Ch. 4 partie 1

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– Ah! Camille ! Tu es venu avec le fiston ! Salut, tous les deux !

– Salut, Jean, répondent en choeur les visiteurs. On a mangé au Wokizza, puis on a fait une petite balade et nous voilà !

– Et ta femme ?

– Elle donne un coup de main, en extra ; elle est restée au resto.

– Ainsi Trinh trime tandis que tu t’amènes sans peine.

– Elle fait des nems et je garde Minh...!

– C’est l’hymen !

– Les gens, jadis, dans ce cas, pour l’hymen optèrent, mais les moeurs ont évolué, tu exagères!

– Loin de moi l’idée que vous soyez des abeilles, je jouais simplement la musique des mots.

– À vrai dire, je m’en doute, mon ami vieil, et je me joins volontiers à ce concerto.

– Toutefois, prenons garde à n’en pas faire trop : à verser dans le vers sans fin pour converser, je crains que cela ne serve qu’à conserver le rythme de pieds qui ne font rien avancer.

– Moi, je préfère les 12 travaux d’Hercule à vos 12 pieds d’alexandrins ridicules.

– Alors là, fiston, tu m’en bouches un coin, dit Jean.

– Ben, chez toi, tout peut arriver apparemment...

– Même, que le narrateur se joigne à la rime...! La curieuse incursion imposée, n’est-ce pas ?

– C’est bien normal quand on sait qui narre, j’estime.

– Est-on bien sûr de savoir qui narre, mon gars ?

Tout en bavardant, ils ont rejoint le séjour où ils ont pris place autour de la table en bois...

– Allez donc ! Le voilà reparti pour un tour !... Peu importe, en fait. Tu prends un café, Camille ? J’ai des dosettes goût caramel ou vanille...

– Si tu as «goût café nature», je suis pour !

– Tu n’aimes pas les cafés aromatisés ?

– Pas vraiment.

– Moi non plus.

– Pourtant tu...

– Oui, je sais. En fait, c’est une machine que j’ai gagnée avec, en complément, un beau lot de dosettes... Je voulais d’abord vendre ça sur Internet, mais j’ai pensé : autant en faire profiter ceux qui viennent me voir et aiment le café... Bon et pour toi ? Ça te dit, un jus de fruits, Minh ?

– Moi, je voudrais bien un diabolo-grenadine.

– Désolé, fiston, je n’ai pas de limonade.

– Bon, ben alors je vais prendre un diabolo menthe

– Ah...! De ce sirop-ci je suis aussi en rade. Mais, tout simplement, un coca, ça te tente ?

– Alors une menthe à l’eau...

– Ou un bébé rose ?

– Un lait au sirop d’orgeat ?...

– La décision s’impose...

– Bon, un jus d’orange.

– Ok, je t’apporte ça, conclut Jean, le pouce levé, en s’éloignant.

– Tu te doutais que j’allais venir, n’est-ce pas ?

– À vrai dire, je n’avais pas fait attention, car j’étais pas mal occupé, ces derniers temps.

– Il n’y a eu aucune manifestation ?

– Par rapport à notre aller-retour dans le temps?

– Oui, puisqu’on avait fait un saut à aujourd’hui.

– Comme tu le sais, le futur n’est pas fortuit, et si l’on s’y aventure, il se modifie, explique Jean, revenant avec les boissons.

– C’est trop bien, ça marche ici, le wifi ! s’exclame Minh qui s’ennuie de la discussion.

– Oho, tu as déjà un téléphone, toi ?

– Non, non, répond l’enfant, c’est celui de papa.

– Regarde, ce serait pas tombé de ta poche ? avertit Jean en pointant le sol sur sa gauche, car sur sa droite, ça n’aurait rimé à rien.

Mais écoutons la réponse de Minh, de rien, et restons-en là avec les alexandrins.

– Ouais, c’est des plumes de cigogne !

– C’est chouette !

– Non, cigogne !

– Elles sont assez grandes... On pourrait les utiliser pour écrire, indique Jean tandis qu’il se saisit d’un exemplaire.

– Pour écrire ? répète Minh, incrédule, en fronçant les sourcils.

– Oui, on taillait la pointe en biseau, comme ça, montre Camille, puis on la trempait dans l’encre pour écrire, termine-t-il en mimant les gestes du scribe.

Jean reste un instant songeur – comme il le fait habituellement dans chacune de ses histoires peu ordinaires – avant d’ajouter :

– Tiens, quelle coïncidence ! Je viens de me rappeler que je suis actuellement en train de lire un passage du Grimagine où il est question de plumes de cigogne et d’écriture.. D’ailleurs, je vais le chercher et te montrer de la calligraphie à la plume, termine-t-il à l’attention de l’enfant.

– C’est quoi, le Grimagine, papa ?

– C’est un grand livre de la petite histoire, comme dit Jean, répond Camille qui enchaîne, sachant que ceci n’éclaire pas la lanterne de son fils : tu vois, dans les livres d’histoire, on parle en général de grands événements, des rois, de batailles, de découvertes... Dans le Grimagine, ce sont des récits écrits à l’époque et qui parlent de choses que les historiens ne connaissent pas, en général... Tiens, par exemple : à l’école, tu as entendu parler de Clovis, du vase de Soissons...?

– Oui...

– Eh bien, dans le Grimagine, il y a un récit datant de l’époque de Charlemagne, qui raconte de ce que ce vase est devenu et d’un mystère qui l’entoure...!

– Tu me racontes, papa ?

– Oh, Jean la connaît mieux que moi...

– Tiens, Camille, c’est le tome 5 de mes histoires peu ordinaires, « Le vase de Soissons à 3 clous», dit Jean qui s’en revient avec un énorme livre dans les mains.

– Ce gros bouquin, là ?

– Ben non, celui-là, sur l’étagère, indique-t-il du menton Prends-le, lis-le et tu pourras répondre aux interrogations de Minh...

– Et aux miennes par la même occasion, répond Camille en allant récupérer l’ouvrage.

Jean pose le lourd livre et l’ouvre. Le Grimagine, Jean ne l’a pas trouvé en chinant, néanmoins, il remonte à la nuit des Tang, mais, étrangemang, aucun nuage de poussière ne s’en dégage, comme on le voit dans les films.

– Oh! Il est très très très vieux !

– Oui, Minh, et je ne sais pas de quand il date... Mais je dirais bien ... de la prehistoire...

– Pourtant, il a l’air en bon état, remarque Camille.

– C’est vrai. J’ai juste eu à le dépoussiérer lorsque je l’ai découvert. Il semble presque neuf.

– Tu l’as trouvé où ? demande l’enfant.

– Dans une armoire, répond Jean d’un ton mystérieux, une vieille armoire...

– Aussi vieille que le livre ?

– Non...

– Pourquoi cet air mystérieux, alors ?

– Ah, Camille...! Si tu savais...

– Quoi ?

– Dans ma jeunesse, mon enfance même, j’aimais lire les histoires de la « Bibliothèque Verte », toujours pleines de mystères... Alors, j’en mets aussi un peu pour agrémenter le récit, intéresser Minh qui, sinon, s’ennuierait...

– Ah bon ? C’est donc une armoire banale, quoi...

– Je ne crois pas... J’y ai vu des choses...

– Une étagère avec le Grimagine dessus.

– Oui...

– Un remake de la «Bibliothèque Verte», quoi...

– Bah...! Écoute : lis le «Vase de Soissons à 3 clous»; tu en apprendras un peu plus...

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