Chapitre 1 - Entre les murs (1/4)

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— Allez, Dicey, lève toi ! cria le garde en secouant les barreaux de la cellule. Johnson te fera payer ton retard si tu traînes trop.

Le prisonnier se tourna vers son interlocuteur et comprit qu'il n'aurait pas le choix. Il s'étira de tout son long sur le matelas miteux et trop court qui lui servait de lit et frémit lorsque ses pieds touchèrent le sol glacial et humide.

Les cheveux en bataille, le détenu fixa son bourreau et dit :

— T'aurais pu me laisser dormir, mes dernières nuits ont été courtes à cause du trafiquant de mes deux. Ses cris me donnent encore mal au crâne quand j'y repense. Ils auraient quand même pu le bâillonner pendant la torture.

Il n'ajouta pas que ses menottes l'empêchaient également de trouver une position confortable pour dormir, et qu'il se réveillait bien souvent avec l'un de ses bras engourdis jusqu'à l'épaule.

— N'y penses pas trop fort alors, c'est ton tour ! ricana le gardien. Allez, bouge-toi, Johnson n'a pas que ça à faire, il bosse, lui.

Éreinté, Dicey se leva et s'étira de nouveau. Ses menottes cliquetèrent. Il se dirigea vers la porte, que le garde ouvrit pour le laisser passer, et sortit. Ils empruntèrent un couloir et passèrent devant d'autres prisonniers, la plupart endormis. Le condamné pensa qu'il devait encore faire nuit dehors. Ils prirent à gauche et arrivèrent en haut d'un escalier, puis descendirent les marches.

Le jeune homme n'aimait pas cet endroit. L'air était froid et les murs épais empêchaient la lumière naturelle de rentrer. Le peu de luminosité dont bénéficiaient les détenus venait des néons accrochés au plafond, et un sur deux était toujours en panne. Son rasoir lui manquait aussi, les nombreux poils sur son menton le grattaient et ses cheveux blonds lui descendaient jusqu'aux épaules. Seul son regard n'avait pas changé, toujours aussi vif et perçant.

Auparavant, il était coursier. Plutôt bon pilote, il effectuait toute sorte de courses : des missions officielles jusqu'à celles un peu moins légales. C'est au cours de l'une d'elles qu'il se fit prendre. Employé par la Compagnie de l'Azur, l'un des gangs de mercenaires les plus puissants de la galaxie, il avait pour mission de conduire des hommes d'un point A à un point B. Bien sûr, il ne connaissait jamais les raisons pour lesquelles on l'employait, mais il s'en fichait, du moment qu'on le payait. Il ne s'occupait que du transport. Les discussions étaient bonnes pour les pipelettes. Et Dicey n'aimait pas les pipelettes.

Cependant, une taupe avait prévenu les forces de l'ordre, car à son arrivée sur Jena, une planète développée du système Dolan, des hommes de la capitale l'arrêtèrent. Incapable de prouver son innocence, la police l'emmena sur Saon puis le plaça dans la prison de Bellnitch, réputée pour torturer ses prisonniers dans le but d'obtenir de précieuses informations.

Par chance, durant les deux semaines qui suivirent son incarcération, le condamné ne fut jamais appelé par Johnson, le chef de la sécurité, un grand et gros Taeil possédant une moustache qui lui touchait le ventre. Dicey détestait les Taeils et encore plus depuis sa rencontre avec Johnson. Leur peau brune le dégoutait. Ils mesuraient dans les deux mètres trente, ce qui les rendait imposants par rapport aux Humains. Outre la taille, la gent masculine arboraient de longues moustaches, synonyme de virilité dans la culture taelite. Plus celles-ci étaient longues, plus son propriétaire était respecté. Un Taeil sans moustache était vu comme un traître aux yeux de tous. Un Taeil haut gradé pouvait, quant à lui, en porter fièrement une de plusieurs mètres de long. Leur crâne était arrondi sur le dessus et chauve, et leur visage était semblable à celui des cochons : d'immenses yeux vitreux et noirs, un nez en forme de groin et de minces lèvres qui cachaient une dentition aiguisée. Leurs oreilles remontaient en pointes et ils étaient dépourvus de cou. Le prisonnier les surnommait les « porcs de l'espace ».

