Chapitre 14 : La fuite

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Nous avions réussi à remonter tout l’escalier avant que madame Tarot n’ai le temps de se remettre de ses émotions et de nous poursuivre, mais l’alarme retentissait toujours aussi fort et les contrôleurs n’allaient sûrement pas tarder à venir par ici. S’ils nous capturaient nous n’aurions aucune chance de nous en sortir. Il fallait fuir maintenant et en vitesse.

Je suivais Robin, qui avait de toute évidence de meilleurs réflexes que moi et trouverait une sortie. Du moins je l’espérais. Il s’engouffra en courant dans les étroits passages qui menaient aux bureaux et je courais derrière lui, mais je me rendis vite compte qu’il avançait au hasard la majeure partie du temps. Il ne se rappelait pas bien du chemin que nous avions emprunté et ce n’est pas moi qui allai pouvoir l’aider.

En revanche, je savais me faire discrète et je fus celle de nous deux qui repéra le premier contrôleur. Il arrivait d’un couloir sur notre gauche, à l’affût, cherchant la source du danger. Heureusement, je le vis à temps et repoussai Robin en arrière, dans un renfoncement du mur. J’attendis quelques secondes et jetai un coup d’œil dans le couloir. Ne voyant plus personne, je lui fis signe de sortir de notre cachette et nous suivîmes le chemin à l’opposé de celui par lequel l’homme était arrivé. D’autres contrôleurs arrivèrent en trombe et faillirent nous démasquer à plusieurs reprises, passant parfois à quelques centimètres à peine de nous.

La traversée était de plus en plus dangereuse et nous étions complètement perdus dans le dédale de portes et de couloirs qui se ressemblaient tous. Au moins une dizaine de fois nous avions pensé voir un élément familier ou un tournant que nous aurions emprunté à l’aller, mais à chaque fois cela ne nous menait nulle part. J’étais essoufflée et Robin commençait aussi à fatiguer. Nous devions nous rendre à l’évidence, ça ne servait à rien de courir ainsi dans n’importe quelle direction. Nous ne faisions que nous épuiser. Je trouvai alors un autre renfoncement et nous nous reposâmes un instant dans le coin obscur, le temps de réfléchir.

-OK, on ne peut pas continuer comme ça, dis-je en respirant fort et rapidement. Il faut une idée, une idée, une idée.

-Tu as raison, répondit-il en sueur. Réfléchissons deux minutes.

Il se mit à observer tout ce qui l’entourait, des portes, des couloirs. Que pouvait-on bien faire avec ça ? Soudain, j’eus comme une illumination et je claquai des doigts, m’arrêtant presque immédiatement et vérifiant que personne ne se trouvait dans les parages.

-Robin, viens ! Il faut qu’on rentre dans un bureau qui se trouve contre la façade extérieure du temple.

Je ne lui laissai pas le temps de répondre et m’engageai hors du coin pour traverser l’allée qui me faisait face. Tout droit, il fallait aller tout droit pour atteindre le point le plus loin du centre du labyrinthe. Robin me suivit en courant. Nous avions échangé les rôles, cette fois c’était lui qui devait me faire confiance aveuglément. J’étais sûre de mon idée. C’était le seul moyen. Par chance, la terrible symphonie de l’alarme emplissait toujours le bâtiment et peut-être que personne ne nous entendrait.

-Aélys ! s’écria brusquement Robin.

Je n’avais pas vu le contrôleur qui me fonçait droit dessus. Il sortait d’un passage à peine visible qui débouchait sur ma droite. Je poussai un cri de terreur et il me repoussa en arrière. Je heurtai le sol et il tenta de me bloquer. C’était l’homme à la casquette et aux lunettes de soleil, le même qui nous avait interpellé à l’entrée du temple. Il sembla me reconnaître car il eut un instant d’hésitation lorsque je tournai mon visage dans sa direction.

-Encore toi ! s’étonna-t-il.

Cependant il n’eut pas le temps de faire un autre commentaire et s’écroula, immobile à côté de moi.

Robin avait trouvé ce que je supposais être un extincteur version futuriste, une grosse bouteille brillante comme le clarosfène, et l’avait utilisé pour frapper le contrôleur le plus fort qu’il put. Apparemment il l’avait touché en pleine tête, car je vis s’écouler une mare de sang de sous son crâne et l’homme paraissait inconscient, ou peut-être pire.

Robin m’aida à me relever, alors que je tremblais de tout mon corps.

-Oh non… est-ce-que… est-ce-que tu crois qu’il est… mort ? lui demandai-je, également à deux doigts de l’évanouissement.

-Ce n’est pas vraiment le moment de s’en soucier, tu ne crois pas ? Toi ça va?

-Oui, oui, je vais bien.

Je jetai un dernier coup d’œil à l’homme qui gisait sur le sol et repris mon chemin, en direction du bureau le plus loin que j’aperçus devant moi.

-Suis-moi, dis-je à Robin, à bout de nerfs.

J’ouvris la porte du bureau en priant pour qu’il soit vide. Il n’y avait personne à l’intérieur. Quel coup de chance. Je me dirigeai immédiatement vers la fenêtre qui bordait le mur du fond et actionnai la poignée pour ouvrir la vitre en grand. Je passai la tête à travers et me rendis soudainement compte de la hauteur vertigineuse à laquelle nous nous trouvions. J’observais en détail le mur et m’attardai sur le petit rebord qui longeait les fenêtres. Je me tournai vers Robin et le regardai avec inquiétude.

