Un camélia bien nourri est un camélia heureux

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― Bon, tout est prêt : j'ai acheté les boissons, on a de quoi grignoter, Flo et Arthur sont en route, il ne reste plus que Julien.
 Elie passait en revue nos achats de dernière minute agglutinés sur la table de la cuisine. Il m'avait convaincu d'organiser une fête avant le retour de maman pour sortir Julien de son isolement. J'avais terminé le livre de révisions en quatre jours de travail consécutif et en étais ressorti avec une envie furieuse de décompresser. Il ne lui a pas fallu longtemps pour me faire céder. On avait décidé d'inviter nos anciens camarades de classe et nos amis les plus proches pour animer la fête. De mon côté, j'étais le préposé au son : pour la peine, ma chaine hi-fi trônait fièrement dans le salon des invités où je m'activais à régler le volume et la playlist. Lean on résonnait que les premiers convives entraient les bras chargés de softs et de hard. L'alcool allait couler à flot et c'était bien ce qui m'inquiétait : si la soirée débordait nous étions morts tous les deux. Nous avions retiré les objets les plus précieux pour les mettre sous clef mais je ne pouvais m'empêcher d'envisager le pire. Elie, lui, dédramatisait. Comme toujours. D'ailleurs, une fois les sonos réglées, je le retrouvais dans la cuisine pour servir à nos invités leur premier verre avec comme consigne de marquer leur nom dessus pour nous y retrouver en fin de soirée.

 Asma apparut dans une longue robe estivale fleurie qui réhaussait sa peau basanée et ses jambes effilées. Elle s'était maquillée d'un rouge à lèvre rouge sang et d'un trait de liner soulignant ses yeux de biche. Elle resplendissait. A son bras, Florian dont la tenue casual détonnait, et un peu plus loin, il me sembla capter la casquette vert fluo de son frère qu'il trainait dans toutes les fêtes. Après avoir salué mes camarades de classe qui se dispersaient pêle-mêle dans l'arrière-cour, le salon des invités, le hall et la salle à manger, je rejoignais le petit groupe qui s'était installé à l'extérieur, un gobelet en main. Elie se chargeait de récupérer Julien et de le ramener à bon port.

― Les vacances passent trop vite, se plaignit Arthur en jouant avec son couvre-chef.

― Tu vas faire quoi à la rentrée ? s'enquit Asma.

― Je pars sur Angers, je serai au campus des arts et métiers. J'ai à moitié hâte ; d'un côté je me dis que ce sera bien de prendre mon indépendance mais d'un autre ça me fait chier de laisser ma famille.

― Comme si j'allais t'manquer ! plaisanta Florian, Dis plutôt que ça t'emmerde que j'prenne le contrôle de la maison !

― Mais bien sûr ! J'vais dire ça à papa, on va voir ce qu'il en pense. Non mais en vrai, c'est surtout qu'avec les problèmes de santé de maman, j'aime pas être loin comme ça.

― Tu remonteras quand même de temps en temps non ? rebondit mon amie.

― Oui bien sûr ! Mais bon vu le prix des billets de train, j'rentrerai pas tous les weekends, j'aurai pas les moyens. Mais j'rentrerai aux vacances.

― C'est dommage, j'aurai bien aimé prendre ta chambre, elle est plus grande que la mienne.

― C'est mort. J'la cède à personne !

 On rit tandis que Flo prenait un air faussement offusqué. Ah ces deux-là, on pouvait dire qu'on ne s'ennuyait pas avec eux ! Les discussions repartirent bon train sur le sujet de la rentrée, des profs qu'on avait aimé ou non. Hormis Florian qui était de la même promotion que moi, le reste du groupe était de celle d'Elie. Ils me demandèrent donc naturellement comment la Seconde s'était passée pour moi et quelques conseils.

 En parlant d'Elie, je le vis trainer Julien jusque dans la cuisine, esquivant les autres convives qui s'enivraient de plus en plus. En vérifiant l'heure je me rendis compte qu'il avait tardé, il était presque 22 heures. Julien s'était sûrement montré plus récalcitrant que prévu. Les deux furent accueillis en fanfare par notre petit groupe qui commençait lui aussi à être joyeux. J'étais moi-même détendu, comme anesthésié par mon jägerbomb, je flottais dans ma chaise en rotin.

