L'envol

4 minutes de lecture

Samedi soir, à l'occasion de la fête des lumières, Marianne déambulait dans les rues de Lyon en compagnie de ses amies , Christie et Jade. Il faisait froid, mais elles s'étaient habillées en conséquence, et guillerettes, elles allaient d'animation en animation.

Les berges du Rhône étaient magnifiques, toutes ces lumières et ces couleurs, c'était un plaisir pour les yeux. Durant leur parcours, elles se régalèrent en voyant la place Bellecour, l'Hôtel Dieu et la cathédrale Saint Jean. Pour atteindre la place des Terreaux et profiter de l'ambiance, elles avaient décidé de remonter la rue de la République.

À dix-neuf heures trente, la ville était en effervescence. Les rues étaient bondées et il était difficile de circuler. Découragées par la foule, les trois jeunes femmes abandonnèrent l'animation Place des Terreaux pour se rendre place Louis Pradel.

Un hommage à Sadjo Bel s'y déroulait. Comme beaucoup de Lyonnais, la veille, elles avaient appris la triste nouvelle par l'intermédiaire des médias. Le magicien n'était plus. Des vidéos tournaient en boucle sur les chaînes locales et nationales, elles montraient l'illusionniste hurler et s'effondrer sur lui-même pour ne laisser que ses vêtements. Comment était-ce possible ? Personne n'arrivait à l'expliquer ! Qui était vraiment Sadjo Bel ?

Depuis le tour, rien n'avait disparu, toutes les affaires de l'illusionniste étaient là. Les jeunes femmes s'approchèrent de la cabine de Sadjo. Sur la table, la tunique orangée du magicien était exposée. Parcourues par un frisson, elles effleurèrent de la main le tissu , quelle douceur ! À côté, elles distinguèrent ses sandales de cuir, sa perruque et sa barbe postiche.

Assis derrière la table, des convives veillaient au bon déroulement de la cérémonie. L'un d'entre eux interpella les demoiselles.

— Bonsoir ! Je m'appelle Victor, je suis un des invités régulier de Sadjo. Pour lui rendre un dernier hommage, nous vendons des bougies pour un euro symbolique.

Interloquée Marianne essayait de comprendre et l'homme continua :

— Chaque personne possédant un lumignon traverse la cabine et le pose sur le pavé dans le but d'écrire Sadjo Bel !

Avec quelques gestes son compère expliqua :

— Des caméras placées en hauteur ici et là filment en temps réel l'œuvre éphémère.

— C'est génial !

Emballées à l'idée d'apporter leur pierre à l'édifice, elles donnèrent une pièce, choisirent leur bougie et Victor leur fit signe d'entrer dans la cabine.

Elles soulevèrent la toile et traversèrent la structure pour ressortir de l'autre côté. Sur le sol on pouvait distinguer « SADJO B » en lettres lumineuses. Elles placèrent leur bougie sur le « B ». Émues et silencieuses, elles quittèrent doucement la place.

Sadjo Bel restera dans les cœurs et les mémoires, elles étaient satisfaites d'avoir pu traverser la cabine du magicien et déposer une bougie.

Marianne jeta un coup d'œil sur sa montre et déclara :

— C'est vingt heures trente, je dois vous laisser ! Ed m'a invitée au restaurant

— Yeah, la classe ! T'as d'la chance d'avoir un mec comme ça ! rétorqua Jade.

Envieuses, ses amies l'embrassèrent et s'éloignèrent. Au loin, elles agitèrent leurs mains pour lui faire un dernier salut avant de se fondre dans la masse.

Seule, la jeune femme se dirigea vers « L'envol », un petit restaurant au charme incontestable. Approchant de la terrasse, Marianne balança ses yeux de gauche à droite pour trouver Edward. Elle était impatiente de sauter dans ses bras. Ne le voyant pas à l'extérieur, elle entra dans le restaurant. Un serveur se dirigea vers elle pour l'accueillir d'une manière chaleureuse et professionnelle, puis il entonna :

— Mademoiselle vous avez réservé ?

— Non, mais mon compagnon oui.

— À quel nom ?

— Chaldone !

Gêné l'homme déclara :

— Nous avons bien une réservation à ce nom, mais vous êtes la première à vous présenter.

Marianne plongea dans ses pensées et rétorqua :

— Merci bien, je vais l'attendre dehors.

Après s'être assise sur un petit muret, Marianne ôta ses gants et dégaina son téléphone pour appeler son homme. Aucune tonalité, elle bascula directement sur son répondeur. À plusieurs reprises, la jeune femme ré-essaya, sans succès.

Seule dans le froid, elle commençait à douter. Pourquoi Ed n'était pas là ? Un simple retard ? Non, ce n'était pas son genre, il était ponctuel. Au loin, une silhouette se dessina, c'était un homme qui se dépêchait. Pleine d'espoir Marianne plissa les yeux pour tenter de discerner son visage. Déçue, elle constata que ce n'était pas son jules.

Plus les minutes s'écoulaient, plus son imagination s'emballait. Une panne de voiture ? Un accident sur la route ? Il aurait appelé ou quelqu'un l'aurait fait... Bordel, pourquoi son téléphone était éteint ? Un problème de batterie ? Une pensée fracassante traversa son esprit, et si Ed lui avait posé un lapin en bonne et due forme ? Une larme coula le long de sa joue. Elle l'essuya avec son gant . Frigorifiée et triste, elle n'attendrait pas plus longtemps, c'était sa décision. Elle se redressa et s'éloigna du restaurant en marchant d'un bon pas. Ses cheveux bouclés s'agitèrent, elle éclata en sanglots et seul le revers de sa manche était là pour éponger sa tristesse.

Annotations

Vous aimez lire Mansuz ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0