-J’espère que tu as un bon équilibre.

Il accouru à la fenêtre et observa le trajet qu’ils nous fallait accomplir.

-Bon, eh bien… quand il faut y aller… , annonça-t-il comme un signal de départ.

Chacun notre tour, nous nous mîmes à enjamber le rebord de la fenêtre et commencions à nous déplacer sur l’étroite ligne horizontale qui faisait le tour du bâtiment et nous ramènerait jusqu’aux marches de l’entrée. Cependant l’affaire était loin d’être simple. Nous devions marcher très doucement, avec précaution et je tremblais dangereusement, morte de peur. Je me répétais qu’il ne fallait pas tomber, ne surtout pas tomber. Une chute de cette hauteur signerait mon arrêt de mort. Je fis tout ce que je pus pour prendre sur moi et avançais pas à pas derrière Robin, qui avait prit la tête de la marche. Je ne savais pas comment, mais nous réussîmes l’exploit de parvenir jusqu’au bout de la traversée. Nous avions réussi à atteindre les grandes marches en un seul morceau et étions enfin sortis de cet enfer.

L’alarme sonnait toujours, mais nous étions maintenant loin. Nous nous étions mis à courir dans la grande avenue silencieuse et vide. Le couvre-feu était tombé depuis maintenant un bon moment, tout comme le soleil et nous nous trouvions livrés à nous-mêmes au beau milieu des rues, comme deux fugitifs.

La nuit noire se rapprochait dangereusement et nous étions de plus en plus fatigués. Nous avions emprunté les tunnels, nous éclairant d’une petite lampe de poche que Robin transportait toujours sur lui. Épuisés, nous nous arrêtâmes pour nous asseoir et nous reposer un instant.

-Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? demandai-je avec désespoir. Nous sommes devenus des criminels, je n’arrive pas y croire !

Je m’adossai à la paroi du tunnel, à bout de forces, physiquement et mentalement.

-Je suis désolé, vraiment, c’est moi qui t’ai embarqué là-dedans. Maintenant nous ne pouvons même plus retourner à la maison, ils nous retrouveraient. Ils vont nous traquer.

Il enfouit sa tête dans ses mains et resta comme ça durant plusieurs minutes. Je finis également par m’assoupir, mais mon sommeil fut très léger et agité. J’entendais le terrible « Tic, Tac » qui résonnait dans mes entrailles et se montrait encore plus violent que d’habitude. Il me baladait dans tous les sens, m’emportant dans l’obscurité, de plus en plus loin.

Je me réveillai en sursaut, pleine de nausées et tentai de reprendre une respiration normale. Je regardai autour de moi et vis que Robin était déjà réveillé et se tenait debout à l’entrée du tunnel, guettant l’extérieur. Lorsque je me sentis mieux, je le rejoignis. Il était tendu et scrutait les alentours. Le soleil commençait à montrer ses premières lueurs rosées, nous permettant d’avoir un éclairage suffisant pour sortir sans la lampe de poche. Je mis ma main sur son épaule et m’adressai à lui avec anxiété.

-Et maintenant ? Qu’est-ce que nous allons faire ?

-Le soleil ne va pas tarder à se lever. Il faut que nous partions tout de suite, avant que la ville ne se réveille, il me répondit avec une froideur que je ne compris pas.

Il était pâle et ses yeux rougis. Cela me rappelait son comportement de la veille au nuage, quand je lui avais raconté ma conversation avec sa mère. Il n’était pas dans son état normal.

-Robin… est-ce-que tu vas bien ? lui demandai-je inquiète.

-Bien sûr, pourquoi je n’irais pas bien ? Il n’y a absolument aucune raison pour que je n’aille pas merveilleusement bien !

Il avait haussé le ton et paraissait très contrarié, presque en colère contre moi.

-Pardon… je disais seulement ça parce que… laisses tomber… répondis-je déçue.

-Oui c’est mieux.

Frustrée par sa réaction, je retirai ma main de son épaule et m’éloignai vers l’intérieur du tunnel. Pour je ne sais quelle raison, il était devenu très irritable et je préférais ne pas risquer de me disputer avec lui. Ce n’était vraiment pas le moment.

Il finit par me rappeler et je crus que c’était pour s’excuser, mais il me dit simplement :

-Allons-y. Il faut qu’on quitte la ville.

-Qu’on quitte la ville ? Mais pour aller où ? demandai-je dans l’incompréhension.

-Nous allons passer derrière les dunes, à l’extérieur de la cité. Je suis persuadé qu’ils n’iront pas nous chercher jusque là. En plus ils doivent avoir quelques hangars qui servent de réserves de nourriture dans ce coin-là.

-Bon, très bien. Je te fais confiance.

En réalité, je doutais de plus en plus du fait que je puisse lui accorder ma pleine confiance. Certes, il connaissait bien mieux les lieux, mais ses réactions depuis quelques temps étaient si impulsives et inattendues… Quelque chose m’échappait et je n’arrivais pas à savoir quoi. Mais cela commençait à me faire peur et j’avais comme une boule au ventre qui me rappelait de mauvais souvenirs.

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