L'ordalie 7/7

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Le Baron enleva enfin son casque, répendant des vomissures autour de lui. Respectueux de l'étiquette, Hubert lui tendit la main pour l'aider à se relever. Son geste repoussé avec humeur, le dragonien put retourner à son poste avec sérénité.

Ombre suivit son seigneur tout en tendant l'oreille aux messes basses des étrangers. Wulik s'avéra dans l'incapacité de se relever sans rendre le contenu de son estomac, et se perdait en imprécations et menaces. Son premier conseiller alpagua Hubert pour le sommer de retirer son casque, toute marque de jubilation étant punie au baronnat.

  • Je ne peux pas me soumettre à t... votre demande. Nous ne sommes pas sur votre terre, je ne suis pas à votre service, et mon rôle actuel est de parcourir le chemin de ronde en armure complète. Pour autant que je sache, aucun de mes maîtres ne m'a autorisé à mettre ma tête à nu.
  • En effet. Veuillez ne pas distraire ma garde, ajouta Xavier avec calme. Vous souhaitez ajouter quelque chose, Hubert. Allez-y.

Le sourire du prédateur s'entendait.

  • J'ai recensé pas loin de huit cents assassinats après une demande de retrait de casque, répertoriés dans des annecdotes historiques, messires. C'est un classique. Sur ce, bonne journée à vous.

Il s'inclina, et put partir pour de bon. Les civils se dispersèrent sans attendre, au cas où des hostilités éclateraient, échangeant entre eux à voix basse. Chaque garde rapprochée resserra les rangs après de sa noblesse, et à leur tour ils quittèrent les lieu, maudissant leurs hôtes et leurs Ancêtres. Seuls restèrent les comtes, leurs gardes personnels et le prélat. Ce dernier se planta seul face à ses seigneurs, et attendit qu'ils aient un semblant d'intimité. D'un signe de tête, le Comte lui permit de prendre la parole. Le religieux s'inclina avec respect, et jubila :

  • Messires, je me réjouis de votre décision d'organiser cette ordalie et du résultat de cette dernière. Sachez que le Patriarche en sera informé, et que je ne tarirais pas d'éloges au sujet de votre sang. Il m'a été demandé d'observer à quel point vous vous comportiez en hérétiques, et à vrai dire, vous êtes bien plus pieux que je ne l'escomptais.
  • Ah, vous nous espionniez pour le compte du saint Patriarche ? fit mine de s'étonner Thomas.
  • Je vous le confesse.
  • Nous le savions déjà, rétorqua Xavier. Tous les prêtres envoyés ici sont imposés par ses soins. Après tout, l'urgence est d'éradiquer le paganisme, n'est-ce pas.

Les deux hommes s'échangèrent un sourire de connivence, et tous rejoignirent le château. Ombre porta l'armure de Bastian ainsi que son arme puant l'encens, tandis que la famille réintégrait ses appartements en silence. Le duelliste s'esquiva le temps de se débarrasser de son fumet de sueur, ce qui permit à Ombre de ne rien perdre de la conversation à venir ensuite. Elle remit les effets du seigneur au premier serviteur venu, avant de rejoindre les Xévastre.

Au retour du fils victorieux, le Comte se permit des effusions etserra le bras de ses deux aînés.

  • Quel duel, Bastian ! Quelle technique, cela ne me surprendrait guère que vous me surpassiez au même âge, fils. Quant à vous Xavier... j'étais dubitatif vis-à-vis de votre plan. Mais je saisis mieux les implications à présent. Vous êtes un fin politicien.

Les interpelés rayonnaient. Leur géniteur si avare de compliments se montrait d'une prodigalité exceptionelle. Gérald et Herbert les laissèrent savourer l'évènement, avant que le troisième fils ne demande si ses impressions sur les duellistes étaient bienvenues.

  • Naturellement.

Herbert remercia son père d'un acquiescement, s'assit confortablement dans son fauteuil de bois et de cuir, et se lança :

  • Le premier duel pouvait paraître équilibré, mais l'âge commence à atteindre notre bon Duc. As-tu senti qu'il s'essoufflait, passé un temps ?
  • Oui.
  • Tu ne pouvais que l'emporter. Je remarque par ailleurs que nos gens attendent de savoir sur qui je vais parier à présent.
  • Trouves-tu que je m'améliore ?
  • Tu entres de toute évidence en période de stagnation. Peut-être même, au vu de ta recherche ardente de lutte, de régression et d'effronterie.
  • Pourtant, la stratégie me paraissait excellente.
  • Alors que tu pouvais le fatiguer plus encore avec son arme ? Non, tu t'es montré imprudent.

Ils débatirent un long moment sur les aspects techniques, théoriques et pratiques du duel, avant que Herbert ne parle de la technique de Descombes, bien conscient de ses faiblesses, puis de la quasi absence de talent du Baron. Bastian le maudit, et se tut quand vint le tour de l'un de leurs dragoniens les plus fidèles et loyaux. Penché en avant, il se fit toute ouïe.

  • Non content d'être un combattant-né, il a reçu un bon entraînement. À cela s'ajoute son expérience, soupira Herbert. Je maintiens que nous devons le récompenser pour le service qu'il nous a rendu. Dites-moi Xavier, qu'auriez-vous fait sans lui ?

L'interpellé lui sourit.

  • J'aurais confié la tâche à un autre dragonien loyal et digne de confiance. Néanmoins, vous en conviendrez, c'était l'occasion rêvée de montrer la supériorité de leur espèce dans le domaine martial. Il est le digne représentant du bon dragonien, assez civilisé pour servir, et inhumain pour représenter une force militaire à ne pas sous-estimer que nous détenons. Contrairement aux autres nobles.

Xavier perçut une ambiance différente, et suivit le regard des siens, convergeant vers Ombre. Cette dernière ne sut comment réagir, et dansa sur ses pieds, mal à l'aise.

  • Qu'en penses-tu, Ombre ? minauda Xavier.
  • Laissez-la en paix, s'interposa Gérald. Elle nous est fidèle et loyale depuis toujours, que vous importe son avis ou ses impressions ?
  • Sa duplicité des années durant pourrait nous faire penser le contraire, lui retourna Herbert. Elle te sert toi, certes. Mais nous ? J'en doute. De plus, au vu de ce qu'elle est parvenue à nous dissimuler... alors dans l'optique où certaines paroles, certaines positions lui déplaisent... de quoi serait-elle capable ? Donc dis-nous, Ombre, quel est ton avis sur la désignation de Hubert comme champion, des raisons de ce choix ? Toi qui est dragonienne, ton point de vue est en sus intéressant.

Impressionnée, elle resta coite quelques temps. Ombre prit courage d'un coup d'oeil à son Seigneur, et répondit enfin, de sa voix normale, bien que tendue et balbutiante :

  • Montrer ce dont les miens sont capables en liberté peut apporter beaucoup de bien... Rappeler qu'ils ne sont pas que des meubles et des entités serviles aussi...

Y'aura une suite sur cette partie !

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