― Vous en avez mis du temps ! souligna Florian.

 Eliott eut un rire crispé, ma théorie se confirmait. Julien se ratatina dans son propre siège qu'il avait trainé pour se caler entre Asma et Florian tandis qu'Eliott se cala sur le canapé aux côté d'Arthur. Rapidement, les deux frères lancèrent un beerpong auquel je fus enjoins de participer ; si Eliott excellait, mes réflexes engourdis me rendirent plus gauche. Je perdis tellement de fois que je perdis également le compte du nombre de verres que j'absorbais. Je m'arrêtais quand ma tête tournait trop et que mon estomac me hurlait d'arrêter. Je ne tenais pas l'alcool, Eliott non plus d'ailleurs, maudite enzyme déficiente. Asma m'accompagna tant bien que mal faire le tour du jardin, mais c'était perdu d'avance, je vomissais dans ce que je pensais être un buisson quelconque sous les rires et les sifflets de mes amis. Après s'être inquiétée de mon visage "très rouge", mon amie partit en courant dans la maison pour me ramener un grand verre d'eau que j'avalais d'une traite. Mauvaise idée : deuxième vomi.

― Je suis désolé. C'est répugnant, tu devrais me laisser, lui conseillais-je penaud.

 Elle me sourit et mon cœur s'emballa. Je la trouvais encore plus ravissante sous les derniers rayons du soleil qui donnaient à sa peau une couleur ambrée.

― Je ne vais pas te laisser voyons. Tu sais, ça m'est arrivé aussi, et c'était même pire !

― Ah ouais ? Du style ?

― Du style sur le capot de voiture d'un voisin. Je ne me suis jamais dénoncée bien entendu !

― Je croyais que tu ne buvais pas.

 Son sourire s'agrandit.

― C'est vrai, mais il m'arrive d'être malade tu sais !

 Elle tira la langue et je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. Cette fille me surprenait toujours autant.

― Je vois, pauvre voisin. Enfin tu me diras, je viens de nourrir le camélia de ma mère, je vais me faire défoncer.

― Ah bah là, il est rassasié je confirme. Elle y tenait ?

― Ouais plutôt. Oh putain, j'ai la nausée...

― J'ai un remède pour ça si tu veux. Il est très efficace.

 Son air mutin ne trompait pas, elle avait une idée derrière la tête. J'arquais un sourcil interrogateur auquel elle répondit d'un petit rire. Elle jeta un coup d'œil aux alentours avant de m'entrainer dans un coin plus calme. J'étais de plus en plus intrigué, mais comme cela m'amusait, je me laissais faire. Elle s'assura une dernière fois de notre solitude pour saisir le col de mon t-shirt et m'embrasser avec fougue. D'abord surpris, je me laissais emporter par ce baiser passionné. Le cœur battant à tout rompre, je sentais une douce chaleur échauffer mon bas ventre ; heureusement que mon pantalon était ample...Ma main libre se promena sur son corps, tout en s'attardant sur la peau fine de ses épaules que sa robe découvrait, douce comme du satin. La chaleur de son corps me monta à la tête, autant que son parfum floral. Je m'amusais à dénouer sa queue de cheval haute pour m'égarer dans ses cheveux de jais. Chacune de ses caresses m'électrisaient.

 Je fus incapable de déterminer combien de temps nous restâmes ainsi à nous embrasser, mais j'eu l'impression d'avoir rêvé lorsque Florian débarqua, encore plus ivre que je ne l'étais, scandant à tue-tête Summer. A force de sautiller sur place, il renversa une grande partie du contenu de son verre dans l'herbe. Il entraina Asma dans sa danse improvisée, qu'elle imita sans broncher en riant. Je restais à les observer, incertain de ce qui venait de se produire. Je décidais de remettre mes interrogations à plus tard, me joignant aux joyeux lurons qui m'escortèrent jusqu'au salon de jardin pour que je reprenne contenance. La fête battait son plein, les gens riaient, criaient, certains étaient repartis à leur beerpong. Le monde tanguait. Et c'était parfait.

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