C’était Marielle qui, la première, avait lu la réponse du professeur. Lisa ne disposait pas encore de messagerie. Ses contacts avec le monde virtuel étaient d’ailleurs assez limités. Elle avait bien utilisé l’ordinateur familial quelques fois afin d’effectuer des travaux de recherche pour le collège mais le débit internet était tellement lent qu’elle n’avait pas souvent réitéré l’expérience.

Encouragée par ce début d’échange qu’elle jugea fort positif pour sa fille, et, comme pour lui prouver qu’elle lui accordait une confiance toute particulière cette année, Marielle lui proposa immédiatement de créer sa propre messagerie. Avoir un espace d’intimité était important pour une adolescente et, durant sa thérapie, elle avait compris qu’il était capital de redonner à Lisa une place d’enfant. Toutes les responsabilités dont elle l’avait, malgré elle, chargée l’avaient certainement fait grandir trop vite. Et puis cet homme qu’elle avait rencontré lors de la réunion parents – professeurs de novembre lui avait fait bonne impression. Elle avait remarqué instantanément son charisme et sa bienveillance. Il était posé et réfléchi, avait l’air de posséder un certain sens de l’humour qui ne l’empêchait pas d’être particulièrement rigoureux et fin pédagogue. Pour la première fois de sa vie, Lisa prenait plaisir à assister aux cours d’histoire - géographie. Son instinct concernant ce professeur était vraiment encourageant et elle savait sa fille avoir la tête sur les épaules. Si quelque chose prenait une tournure inquiétante, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’elle l’en aviserait. Et puis, Patrice était de plus en plus démissionnaire, ce serait salvateur pour Lisa qu’elle trouve une figure paternelle ailleurs.

Marielle se mit ainsi à rêver à un lien spécial. Elle inviterait peut-être un jour ce monsieur Leduc à boire un café. Il pourrait même suivre et conseiller Lisa après sa troisième, lui donner des cours si elle manquait de culture dans certains domaines, la stimuler et l’encourager. Il devait posséder une mine de connaissances ! Et puis, qu’il serait soulageant d’avoir quelqu’un sur qui s’appuyer pour lui trouver une orientation à la hauteur de ses capacités. Elle en était sûre maintenant, il serait un guide spirituel pour Lisa, la roue tournait toujours, c’était bien ce qu’on lui avait promis.