Ch. 5 partie 1

3 minutes de lecture

« J’étais sur la route toute la sainte journée. »

(G. de Palmas)



– Eh bien, je vois que tu apprécies mon lapin !

– Je me délecte, je suçote jusqu’au doigts ! D’une petite chose tu fais un festin ! Non seulement tu as le secret des parfums mais tu maîtrises aussi celui des épices. Je crois que tant de délices qui me ravissent pourraient rendre jaloux tout seigneur jusqu’au roi…

– Ça va, calme toi, Philémon Tell ! coupa Mesch, Hilde cuisine comme tu tires tes flèches.

– Qu’entends-tu par là ?

– Avec efficacité ! Elle sait l’usage des herbes de vérité !

Sur ces mots, le missus cracha le morceau et ravala ses alexandrins flatteurs. Il se leva ensuite d’un bond puis, tirant son épée du fourreau, en appuya la pointe sur la gorge de Mesch pour y faire perler une goutte de sang.

– Sorcières ! Que cherchez-vous à savoir ?

– Tiens ! Ne serais-tu pas un autre Nabil, comme ce traître de Médois ?

– Silence ! hurla Tell.

Dans une rage inexpliquée, il trancha la gorge de Mesch, mettant un terme à la vie du personnage principal de ce récit.

Hilde, quant à elle, ne dit mot et continua de manger tranquillement son civet.

L’histoire aurait pu s’arrêter là mais, depuis la réplique de Mesch (elle sait l’usage des herbes de vérité !), vous avez été mené(e) en bateau. En effet, la suite était une plaisanterie. Il faut bien mettre un peu d’humour, sinon on s’ennuie.

Le missus Philémon ne cracha donc rien et, tout en allant pisser sur le sentier, se contenta d’un :

– Assurément, c’est excellent ! La vérité si je mens !

– À propos, Tell, que voulais-tu me demander de la part de Charles ? intervint Hilde.

S’en revenant, de la vidange, l’homme observa Mesch en répondant :

– Voilà…

– Tu peux parler en sa présence, j’ai confiance en elle.

– Moi aussi.

– Dans ce cas, pourquoi la fixes-tu ainsi ?

– Ses yeux de faon et sa tignasse myrtille lui donnent un air à la fois tendre et sauvage, tandis que son corps d’amazone…

– Hé ho ! J’ai mes deux seins, moi ! protesta la jeune femme.

– Dis, Tell, si tu ne penses pas plus aux choses sérieuses, Charles va fini par t’envoyer faire à Pau l’emploi, le recadra Hilde, et tu connais les Vascons…!

– Pau ?

– Ah, oui, c’est encore un peu tôt pour ça, on est en 797… reconnut Hilde. Bref, là-bas, où les moustiques errent et les Gascons jouent de leur dard taillant.

– Très bien… Voilà : le roi a reçu une missive par porteur – le Bagdadi – indiquant que le calife Haroun ar-Rachid…

– J’ai connu un Wilfrid Arachid, lors d’un voyage, remarqua Mesch.

– Peut-être un cousin germain du calife… Bref, Haroun, qui n’est pas vulcanologue, n’en est pas moins soucieux du développement de son pays pour éviter l’éruption du mécontentement populaire qui sourd actuellement. Pour cela, il souhaite nouer des relations commerciales avec le royaume des Francs et demande ainsi à Charles d’ouvrir des négociations dans cet optique. Ce dernier veut savoir si tu n’as pas quelque vision sur le sujet.

– De l’optique ?

– Des négociations.

– Non.

Philémon fronça un sourcil et souleva l’autre, l’air à la fois incrédule et soupçonneux. Si vous voulez voir ce que ça donne, rendez-vous devant votre miroir et faites le mouvement. En veillant à être seul(e).

– Tu es surprenante, Hilde !

– C’est le propre d’une devineresse.

– C’est tout ?

– Mais, le pieu roi est censé prier pour avoir un éclairage divin…

– Bien entendu, il se rend quotidiennement à la chapelle, mais… Enfin quoi ! Il t’as déjà maintes fois demandé ton avis et a su justement te récompenser… insista Tell. Puis, se frappant le front du plat de la main : Ah oui ! Suis-je stupide… Tiens ! fit-il en tendant une bourse.

Hilde leva la main en signe de dénégation.

– Je n’ai pas eu de vision à ce sujet. La seule chose que j’aie jamais sue, je la lui ai dite il y a 19 ans, lorsqu’il est venu me voir au sujet du vase de Soissons.

– Ne me dis pas que je suis venu pour rien ! Le roi va être courroucé et je serai renvoyé ! J’ai fait un long voyage... ! Si j’avais pu lire dans tes pensées... !

– Tu n’arrives pas de Palma, tout de même ! Et je doute que tu puisses t’immiscer en moi. Bien... Alors, finissons le repas, après quoi nous nous rendrons au klapperstei, je vais voir ce que je peux entendre.

– Qu’est-ce ?

– Une grande pierre plate évoquant un visage qui tire la langue. Certainement les restes d’un dolmen. Je m’y assieds de temps à autres et il arrive que j’aie des auditions. Tu nous accompagnes, Mesch ?

– Non, je vais me laver les aisselles.

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