Chapitre 17 : La clé manquante

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Comme il faisait sombre… je n’y voyais plus rien, c’était comme si un voile opaque s’était dressé devant moi et me bloquait la vue et toutes mes sensations. Je ne parvins même pas à ressentir les poils se dresser sur mes bras, de peur. Mes bras ? Je n’avais plus de bras. Je n’avais plus rien, de nouveau. J’étais une coquille vide qui n’avait même plus sa carapace.

Le « Tic,Tac » se fit de plus en plus oppressant et ne s’éloigna pas cette fois-ci. Il demeurait tout autour de moi, m’encerclait, puis me traversait et résonnait à l’intérieur de mon esprit, comme s’il renfermait un marteau qui se démenait pour en sortir. J’allais me faire déchiqueter et toutes mes pensées finiraient éclatées en mille morceaux.

Seulement, ce ne fut pas pour aujourd’hui car je me réveillai sur le vieux matelas dans lequel je m’étais couchée la veille au soir et vis la lumière du jour à travers la toile de la tente. Une légère brise de vent frais s’incrustait dans l’ouverture et venait soulever mes mèches blondes pour caresser ma joue. Je me redressai et me tournai vers le matelas de Robin, mais il n’y était plus.

Je finis alors par me lever et me frottai le visage, couverte de poussière de terre rouge. Je sortis de la tente et vis que tout le monde était déjà debout et s’activait dans le camp. La dite Marina s’était remise à cuisiner ; certains tentaient d’améliorer leurs abris de fortune en le consolidant ; d’autres faisaient un brin de ménage pour dépoussiérer au maximum le cratère. J’aperçus James en compagnie d’un homme et d’une femme d’une trentaine d’années sous une tente. Ils rassemblaient des couteaux et petits poignards sur une table, tel que celui qu’il portait sur lui lorsqu’il nous avait intercepté dans le désert. Ils étaient tous fabriqués en clarosfène, il n’y avait aucun doute. Je reconnus la brillance et l’aspect parfaitement lisse de la matière indestructible.

Tous les trois étaient en pleine discussion, mais quand le regard de James se posa sur moi, il m’offrit un grand sourire et sortit de la tente pour se diriger vers moi. Il portait toujours ses mêmes vêtements sales, mais son expression reluisait de bonheur.

-Alors mam’zelle, bien dormis? me questionna-t-il.

-Ça peut aller, mentis-je en lui souriant.

Il était inutile de l’embêter avec mes cauchemars récurrents. Il avait sûrement bien plus important à penser.

-Bon tant mieux, dit-il en me tapotant l’épaule amicalement.

-James ? Est-ce-que vous n’auriez pas vu Robin par hasard ? lui demandai-je. Il n’était plus dans la tente ce matin.

Il se gratta l’arrière de la tête avec un air de réflexion.

-Il me semble l’avoir aperçu près du feu tout à l’heure, tu devrais aller voir là-bas !

-Merci.

James retourna sous la tente où se rassemblaient les armes blanches et je traversai le camp jusqu’à un creux reculé où brûlait un grand feu de bois. Effectivement je trouvai le jeune homme debout devant les flammes, avec une mine triste et froide. Ce n’est qu’en m’approchant que je vis le petit sachet transparent qu’il tenait à la main. On aurait dit qu’il renfermait une sorte de poudre argentée, que Robin malaxait brutalement. Quand il me vit approcher, il s’empressa de jeter le sachet dans le feu, qui s’embrasa immédiatement dans une flopée d’étincelles rouges et or. Robin s’essuya les mains sur son jean et s’avança dans ma direction comme si de rien n’était.

-Salut, me dit-il d’un air un peu gêné.

-Salut. Je te cherchais, tu n’étais plus dans la tente à mon réveil.

-Oui… j’avais besoin de prendre un peu l’air.

-Ou de jeter ce truc, répondis-je d’un regard accusateur en désignant le feu qui brûlait ardemment.

Robin ne répondit pas, ce qui ne fit que confirmer mes soupçons.

-Qu’est-ce-que c’était Robin ? Tu avais l’air plutôt déterminé à t’en débarrasser.

-Rappelles-toi, je t’ai dit que tout allait mieux se passer à partir de maintenant. Donc j’ai fait ce qu’il fallait pour que ce soit le cas.

-Qu’est-ce-que tu veux dire ? Dis-moi ce que c’était ! répliquai-je sur un ton plus autoritaire que je ne l’eus prévu.

Le garçon soupira avant de se résigner à me répondre honteusement.

-Tu te souviens de ce qu’a dit James hier soir ? Le clarosfène peut se dériver sous plusieurs formes. Eh bien… il se fait notamment en poudre… qui a… des propriétés plutôt utiles pour supporter les dures épreuves de la vie. Et ces derniers temps… je crois que j’en avais vraiment besoin… finit-il par m’avouer en regardant dans le vide.