Johnson était considéré comme séduisant parmi son espèce, mais le captif ne souhaitait pas connaître leur standard de beauté. Pour lui, ces créatures étaient repoussantes, hommes comme femmes, il leur vouait une animosité qui grandissait chaque jour, lorsqu'il entendait les cris des victimes du gardien résonner à travers les étages de la prison.

Le chef de la sécurité se plaisait à faire souffrir ses victimes pour obtenir ce qu'il souhaitait. Bon nombre d'entre eux ne tenaient que quelques heures avant de tout déballer, les yeux remplis de larmes et les membres mutilés. À la déception du bourreau d'ailleurs, car plus un détenu résistait longtemps, plus grande encore était la satisfaction de Johnson lorsque sa victime crachait enfin le morceau.

Heureusement, la prison de Bellnitch ne comptait pas que des monstres dans ses rangs. Dicey avait pu faire la connaissance d'Ethan, qui gardait son étage. Au début, la relation fut difficile, le premier étant plutôt silencieux par nature. Mais très vite, et sûrement grâce à leurs origines communes et leur âge similaire, le prisonnier et le garde avaient fini par devenir plus ou moins « amis », sans pour autant que cela n’entache le professionnalisme du fonctionnaire. Le condamné était traité comme les autres, mais il avait au moins quelqu'un à qui parler lorsqu'il se sentait seul. Et la solitude était fréquente en prison.

Le jeune garçon venait de Saon. Il était né et avait grandi dans la capitale, et il ne connaissait que l'atmosphère de la ville. Ses parents travaillaient tous les deux dans l'administration et il rêvait depuis tout petit d'être dans la police. Mais ses supérieurs l'avaient relayé au rang de gardien de prison. Plutôt frêle et petit, son visage affichait toujours un air inquiet, comme s'il avait peur de blesser quelqu'un. Il était cependant bienveillant, et refusait de violenter les captifs, sauf de dernier recours. Cette qualité aurait pu tenter quelques opportunistes d'abuser de lui, mais à la grande surprise de Dicey, tout le monde l'aimait bien, et personne ne lui avait jamais fait de tort. En retour, il les traitait du mieux qu'il pouvait et remplissait ainsi sa fonction.

Il arrivait que les deux hommes discutent durant de longues nuits. Le gardien racontait des anecdotes hilarantes sur les conquêtes sentimentales de Johnson tandis que le prisonnier parlait de son expérience interstellaire. Le condamné avait exploré de nombreux systèmes et collaboré avec de nombreuses espèces. C'était un pilote renommé parmi les amateurs et les professionnels de ce domaine. Son talent était indéniable. Pour un citadin comme Ethan, qui n'avait jamais quitté sa planète d'origine, c'était fascinant. Il lui parlait de mondes forestiers, océaniques, désertiques, luxuriants et riches en culture et en ressources. Le surveillant l'écoutait, subjugué par ce côté aventureux qu'il n'avait jamais pu expérimenter.

Mais l'ambiance était tout autre à présent. Aucun des deux hommes n'avait pipé mot depuis le début du trajet, tandis qu'ils traversaient un nombre incalculable de couloirs et dévalaient des escaliers en pierre. Leur relation semblait aussi froide que la prison à cet instant, mais Dicey savait que le garde ne faisait que son travail : il ne faisait jamais de favoritisme. Ils descendirent un nouvel un escalier puis se retrouvèrent face à une porte en métal.

Le captif entendit du mouvement derrière, ainsi qu'un rire gras et puissant. Il comprit sans mal que la personne qui s’esclaffait n'était autre que Johnson.

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