il me regarda en haussant les épaules.

— Un peu oui… je me suis tellement inquiété pour toi, si tu savais.

Ses paroles me touchaient, il n’était pas du genre à parler de ses sentiments, mais il avait beaucoup d’amour pour moi et les garçons. Je le savais. Nous étions comme ses enfants.

— Je te dois des excuses Bobby, j’aurais dû te donner des nouvelles. Je te promets de ne plus jamais partir sans prévenir.

Bobby leva la main d’un geste désinvolte

— T’es une grande fille Elizabeth, tu peux partir quand tu veux. Mais la maison paraissait vide sans toi, je me suis senti… seul.

— Et les garçons sont venus te voir ?

Il me sourit :

— Oui t’en fais pas, ils passent de temps en temps, souvent quand ils ont des ennuis d’ailleurs. soupira-t-il. Je les ai souvent au téléphone, si tu veux mon avis je leur ai sauvé la mise une centaine de fois. Mais c’est des bons gars, si John les voyait aujourd’hui.

— Ce brave John Winchester. dis-je en tapotant l’épaule de Bobby. Bon, j’ai vraiment besoin de repos, à demain Bobynou. Il fronça les sourcils, il détestait ce surnom. Je déposais un baiser sur sa joue et monta l’étage en ayant préalablement récupéré mon sac.

— Je viendrai te réveiller pour aller chasser ! me cria-t-il depuis le rez-de-chaussée.

— Ça marche !

Je traversai le couloir et ouvris la porte de ma chambre qui grinça sous l’effet du mouvement. Observant la pièce avec mélancolie, je lâchai un soupir avant d’y entrer, Bobby n’avait touché à rien. Je m’assis sur mon lit légèrement poussiéreux, et lorgnai sur ma table de nuit. J’ouvris le tiroir et en sortis la lettre froissée, elle était toujours à sa place. La dépliant, je commençais la lecture pour la énième fois, il s’agissait de la dernière lettre que John m’avait envoyée avant sa mort.

Elizabeth ,

Il fait nuit à l’heure où je t’écris cette lettre. J’ai appris que vous aviez détruit

Le nid de vampires qui sévissaient aux alentours de Deadwood.

Et apparemment Bobby t’as laissé faire la plupart du boulot, tu t’en es bien sortie

Si tu pouvais saluer Bobby de ma part d’ailleurs. Il faut que je te dise que j’ai enfin

Trouver une piste, quelque chose qui me mènera à lui. Je suis allé chasser

A l’Ouest de l’Indiana, j’ai interrogé une poignée de démons.

L’un des démons m’a dévoilé certaines informations mentionnant Azazel.

Apparemment, il aurait travaillé pour lui et m’a raconté qu’un chasseur nommé

Walter avait été possédé par Azazel. Ce chasseur m’a d’ailleurs conseillé de bien

Rester sur mes gardes. Il sait que le démon aux yeux jaunes veut ma peau.

Et il sera prêt à tout pour m’avoir. Aucun rapport, j’ai une affaire pour toi, c’est à

National City, j’aimerais que tu y ailles avec Sam, Dean et Bobby.

C’est assez sérieux, je suspecte cette ville d’être une « ville-monstre ».

Emmène Rudy au cas où, je pense qu’il y a pas mal de ménage à faire.

Nous nous reverrons bientôt, prends soin de toi Elizabeth.

J.W

Malheureusement le destin en a voulu autrement, John est mort avant de m’avoir revu.

Son fils, Dean, a eu un accident de voiture causé par un démon. Ce qui a conduit John à signer un pacte avec Azazel, le démon aux yeux jaunes. Il a vendu son âme pour sauver son fils ainé. Ce n’était pas la première que John croisait ce salopard de démon, en effet il a tué la mère de ses fils : Mary, lorsque Sam n’était encore qu’un nourrisson.

John me manquait. C’était quelqu’un de dur et d’exigeant, mais il le fallait bien en étant chasseur. Il était devenu chasseur car sa femme est morte tuée par un monstre, il avait dû élever ses fils seul. Ils n'avaient pas eu une enfance facile, tout comme moi… Nous n’avions pas vraiment de maison, nous passions la plupart de notre temps sur la route, à chasser, à trainer dans des hôtels miteux, à voler des cartes de crédits pour manger et s’acheter des munitions. Les vacances ? On ne savait pas ce que c’était, je me souvenais qu’il y a deux ans, Dean m’a avoué n’avoir jamais mis les pieds sur une plage, jamais…

Mais ce n’était pas le pire, oh non. Le pire c’était de perdre face au mal, perdre des proches, voir des innocents mourir. Et ça c’était notre quotidien, on en sauvait beaucoup. Mais, on ne pouvais pas sauver tout le monde, une réalité bien difficile à accepter…

Le métier de chasseur n’était pas des plus évidents, surtout en étant une femme comme moi. Il m’a fallu du temps pour trouver ma place. Encore aujourd’hui, il m’arrive de subir des moqueries sexistes non seulement de la part des chasseurs mais aussi des monstres !

Je lâchai un soupir et m’allongea sur le lit, en observant la lettre.

Je relis la lettre encore une fois et eus subitement un hoquet de surprise. J'avais cette lettre depuis plusieurs années en ma possession et ce n'est qu'aujourd'hui que je remarquais le message codé qu'avait voulu me faire passer John. En lisant les premières lettres de chaque phrase, on décelait :

"IL EST A LAWRENCE''.

— Il est à Lawrence, murmurai-je. Qu’est-ce que ça signifie ? Qu'avait voulu me dire John à l'époque? Qui était ce ''il'' ? Azazel ? Ou...non c’est impossible. Une lueur d'espoir traversa mon esprit lorsque je pensais que peut-être, John état parvenu à le retrouver. L’assassin de ma famille. Mais comment le saurais-je ?

Je me couchais dans mon lit, tout à coup envahie de toutes sortes d'émotions et de questionnements. La fatigue me submergea, je tombais finalement dans un profond sommeil. Pour une fois, mes rêves ne se changèrent pas en cauchemars, au contraire. Mon sommeil fut très paisible, je me sentais en sécurité chez Bobby, je me sentais chez moi.

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