Rencontre nocturne 5/

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L’ambiance habituelle restait la même que la veille. Les gens de Xévastre se retrouvèrent le temps du repas matinal, les soldats et quelques gardes rapprochés partirent vaquer à leurs occupations, les dragoniens retournèrent prestement à leurs quartiers alloués, et les deux frères s’attardèrent, en présence d’Ombre et de Clément. Conscients qu’un mage pouvait les écouter, ils ne parlèrent que de sujets anodins.

Un nouveau serviteur manda Gérald auprès de la duchesse, et une nouvelle journée tendue débuta. Divers mercenaires dévisageaient Ombre avec méfiance. La disparition de certains des leurs devait être connue. Ils communiquaient plus entre eux que ce à quoi s’attendait la dragonienne. Second jour seulement, et déjà la plupart d’entre eux se tenait sur ses gardes en présence de la rousse.

Isa les attendait en un somptueux boudoir, drapé d’or, de soieries et de velours d’une richesse frisant l’ostentation. Cette pièce prenait des teintes sablées exotiques, rappelant à Ombre la plage où la blonde désirait la faire noyer. Les meubles de sapin jaune bénéficiaient des plus coûteux agréments. Tout respirait la richesse, sans pour autant tomber dans l’ostentation. Ombre laissa courir son regard le long des veinures jaunes du marbre pâle de la salle, tandis que les deux promis conversaient.

La duchesse portait cette fois une robe qui la mettait moins en valeur, et les deux femmes guettaient où allait le regard de Gérald. Ombre avait été conviée à se placer derrière la duchesse, accroissant les difficultés de l’homme à demeurer concentré sur la bonne personne. Il fauta plusieurs fois. Rien ne laissait soupçonner que sa promise l’aie remarqué, mais Ombre devinait sans peine que rien n’échappait à cette monstresse. Même si cette dernière poussait le vice jusqu’à faire mentir son odeur, la dragonienne parierait volontiers que lorsque son Seigneur quêtait son regard, cela enrageait la noble.

Les heures s’écoulaient avec une lenteur ignoble. Sentir de si près la présence de sa tortionnaire réveillait de vieilles angoisses engourdies. Ombre pinça les lèvres. Retourner sur le lieu de son viol était une erreur. Cela lui embrumait l’esprit, l’amenait à se poser des questions superflues. Pire, à douter. Douter des raisons de sa présence en ces lieux, de sa mission, de sa raison d’exister. Veiller sur son Seigneur. S’assurer qu’il survive.

Alors qu’elle s’apprêtait à prendre une profonde inspiration, Ombre remarqua à temps que la duchesse tendait l’oreille vers elle. C’était très discret, mais l’humaine prêtait attention à sa respiration, la tête tournée afin de mieux guetter les sons que produirait la garde rapprochée. La non-humaine préféra ne pas lui laisser le loisir de savourer sa nervosité. Sa sérénité reviendrait sans modifier son souffle. Elle savait le faire.

L’espace d’un instant, terrible, Ombre se demanda si la femme pouvait entendre son cœur battre.

Puis se rappela qu’il s’agissait d’une crainte absurde. Guère soulagée, la rousse demeura statufiée derrière sa violeuse, à espérer que son Seigneur cesse de chercher du soutien dans son regard.

L’heure du zénith approchait, amenant un espoir de libération prochaine. Isa riait à son propre jeu d’esprit, puis s’interrompit soudain.

C’est en regardant son aimé droit dans les yeux qu’elle demanda :

- Qui désirez-vous ?

Gérald sursauta. Balbutia.

- Que… que voulez-vous dire ?

- Une personne doit bien hanter vos nuits, mon doux sire. Sachez que vous hantez les miennes. Est-ce réciproque ?

L’aimé savait qu’il devait à la fois répondre en vitesse, surveiller ses propos, sa façon de les énoncer, et prendre garde à ce que son corps ne le trahisse pas. Il regarda Isa droit dans les yeux. Il ne voyait que celle qui avait torturé Ombre. Celle qui devait payer. Prenant le ton de la conversation, il s’imposa de répondre :

- Il s’agit d’une question fort indélicate, ma mie.

- Nous sommes entre nous, et tôt ou tard nous devrons bien aborder ce sujet. Pourquoi pas maintenant ? Ne m’aimez-vous pas ?

- Aimer et désirer…

- Sont à mon sens liés. Je ne puis désirer sans aimer. Beaucoup me disent qu’il en va différemment pour la gent masculine, mais qu’en est-il de vous ?

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