Chapitre 4

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« Chère Lisa, Dis donc tu n’as pas tardé à m’envoyer un email ! Tu étais impatiente d’avoir ta note ! Et bien, tu as obtenu 32/40 au brevet blanc, félicitations. Mais dis-moi, n’aurais-tu pas confondu le Japon et l’Indonésie sur la carte de l’Asie ? Je te souhaite également de passer de bonnes vacances et d’être bien gâtée par le père Noël. A bientôt. Monsieur Leduc »

Sylvain vérifia une dernière fois si la copie qu’il avait sous les yeux était bien celle de Lisa Gazzi. C’était étonnant qu’il l’ait oubliée sur son bureau. Peut-être cela avait-il eu lieu lorsque, la veille, après avoir conversé près d’une heure avec elle durant la sortie pédagogique, il avait voulu vérifier qu’il n’avait pas été trop dur dans sa notation. Cette élève avait déjà attiré plusieurs fois son attention. Elle se montrait souvent capable d’une analyse fine, de propos particulièrement matures pour son âge et d’un humour teinté d’une surprenante lucidité. En discutant avec des collègues, ils lui avaient appris que c’était « une pauvre gosse ».

« Elle s’en sort bien étant donné le contexte dans lequel elle évolue ! Si tu avais vu son père à la dernière réunion parents-profs, complètement bourré, il n’alignait pas deux mots cohérents ! Et sa mère, il parait qu’elle a délaissé ses gosses depuis qu’elle est lesbienne, lui avait expliqué Marc Baptista, l’ancien professeur de maths de Lisa.

-Oui elle s’en sort bien parce que j’ai insisté pour qu’elle soit dans ma classe cette année, répliqua non sans prétention M. Lemaire, professeur principal. Si nous avions laissé la répartition telle qu’elle était, elle serait encore dans la classe de certains énergumènes et on sait comment cela a fini pour elle l’an dernier.

-Tu exagères Allan, lui répondit Paule. Elle est dans mon cours de français depuis maintenant trois ans et je ne pense pas que la baisse de ses résultats puisse être expliquée uniquement par ses fréquentations. Cela reflète certainement une souffrance dont elle refuse de parler. J’ai essayé à plusieurs reprises l’an dernier d’aborder des sujets personnels avec elle mais elle a une incroyable capacité à détourner la conversation et donner l’impression qu’elle gère tous les obstacles qu’elle rencontre. Et puis, on a tellement d’autres chats à fouetter, que je n’ai pas insisté …

-Cette année, elle semble avoir de bons résultats, s’étonna Sylvain nouvellement arrivé dans l’établissement.

-Oui, elle s’est reprise en main, argua Allan, parce qu’elle est dans une classe sérieuse !

-Peut-être aussi parce qu’elle est retournée habiter chez sa mère ? renchérit Paule. Si tu avais prêté attention à ses fiches de renseignements, tu aurais pu constater que leur mère les avait récupérés cette année. »

Le ton avait commencé à monter en salle des profs, lorsque la sonnerie avait retenti stoppant net toute discussion. Sylvain, qui venait de donner sa dernière heure de cours, était rentré chez lui, pensif. Il savait que ce genre de profil d’élèves le touchait particulièrement, brillante mais torturée. Mais il était aussi bien conscient qu’il ne devait plus chercher à établir un lien spécial avec ces adolescentes paumées. Il en avait fait les frais dans son précédent collège, recevant des déclarations d’amour dans son casier, pâtissant peu à peu d’une réputation d’homme intéressé par les jeunes filles. Le principal du collège lui avait alors fortement conseillé de changer d’établissement avant de ne plus pouvoir gérer les proportions que cela prenait. Sylvain avait longtemps hésité, il ne voulait pas donner raison à ces rumeurs en adoptant une attitude de fuite. Mais la tentative de suicide de la petite Aurélie qu’il avait essayé d’aider et qui était tombée amoureuse de lui l’avait convaincu de demander une mutation. Plein de bonnes résolutions, il avait décidé d’être indifférent à ses nouveaux élèves et il y parvenait, jusqu’à ce jour, plutôt très bien. Il n’avait pas pu s’empêcher quelques traits d’humour pour détendre certains élèves anxieux mais il se limitait à cela, humour et détachement. Cependant, il sentait qu’avec Lisa, sa nature pouvait rejaillir.

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