Chapitre 15 : Un camp d’un autre âge

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Nous avions réussi à traverser tout le quartier artistique sans encombres, sans avoir croisé ni d’habitants, ni de contrôleurs. Le soleil s’était levé et avait repris sa place habituelle dans le ciel, lorsque nous atteignîmes la grande dune du côté Est de la cité, entre le quartier artistique et le quartier des affaires. Celle-ci se trouvait encore plus difficile à gravir que celle qui bordait le cimetière des souvenirs, aussi je mis un temps qui me parut infini à arriver au sommet. La terre rouge était glissante et Robin ne m’aida pas à me relever cette fois-ci. Il attendait déjà en bas, de l’autre côté et observait l’horizon. Une étendue immense et désertique s’offrait à nous. D’autres petites collines étaient visibles au loin.

Après l’avoir rejoint, nous avions marché durant au moins deux bonnes heures sans nous adresser la parole. Il faisait chaud, mais le vent soufflait plus fort par ici et nous devions parfois nous protéger le visage de nos bras pour ne pas recevoir les vagues de minuscules particules de terre qui volaient sur nous. Nous marchions vers une destination inconnue et je crains que l’objectif de mon ami ne fut de nous tuer tous les deux dans les terres sauvages, dans l’idée de nous faire pardonner nos péchés. Il semblait de plus en plus insensible à ce qui l’entourait et ne disait plus un mot.

Nous approchions d’un immense creux dissimulé en plein milieu du désert qui me fit penser à un cratère, quand je commençai à entendre un faible bruit derrière moi. Un bruit de pas, s’enfonçant dans la terre qui craquelait. Robin n’eut pas l’air d’avoir remarqué quoi que soit, car il continuait d’avancer sans paraître perturbé. Je n’étais quand même pas folle.

Je ressentis cette désagréable sensation d’être suivie et me décidai à attraper le bras de mon ami pour l’arrêter et je restai immobile, attendant d’entendre à nouveau le bruit de pas. Cependant, ce fut une voix qui répondit à mes craintes et nous nous retournâmes brusquement.

-Je peux savoir comment des gosses de Christoval se sont retrouvés ici ?

L’homme qui nous suivait avait parlé d’une voix rauque, mais pas agressive. Il portait de vieux vêtements déchirés et des chaussures de randonnée et était couvert de poussière rouge. Ses cheveux longs et sa barbe mal rasée indiquait qu’il devait se trouver ici depuis un bon moment. Mais ce qui m’étonna le plus fut son âge ou plutôt celui que je lui prêtai. Il était de toute évidence bien plus vieux que la grande majorité des habitants de la cité, à en juger par les rides qui lui traversaient le visage et ses mains à la peau fripée. Il tenait à la main une sorte de petit poignard gris argenté dans lequel se reflétaient les rayons du soleil.

Robin se posta devant moi, alors que l’homme s’avançait vers nous d’un air intrigué. Il le fixait avec une étrange expression et rangea son arme dans sa ceinture, avant de poser ses mains sur ses hanches et de froncer ses sourcils broussailleux, manifestement très surpris.

-Toi ! dit-il en pointant Robin du doigt. Je te connais petit. Tu es le fils d’Edmond n’est-ce-pas ? Bon dieu ce que tu as grandi !

Nous nous regardâmes, perplexes.

-Attendez, comment vous me connaissez ? Qui êtes-vous ? demanda mon ami avec méfiance.

-Tu ne me reconnais pas mon garçon ? En même temps c’est vrai que ça fait un bail et tu étais encore jeune, réfléchit-il. Je m’appelle James Cinekisse, j’étais un ami de ton père et son second pendant la rébellion.

Le vieil homme lui tendit la main en souriant et Robin la serra, après un instant d’hésitation.

-Vous… vous avez connu mon père ? Mais… je pensais que tout le groupe de résistants avait été décimé par les contrôleurs ?!

-Non, nous sommes quelques-uns à avoir réussi à nous échapper et depuis nous nous cachons dans les dunes. Nous avons un camp ici, juste en bas, annonça-t-il en désignant le cratère qui n’était qu’à quelques mètres derrière nous.

Robin paraissait totalement désemparé et ne sut pas quoi répondre. Il avait tout oublié de la révolte de son père, même l’identité de ses plus proches amis, qui l’avaient accompagné jusqu’à la mort.

-Mais dites-moi, que faites-vous aussi loin de la ville, nous questionna James avec étonnement.

Voyant le choc de Robin, je me dégageai de sa protection et m’approchai de l’homme aux vêtements déchirés.

-En vérité… nous avons eu quelques… problèmes avec le gouvernement et je crois que nous aurions bien besoin de votre aide monsieur, lui avouai-je.

