Echappatoire 5/6

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Son seigneur n’en pouvait plus, et se rassit avec raideur dans sa selle. Il était blême.

- Ne vous relâchez pas, mon seigneur. Il nous reste huit poursuivants.

Il ne put lui répondre. Cela arrangeait la dragonienne. Elle prit le temps de se remémorer la cartographie des lieux, et parvint à les diriger vers la sortie. Une fois à découvert, sur des sentiers de qualité, ils pourraient fuir, et retourner au château. Ombre soupira. Où tout recommencerait. Elle pressentait que les mercenaires seraient plus dangereux encore. Maintenant que la chasse était ouverte… Elle lança un regard noir à son père et frère. Se remémora ce qu’elle lui devait. Ce pour quoi elle payait aujourd’hui. Ses babines se retroussèrent. Quelle injustice. D’ici moins d’un siècle, s’ils s’en sortaient, elle partirait construire sa tour à la Faille.

Pour le moment, ils devaient survivre. Ils arrivaient en vue de l’orée des bois, lorsqu’une cavalcade infernale retentit.

- Là ! Près de la clairière !

Sans hésiter, la dragonienne saisit son seigneur par les hanches, le souleva et le posa sur la croupe d’Astuce. Par réflexe, il l’enlaça, toujours aussi pâle. Ombre effraya le destrier en faisant tournoyer son épée devant lui, il prit aussitôt le galop. Sa fuite pouvait bien donner la sensation que deux chevaux piétinaient désespérément la végétation. Avec Astuce, elle se faufila dans les ombres, à un pas allongé.

Les humains suivirent le destrier à l’ouïe sans hésiter. L’espionne mit ce temps à profit pour contourner de quelques mètres la dernière clairière qui la séparait de la sortie qu’elle espérait. Soudain, elle grinça des crocs. Ils s’étaient rendus compte de la supercherie, et revenaient sur leurs pas. Trop tôt, bien trop tôt.

Ombre profita de la petite taille de sa jument pour se glisser en des lieux exigus, évitant soigneusement les lieux où les traces ferrées pourraient se repérer. Tendant l’oreille, elle comprit que leurs poursuivants les dépassaient. Parfait. À moins qu’ils ne les attendent à la sortie des bois.

Elle déglutit. Une fois en vue de la sortie, elle mit pied à terre, et fit signe à sa beauté de rester immobile. Ombre louvoya entre les arbres et les buissons, jusqu’à pouvoir surveiller l’orée de la forêt. Personne. Fronçant les sourcils, elle flaira. Aucune indication témoignant du passage des hommes. Cependant, une senteur de fruits trop forte pour être naturelle flottait en l’air. Ils devaient s’être dissimulés en écrasant des baies sur leurs armures et leurs montures. Elle pouvait prendre le risque de se montrer. Comme celui de prendre un autre chemin pour rejoindre le domaine des ducs de Vorn. Les options comportaient leur part de risque. Avec fatalisme, elle soupira. Autant savoir au plus tôt.

Elle remonta sur Astuce, devant son seigneur qui la saisit de nouveau à la taille. Il reprenait des couleurs, et demeurait silencieux. Tant mieux. Ombre avança au ralentit jusqu’à la limite des bois, avant de partir comme une flèche vers les champs les plus proches. Dans les hauts blés, elle pourrait sauter de selle et tenter de perdre à nouveau ses poursuivants, tout en se protégeant des flèches.

Une flèche frôla sa botte, et des cris de guerre résonnèrent. En jurant, elle pressa sa jument. Lorsqu’elle comprit qu’elle ne pourrait jamais atteindre le champ à temps, de nouveau elle fit faire demi-tour à son cheval, et la fit se cabrer. Alourdie par sa charge inhabituelle, Astuce ne prit pas le risque de se cabrer autant qu’à l’accoutumée. Bien consciente des risques, Ombre sauta à terre, entraînant son seigneur dans sa chute. Ce dernier, pétrifié, tomba face contre terre, tandis qu’elle intimait à son amie de se placer entre eux et leurs poursuivants.

La brave petite s’interposa en bouclier vivant, et les tirs de flèches cessèrent. Les cavaliers ne tardèrent pas à la dépasser, Ombre la prévint d’un geste sec, et elle rugit à s’en briser la voix, montant dans les aigus autant qu’elle put, poussant comme jamais son cri dissonant.

Les chevaux fuirent ce son atroce. Leurs cavaliers tombèrent. Sauf un, qui ne sembla pas gêné outre mesure. Abandonnant l’idée de rester en selle, il laissa fuir son cheval, et dégaina une lourde épée à deux mains. Ombre brandit sa courte épée couleur cuivre. Elle ne vit aucune raillerie dans le regard de son adversaire en armure de cuir. Seulement un froid professionnalisme. Cet homme ressemblait à un ours. Le duel était inégal.

Ombre se mit en garde. Tous deux s’étudièrent du regard, et l’humain prit les devants. D’un pas déterminé, il réduisit la distance les séparant, prit de l’élan et asséna un premier coup dans le but de sonner la garde d’élite. Cette dernière s’esquiva. Le mercenaire avait bien assez de jugeote et de maîtrise pour ne pas planter son arme dans le sol, il réussit même l’exploit de dévier son coup latéralement pour manquer de peu de toucher Ombre. Elle grimaça. Il s’agissait d’un geste difficile à exécuter. Elle n’avait pas affaire à un débutant.

Désireux d’en finir au plus vite, le mercenaire se remit en garde, et approcha Gérald qui se relevait à peine. Voyant le danger approcher, il eut la présence d’esprit de dégainer. Il connaissait les gardes par coeur, et parvint à donner l’illusion d’un épéiste aguerri. Ombre détourna l’attention du géant en le chargeant, son seigneur asséna une faible botte à leur seul adversaire debout. À peine ce dernier fit-il volte face, qu’Ombre lui plantait une dague en bas du dos.

L’homme poussa un mugissement inhumain. Soudain, quelqu’un empoigna Ombre par derrière, et la souleva. Feulante, elle se débattit de toutes ses forces. Sentant qu’elle déséquilibrait son agresseur, elle en profita pour saisir sa dague à deux mains, et l’enfoncer dans le corps de l’homme au travers de son armure. L’acier crissa atrocement contre le métal, et fut couvert par le cri du blessé. D’un bond de trois mètres, Ombre parvint à temps à contrer le coup que portait un assaillant à son seigneur.

Ce fut malheureusement le dernier coup qu’elle put porter. Le géant, malgré sa blessure, parvint à lui saisir la cheville. Elle fut impuissante face à la suite des événements.

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