-Attends… tu es en train de me dire que tu te droguais, c’est ça ? m’écriai-je scandalisée.

En réalité, je crois bien que je m’attendais à tout sauf à ça. Ce n’était pas du tout son genre de se laisser aller ainsi et je réalisai à ce moment qu’il avait dû terriblement souffrir de la situation pour en venir à de telles méthodes.

-Tu sais… j’ai vraiment honte d’être tombé aussi bas et je sais que ça t’a inquiété. Je ne me rendais pas compte de mes propres réactions et… je crois que j’avais juste besoin de m’évader, de me sentir un tout petit peu… ailleurs, loin de tout ce qui se passe.

Je croisai les bras, mais ne pus m’empêcher d’éprouver de la compassion pour lui.

-Mais maintenant c’est fini, je vais me reprendre. C’est pour ça qu’il fallait que je le jette au feu, que je le détruise pour ne plus être tenté ; mais j’aurais préféré que tu n’assistes pas à ça.

À son grand étonnement, je le pris dans mes bras, heureuse de le retrouver tel qu’il était véritablement. Il me rendit mon étreinte, ce qui me fit un bien fou.

-Ne me fais plus jamais ça, je lui chuchotai.

-Ne t’en fais pas, c’est fini.

Durant la journée, nous fîmes ce que nous pûmes pour aider les réfugiés dans leur tâches quotidiennes et pour préparer la grande expédition que James avait décidé après avoir appris l’avènement du chaos qui menaçait Christoval et tous ses habitants. Les résistants qui avaient survécu allaient de nouveau se lancer dans la quête de l’horloge, pour tenter d’inverser le processus et de contrer les Syrus. Ceux-ci ne devaient en aucun cas atteindre la faille avant eux, car une fois l’effet du clarosfène sur le point de se dissiper, les contrôleurs prêteraient allégeance à leurs « sauveurs ». James en était persuadé. Les résistants se devaient donc d’arriver les premiers coûte que coûte. Cependant, il restait un dernier problème à résoudre. Nous n’avions aucune idée de la manière dont nous devions « utiliser » Chopin pour révéler la faille et il était indispensable de le découvrir avant de se lancer sur le terrain.

C’est là que Robin eut une idée, très dangereuse, mais qui pouvait s’avérer efficace.

Nous rendîmes visite à James dans sa tente durant l’après-midi pour lui faire part de notre plan. Si même lui n’était pas au courant de tous les détails concernant la conversation qu’avaient échangé Edmond Coronas et le célèbre musicien, peut-être le père de Robin aurait-il eu le temps de les révéler à sa femme, avec qui il passait la majeure partie de ses journées avant son assassinat par les contrôleurs. Il nous fallait lui parler, de toute urgence. James approuva l’idée mais nous fit remarquer que le nuage était certainement surveillé et que nous ne parviendrions jamais à nous rendre aussi loin sans nous faire repérer.

C’est là que Robin exposa une solution à cela, qui raccourcirait largement la distance à parcourir dans la ville. La solution, c’était Enora, notre membre infiltré autrement dit. Personnellement, je doutais qu’elle accepte de nous aider après le scandale que nous avions fait au B.G.C et notre disparition soudaine. Cependant, Robin avait confiance en sa sœur et était sûr de pouvoir la convaincre. Le plan était donc de nous rendre tous les deux au quartier des affaires à l’heure de pointe, afin de pouvoir se dissimuler dans la foule et de l’attendre à la sortie de son travail, pour lui demander de contacter leur mère, afin de lui permettre de nous transmettre ce qu’elle sait.

James avait d’abord longtemps hésité à nous envoyer seuls en plein cœur du danger, mais avait fini par s’y résoudre devant notre insistance. Nous passerions bien plus facilement inaperçus à deux et minimiserions les risques et les pertes en cas de problèmes. Une fois convaincu, nous décidâmes de partir le lendemain dans l’après-midi, pour arriver à destination à l’heure des sorties de travail. Tout serait chronométré et nous ne devions pas louper Enora. Nous avions déjà préparé un sac avec quelques provisions et de l’eau et James nous avait équipé de deux poignards argentés au cas où, que j’espérais ne jamais avoir besoin d’utiliser.

Je m’endormis avec difficultés cette nuit-là et espérais que nous avions pris la bonne décision. C’était notre dernière chance de découvrir comment désactiver la faille, il ne fallait surtout pas faire d’erreurs.

Le lendemain, nous nous réveillâmes avec appréhension. Cette journée serait décisive pour l’avenir de tous les résistants, que nous représenterions à présent à travers ce dangereux voyage. À l’heure où le soleil fut le plus haut dans le ciel, nous saluâmes James et les autres et remontâmes du cratère pour traverser à nouveau le désert de terre rouge, en direction de la dune qui marquait les frontières de la cité.

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