— Je suis désolé, Elya, mais nous n’avons plus le choix. Cette option était notre dernier recours mais nous ne pouvons plus faire autrement. Nous sommes dans l’obligation de t’envoyer sur le terrain, déclara Côme d’un ton grave.

— D’accord, répondit Elya. Ça me permettra de me sentir utile, parce que rester ici à ne rien faire…

— Je comprends, mais tu dois être très prudente. C’est ta vie qui se joue, et la nôtre également, s’ils te font parler.

— Ça n’arrivera pas. Jamais je ne dirai quoi que ce soit.

— Malheureusement, Elya, tu n’en sais rien. Tu n’as jamais été soumise à cette situation de stress intense et de détresse, tu ne peux pas savoir comment tu réagiras sous la torture si jamais – et j’espère de tout mon cœur que non – on en arrive là.

— Qu’attendez-vous de moi au juste ?

Côme Laflèche observa la jeune fille assise en face de lui. Elya Beaudouin était âgée de seize ans, orpheline et animée d’une détermination farouche. Recueillie par une des collègues de Côme après l’assassinat de ses parents, Elya était le secret de l’État et des services de renseignements. Elle vivait à l’écart de la société, en compagnie de quelques autres jeunes sans famille. Ils intervenaient dans certaines enquêtes dont on ne voyait pas le bout en dernier recours dans le but de découvrir des éléments majeurs qui feraient avancer les recherches. Cependant, les agents leur faisaient appel le moins souvent possible pour les préserver du danger, ce qui n’était pas sans frustrer les jeunes qui rêvaient d’action et d’adrénaline plutôt que de tourner en rond dans les locaux des services de renseignements. Ils en sortaient le moins possible pour réduire au minimum les possibilités d'inattendus compromettants et ne pourraient fréquenter des gens de l’extérieur que quand ils auraient l’âge requis pour être agents. En attendant, leur quotidien était assez monotone. Le gros de leurs journées se concentrait sur les études et les entraînements physiques en tout genre. Ils avaient également régulièrement des entraînements psychologiques, des cours sur le maniement des armes, des mises en situations et des activités manuelles et culturelles. Le complexe où ils vivaient ne manquait pas d’infrastructures, allant du gymnase au cinéma en passant par la bibliothèque et la grande salle d’armes. Mais il est vrai qu’y vivre tous les jours depuis de longues années pouvait être ennuyeux.

— Il va falloir que tu te lies d’amitié avec la fille de Martino Dangelo, le leader des Ombres, déclara Côme. Elle s’appelle Alina, elle a ton âge et semble avoir une passion pour la photographie. Elle a sûrement d’autres centres d’intérêt, mais nous n’en savons pas plus.

— J’imagine que j’ai un gros dossier à apprendre par cœur pour ma couverture ? demanda Elya avec un sourire.

— Tu imagines bien, en effet…

Il lui tendit un paquet de feuilles agrafées les unes avec les autres.

— Voilà. Tu y trouveras ta couverture, les détails de ta mission et des informations complémentaires. Si tu as des questions, n’hésite pas à venir me demander. En attendant, tu as du boulot.

— Je pars quand ?

— Demain en fin de matinée, dit Côme.

Elya sortit du bureau de l’agent et se dirigea vers la salle commune qu’elle partageait avec les jeunes orphelins recueillis comme elle par les services de renseignements. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas vu confier de mission, aussi était-elle impatiente de se plonger dans son dossier. Elle était tout de même prise de court et le délai pour tout apprendre était très réduit. Elle savait aussi que son rôle était délicat et une pointe de stress naquit au creux de son ventre. Elle n’avait pas le droit à l’échec.

À suivre...