Solitude

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Sur le chemin du retour, Marianne traversa des rues décorées et des places somptueuses. En temps normal, elle se serait extasiée. Mais sans joie, l'esprit de fête s'était envolé et tout semblait morose. Dans les artères principales, il y avait trop de monde. Comme elle n'aimait pas les bousculades et la promiscuité ambiante, la jeune femme décida d'éviter des grands axes pour s'orienter dans des rues plus calmes. Après avoir croisé plusieurs individus éméchés, Marianne augmenta son allure. Rentrer seule à cette heure, ce n'était pas sérieux. Marianne se focalisa sur le bruit de ses pas, même si ses talons n'étaient pas hauts, elle faisait un boucan monstrueux. Elle se remémora une citation d'un roman d'épouvante que Jade lui avait prêté :

« La nuit, les proies se pavanent à la lumière des réverbères pendant que les pervers guettent dans l'obscurité. »

N'étant pas rassurée, Marianne se retournait régulièrement et à l'affût du moindre bruit, elle continua sa route. D'un pas léger, elle se rapprochait de son domicile. Soudain, un cri effroyable et bref brisa le silence. Le hurlement d'une femme ? Instinctivement, elle s'arrêta et en retenant sa respiration, elle tendit l'oreille. Plus rien ? Une fausse alerte ?

Non, elle n'était pas seule, un raclement sinistre était audible. Le frottement d'une barre métallique contre le bitume ? Au loin, elle distingua un homme sortant d'une ruelle perpendiculaire.

L'individu avait une démarche lente et saccadée. Il marchait tête baissée vers le sol. Horrifié, Marianne constata que ce n'était pas une barre en métal qu'il traînait mais une hache. En ébullition, son cerveau faisait le rapprochement avec les journaux télévisés du moment. Et si c'était le tueur en série ? L'homme semblait ne pas l'avoir vue, elle recula doucement, mais son pied heurta un gobelet jetable. Plastique écrasé, craquement révélateur, maintenant l'individu fixait Marianne.

Son masque sordide effraya la jeune femme. Aucun doute, cet être était néfaste, il fallait fuir. Le tueur empoigna fermement sa hache avant de s'élancer tel un fauve vers sa proie. Dans un réflexe de survie, Marianne ôta ses chaussures à talons et sprinta en direction de son appartement. Entendant les pas lourds de son poursuivant, elle était partie à toute vitesse, mais son organisme avait du mal à suivre. Chaque bouffée d'air inspirée brûlait sa gorge. Haletante et sans se retourner elle continuait son effort. Après avoir troué ses collants, le bitume gelé, écorchait ses jolis pieds mais transcendée par la situation, elle supportait allègrement sa souffrance.

Marianne avait le souffle court, les muscles endoloris et elle fut soulagée en voyant le hall de son immeuble. À cause de ses petites enjambées cette dernière ligne droite lui semblait interminable. Le cœur battant à tout rompre, elle se jeta sur le digicode pour taper frénétiquement sur les touches. Maintenant, il fallait attendre l'ouverture. Marianne se retourna et horrifiée, elle constata que son poursuivant était à quelques mètres. Dans un léger claquement, le mécanisme s'enclencha.

La jeune femme agrippa la poignée et tira vivement le battant afin de se glisser derrière. Après avoir claqué la porte, elle fila sans attendre dans l'ascenseur. Destination : le troisième étage ! Des bruits sourds retentirent. Le tueur fou de rage devait être contre la porte d'entrée. Une fois l'ascenseur arrêté, les portes s'ouvrirent. En claudiquant Marianne se dirigea péniblement vers son appartement et après deux tours de clé, elle s'engouffra chez elle pour s'enfermer aussi tôt.

Épuisée mais sauve, Marianne se laissa choir sur le canapé telle une poupée de chiffon. Elle avait semé cet affreux bonhomme aux pulsions ignobles. La pression accumulée commença à retomber. Tout à coup un « toc toc » brisa cet instant apaisant. La jeune femme sursauta et s'approcha craintivement de la porte pour regarder à travers le judas. Après avoir aperçu un masque hideux, elle s'élança en arrière et se jeta sur son téléphone. Un premier craquement retentit, suivi d'un second. L'homme l'avait retrouvée et vigoureusement, il martelait à coup de hache le seul rempart qui la protégeait.

Cachée derrière le canapé, Marianne se concentrait exclusivement sur son téléphone pour appeler la police. Malgré sa peur ses doigts pianotèrent avec une vélocité exemplaire sur l'écran. Une tonalité rassurante, une attente désespérante. « Allez décroche ! » pensa-t-elle en se mordant la lèvre.

Sous un dernier assaut la porte céda et victorieux l'individu pénétra dans l'appartement. En tournant lentement la tête le tueur examinait la pièce à la recherche de sa proie.

« Allô, vous appelez à quel sujet ? »

En chuchotant Marianne articula doucement :

— L'homme à la hache, le tueur en série, il est chez moi ! Dépêchez-vous !

— Donnez-moi votre adresse et veuillez rester en ligne.

Entendant des bruits de pas se rapprocher, la demoiselle n'osa pas répondre. Épiant les cachettes potentielles, l'individu suspect déambulait calmement mais tremblante de peur, Marianne hoqueta.

Soudain la stature imposante du tueur occulta la lumière. Il pivota sa tête, et il ricana cruellement en voyant sa victime recroquevillée. D'une voix rauque et éraillée, il susurra :

— Détends-toi pétasse !

Délicatement, il se pencha sur la jeune femme pour humer son parfum !

« Allô allô ? Donnez-moi votre adresse ! »

Brusquement le tueur lui arracha le mobile des mains et le broya contre le sol avec son poing, il craqua tel une chips. Prise de panique Marianne hurla. Savourant cet horrible instant, l'homme recula et empoigna fermement la hache pour la brandir. Mouvement gracieux du buste, prise d'élan, il avait fini de jouer. Il allait abattre violemment son arme quand une voix résonna durement :

— Connard ! Tu t'es cru chez mémé ? Le tapage nocturne ça te dis quelque chose ?

Interloqué, l'homme fit volte face. Devant lui, se tenait une jeune femme vêtue d'un pyjama. Marianne venait de comprendre, c'était Amanda sa colocataire.

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