La traque

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 Après avoir essayé de rassurer ses esclaves, Aquilius fit appel à son ancien aide de camp, Publius Servilius Catulus, en vue de disposer des militaires dans les environs de son domaine. Ainsi, les servi ramenèrent ce qui restait de la cargaison sous la surveillance des légionnaires sans que leur présence ne les rassure totalement. Dans son bureau personnel, l’ancien legatus mit au point la traque de la bête dans les bois avec Servilius et d’autres sous-officiers de la légion. Dès que ce fut fait, Aquilius fit sortir ses subalternes et se tourna vers une armoire basse à l’intérieur de laquelle se trouvaient sa lorica hamata, son casque à crinière rouge ainsi que sa cape pliée. Aquilius sortit ses affaires de l’armoire et contempla son attirail de legatus qu’il n’avait plus mis depuis sa victoire contre la Louve des Ardennes. Il devait maintenant affronter une créature monstrueuse assoiffée de chair fraîche, qui semait la terreur dans le monde animal et humain. Plus il pensait à cet adversaire bestial, plus il envisageait qu’il venait de l’Autre-Monde des Gaulois, habité par les dieux et d’autres créatures surnaturelles. Il se surprit même à envisager que c’était la druidesse qui, en guise de revanche, l’avait libéré sur le monde des mortels en cette nuit mystique de Samhain. À moins que ce ne fût la Louve elle-même qui s’était réincarnée, comme le voulait la croyance gauloise.

 Revêtu de son ancienne tenue de legatus, Aquilius rejoignit Servilius et ses autres sous-officiers qui l’attendaient à la porte de son domaine. Après une dernière mise au point tactique, ils se séparèrent et rejoignirent chacun un groupe de légionnaires armés d’épieux. Tout en maintenant une certaine distance entre eux, les militaires guidés par leurs officiers respectifs s’avancèrent dans la forêt sur leurs gardes, devant souvent dégager des obstacles avec leurs armes. Craignant toujours l’arrivée soudaine de la créature, les Romains cherchèrent le moindre indice de sa présence. Tous ses sens maintenus en éveil, Aquilius ne ratait aucun détail tandis qu’il s’avançait silencieusement, accompagné de ses légionnaires. Il les arrêta pour leur indiquer une trace de couleur rouge foncé qu’il devina être du sang séché depuis plusieurs heures. Cherchant un autre indice, il aperçut entre les feuillages et les branches une empreinte de canidé presque deux fois plus grande que celle d’un loup ordinaire. Voyant d’autres empreintes, Aquilius les suivit et en déduisit que la bête se déplaçait à grande allure sur deux pattes arrière. Ils suivirent ainsi les traces avec prudence mais elle ne leur permit pas de découvrir sa cachette. La seule chose qu’Aquilius vit au loin était les murs de sa villa et plus précisément ceux de son jardin. Lui et ses hommes continuèrent de chercher d’autres pistes pendant des heures, en vain. Comme convenu, Aquilius et les officiers se rejoignirent au coucher du soleil. Tous étaient revenus bredouille.

 — À croire que cette bête s’est littéralement volatilisée dans la nature, commenta Servilius.

 — C’est impossible, dit Aquilius, elle est certainement cachée mais pas disparue. J’ai pu trouver une piste mais elle n’a pas mené à la bête elle-même. Nous continuerons les recherches demain. Disposez des patrouilles de nuit le long des voies et à l’orée des bois ! Qu’elles soient constituées de suffisamment d’hommes pour lui faire face.

 Sur ces mots, l’ancien chef militaire frappa du poing sa poitrine, salut que lui rendirent les différents officiers qui le quittèrent. Aquilius interpella son ancien aide de camp avec un léger sourire :

 — Tribunus, à présent, vous n’êtes plus obligé de me nommer par mon grade mais simplement par mon nom.

 — Je sais, Aquilius. Mais c’est un réflexe en souvenir du temps où vous dirigiez la légion avec une stratégie et une habileté digne de Caesar.

 — Oui, répondit l’ancien legatus, nostalgique, c’était il y a moins d’un an et pourtant j’ai l’impression que cela remonte.

 Fatigué par la journée de traque, Aquilius se mit au lit après avoir retiré tout son attirail militaire qu’il rangea.

 — Même si tu n’es plus à la guerre, elle finit toujours par revenir vers toi, constata Lucretia, inquiète.

 — Tel est mon destin. Depuis des générations, les Aquilii ont contribué militairement à la protection et à la gloire de la Rome. Mon père, avec Pompeius, l’a protégée des esclaves menés par Spartacus. Mon grand-père a aidé Marius à vaincre le roi Jugurtha. Avec Caesar, j’ai soumis les peuples barbares de la Gaule. Après ça, de nouveaux exploits attendent mes descendants, avec le soutien de Mars.

 — Je sais très bien ce qui t’anime, mon grand guerrier. Cependant, ne serait-ce pas ton absence qui a poussé Marcus à trouver une autre figure paternelle en la personne d’Aristophanès, tandis que tu bataillais en terres lointaines ?

 — C’est possible… Cependant, j’ai bien compris que notre fils aîné ne deviendra jamais un grand militaire mais plutôt un poète ou un érudit.

 — Et alors ? Tu es déçu ?

 — Même si j’avais espéré qu’il respecte la tradition familiale, je ne peux lui en vouloir de chercher sa propre voie. Et qui sait, il immortalisera peut-être les exploits de notre famille dans ses œuvres.

 — Tu as bien raison. Cependant, il y en aura peut-être un autre qui perpétuera la tradition, le rassura Lucretia en caressant son ventre arrondi.

 — Si c’est un garçon, je suggère de lui donner comme praenomen Lucius, dit Aquilius en le caressant à son tour. Lui, il deviendra un meneur d’hommes sur le champ de bataille.

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