L'ordalie 6/

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  • Comment osez-vous permettre à un animal de son espèce se plier à la loi sacrée de l'ordalie ? s'égosilla l'un des conseillers Wulik.
  • Cela n'est pas contraire à la loi sacrée, messire, lui rétorqua aussitôt le prélat. Il est déjà arrivé que, faute de participant d'un niveau équivalent à l'accusé ou à l'accusateur, on utilise des chiens de guerre comme opposants. Ce sont alors les Ancêtres de l'homme qui seuls, pourront se prononcer sur son innoncence ou sa culpabilité. Si des chiens de guerre peuvent participer à une ordalie, pourquoi pas ces bêtes-ci, mon fils ?

Le conseiller voulut tergiverser plus encore, mais devina qu'il n'avait plus voix au chapitre. Furibond, il fit signe que ses récriminations cesseraint à l'instant. Les derniers préparatifs se poursuivirent, Xavier en profita pour se pencher vers Herbert et lui chuchoter :

  • Ce n'est peut-être pas le meilleur escrimeur, mais... quelle fiabilité, quel professionnalisme.
  • Il pourrait être de bon ton de l'affranchir lui aussi.
  • Non. Je pense qu'il partirait aussitôt se convertir en mercenaire.
  • Oh. En effet. Oublie.

Bastian les rejoignit en dessous d'armure, et le duel commença.

Le Baron se rua sur son adversaire qui le dépassait de trois têtes et devait bien faire deux fois son épaisseur. L'humain parvint à mettre tout son poids dans un coup direct, en mesure de transperser l'armure de Hubert, si ce dernier se trouvait encore là. Le dragonien, d'un pas chassé, se trouvait deux mètres plus loin. L'arme en position défensive, il chargea à l'instant même où l'humain l'apperçut, et le frappa de la main à la jointure entre l'épaulière et le gorgeret.

Comme un danseur, Obtèr s'éloigna d'un bond, reprenant en un clin d'oeil une distance de sécurité. Le Baron eut tout le temps nécessaire pour se remettre du coup, et tourner autour de son adversaire d'un pas mesuré.

  • Mauvais équilibre, diagnostica Herbert.

Obtèr laissa le noble venir à lui, pour cette fois passer sous la lame, bloquer le bras armé contre lui et jeter son adversaire au sol. L'air dans le vague, le second fils de Xévastre commenta en se penchant vers Herbet :

  • Notre dragonien est frustré.
  • Comment cela ?
  • Regarde ses épaules. C'est subtil, mais vois-tu la tension qui les contracte, la raideur inhabituelle du cou ?
  • Mmmh... ah, maintenant qu'il se force à se décripser, oui. Qu'est-ce qui lui déplairait ?

Bastian prit le temps d'observer l'écailleux virvoleter avec aisance et sauter autour de son adversaire, ne le frappant que du plat de la main.

  • Il rêve d'un adversaire à sa mesure. Regarde. Toutes ces charges à l'épée avortées.
  • ... Ah... Ah ? Oh, oui, la manière dont il serre le pommeau avant de le lâcher... oui... Penses-tu être à sa hauteur ?

Bastian rit jaune.

  • Je suis humain. Je n'ai aucune chance à armes égales.

Wulik chargea en hurlant de rage, et prépara de toute évidence une frappe verticale. Presque dans un soupir, le garde stoppa la lame à son point culminant de l'avant-bras, et il décolla le Baron du sol d'un coup de pied au torse. En une fraction de secondes, il était déjà prêt à frapper de nouveau, mais se retint.

Un nouveau mouvement parmi la famille comtale attira l'attention d'Ombre, et lui permit d'écouter les conversations entre Bastian et Xavier.

  • Je ne sais pas quelles limites tu lui as imposées, mais la prochaine fois, laisse-lui plus de libertés, tu le frustres.
  • Je lui ai simplement demandé de ne pas humilier notre invité, ni d'abîmer son armure hors de prix. Et bien sûr, de respecter les interdictions habituelles. N'user de son arme que pour sa défense et non l'attaque, ce genre de chose.
  • J'escompte que tu lui donnes une longue permission, après cela.
  • Naturellement.

Ils se turent. Bastian émit un hoquet outré devant l'absence de technique de Wulik dans l'art du duel. Par chance, Hubert, las des attaques lentes et pataudes du Baron, saisit l'épée de ce dernier à pleine main, le tira à lui et lui fit rencontrer ses phalanges bardées d'acier. La tête de l'humain fut propulsée en arrière, l'écailleux lui saisit l'épaule et le secoua comme une poupée de chiffon, jusqu'à ce que l'homme éructe et supplie qu'on le laisse abandonner le combat. À peine libéré de l'étreinte non-humaine, il se jeta à genoux, et n'eut pas le temps d'enlever son casque. Une toux infâme s'entendit, et il vomit. L'odeur eut la bonté d'attendre que le prêtre confirme la culpabilité du Baron de Wulik concernant le vol de chevaux dont il était accusé, avant que la souillure n'empeste l'air.

  • Les Ancêtres se sont exprimés.

Des protestations émanant des suivants étrangers s'élevèrent, mentionant une triche dans l'appel à un dragonien pour le second duel, rendant le verdict caduque. Les gardes de Xévastre s'approchèrent, sentant que certaines règles de savoir-vivre basique risquaient d'être bafouées. Les rares soldats ducaux et baronnaux resserrèrent les rangs.

Les comtes, eux, s'enfoncèrent dans leurs trônes et contemplèrent la situation. La religion se trouvait de leur côté, évènement rare susceptible de faire date. Le prélat agit par ailleurs en leur faveur, et appela au calme.

  • Inutile que le sang coule aujourd'hui mes fils, à moins que vous ne souhaitiez vous attirer la défaveur des Ancêtres et faillir plus gravement à votre devoir de préserver la paix royale. La participation de l'esclave est conforme à nos rites et à nos lois, si vous souhaitez vous y opposer, il vous faudra interroger le Patriarche.

Les gens d'armes attendirent la décision de leurs seigneurs, la main sur le pommeau. Plusieurs minutes s'égrenèrent, les visiteurs attendaient de savoir comment agirait leur potentiel allié, tandis que les civils du Comté cédaient la place à une garnison croissante de gardes arborant le sapin jaune sur leur tabar. L'un des conseillers de Desbombes, le premier, comprit que les velléités devraient attendre. Si son seigneur les désirait. Aussi, le premier, il fit signe aux siens de cesser toute démonstration d'hostilité.

  • Assez perdu de temps, cracha du bout des dents le conseiller de Wulik.

Lui aussi appela ses hommes au calme, et la foule se dispersa en silence, militaires et civils mêlés.

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