Il m’observa d’un air attendri et se dirigea vers le cratère, en nous faisant signe de le suivre.

-Venez donc vous reposer au camp, vous me raconterez tout ça après avoir mangé quelque chose, d’accord ?

J’acquiesçai d’un mouvement de tête et entraînai Robin avec moi, à la suite de James qui marchait d’un pas assuré et lourd.

Nous empruntâmes une étroite pente creusée dans la paroi du cratère et descendîmes jusqu’en bas. Robin et moi étions ébahis devant le nombre de personnes qui vivaient ici. Nous nous attendions à seulement trois ou quatre chanceux ayant échappé à la répression des contrôleurs, mais en réalité ils étaient une vingtaine. Des hommes et des femmes de tous âges. Certains ne devaient pas avoir plus de vingt-cinq ans, alors que d’autre pouvaient dépasser les quatre-vingts.

Nous avions atterri dans un véritable camp de réfugiés, cachés et au nez et à la barbe du gouvernement, seulement protégés par la grande dune qui délimitait les frontières de la cité. De grandes tentes avaient été construites avec toutes sortes de matériaux de récupération, des draps, des bâches, des poteaux de bois… Un coin cuisine avait été installé, dans lequel une femme blonde d’âge mûr préparait une sorte de ragoût dans une énorme marmite. C’était un véritable camp de fortune.

James nous conduisit dans une des tentes à l’une des extrémités du cratère et nous y entrâmes tous les trois. Il y avait à l’intérieur une vieille table et deux bancs de bois, sur lesquels il nous proposa de nous asseoir. Une petite pile de vieux matelas abîmés traînait au fond, avec quelques duvets de camping.

James nous servit deux verres d’eau et barres de céréales qu’il conservait dans un sac en plastique. J’avais tellement faim que je me mis à dévorer l’en-cas et l’eus terminé en moins de deux minutes ; mais Robin mit plus de temps, toujours silencieux et paraissait complètement ailleurs. Je commençais sincèrement à me faire du souci pour lui. J’entamai alors la conversation avec James.

-Alors monsieur….

-Oh appelles-moi James ! me coupa-t-il.

-James, tous ces gens dehors, ils étaient tous des résistants ?

-Ah ça non. Beaucoup d’entre eux avaient été condamnés à la dématérialisation et fut une époque où nous descendions parfois à Christoval et tentions d’en récupérer un maximum, répondit-il avec une pointe de nostalgie, observant ses protégés qui s’activaient à l’extérieur, à travers l’ouverture de la tente.

Je me mis à lui sourire avec compassion.

-Donc vous les avez sauvés, vous leur avez permit de vivre loin du danger.

-On peut dire ça comme ça, mais comme tu peux le voir, nous ne vivons pas dans les meilleures conditions et nous ne sommes pas de taille à affronter les maladies ou blessures graves. On fait ce qu’on peut bien sûr, mais nous ne possédons pas les connaissances nécessaires malheureusement.

Après cela, James nous questionna de nouveau sur notre présence dans le désert de terre rouge et Robin se décida enfin à sortir des mots et m’aida à lui conter notre aventure. Nous lui expliquâmes l’attaque que celui-ci avait subi et sa perte de souvenirs, qui pouvait justifier le fait qu’il ne se rappelle pas de l’ami de son père ; nous racontâmes en détails notre passage au B.G.C, la découverte que nous avions faite sur la faille et enfin notre fuite inespérée, jusqu’à nous retrouver ici, au beau milieu des terres éloignées. James nous écoutait attentivement et finit par nous féliciter de nous en être sortis sans plus de dégâts. Il paraissait réellement impressionné par nos performances.

-Eh ben ! Quelle histoire rocambolesque ! s’écria-t-il de sa voix toute éraillée. Tu es bien le fils de ton père Robin, là-dessus il n’y a aucun doute !

Le garçon émit un petit rire que j’eus un grand plaisir à entendre et à ma grande surprise, il enchaîna la discussion.

-Cette faille dans le système, c’est mon père qui l’avait découverte. Vous me dites que vous étiez son second lors de la rébellion. Il a donc dû vous révéler ce que c’était, je me trompe ?

James se redressa sur le banc et ses yeux se mirent à pétiller, comme s’il s’apprêtait à nous confier le plus grand secret de l’univers. Il s’appuya ensuite sur ses coudes et se pencha vers nous pour chuchoter.

-Un peu qu’il me l’a dit ! ricana-t-il de sa grosse voix grave. Et vous savez quoi ? Après tout ce que vous m’avez raconté, je pense qu’il serait temps de mettre cette connaissance en pratique pour empêcher ces sales petits Syrus de s’emparer du pouvoir.

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