Chapitre 2

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En arrivant devant chez moi, mon regard se posa sur chacune des fenêtres de la façade, puis sur la porte. Pour une raison que je connaissais parfaitement, passer cette porte me faisait chaque jour un peu plus peur. Cette chose dont ma mère m'avait parlé l'autre soir lui avait attiré des ennuis qu'elle semblait à peu près gérer...

Mais qui peut m'assurer que mon grand-père et moi ne sommes pas également concernés ? Personne.

Alors oui, tout en déverouillant la porte, je m'attend au pire derrière. Une mort ? Une disparition ? Un retour ? Les trois ?

Le cliquetis m'annonçant que je pouvait désormais passer la porte sonna comme une signal d'alerte dans mon esprit.

Une boule étrange se forma dans mon ventre, à m'en donner des nausées. Ma gorge devint sèche, rendant difficile la passage de l'air. Le tout s'empira lorsque je me rendis compte que je connaissais cette sensation... Je l'avais déjà ressentis plusieurs années auparavant, avant que Papy m'annonce le décès de grand-mère.

J'avais clairement une mauvaise intuition.

Je colla mon oreille droite sur la porte, comme pour essayer d'entendre si un bruit suspect se faisait entendre. Rien.

Je regarda par l'entrebaillement de la porte. Tout était allumé, comme d'habitude. Mais même l'endroit le plus chaleureux peut cacher les pires scènes.

Enfin Mégane, pauvre abrutie va ! Rentre bordel, tu te cailles les miches dehors et en plus, y a qu'un seul moyen de savoir ce qu'il se passe...

Dans un ultime élan de courage, j'ouvris la porte en grand. Silence.

Mon regard parcoura l'entièreté de la cuisine et du salon. Personne.

Soudain, des pas dévalant les escaliers se firent entendre et je fis un saut de trois mètres en arrière sous l'effet de la peur et de la surprise.

— Mégane ? C'est toi ma petite ?

Doux Jésus ! Ce n'était que grand-père.

Il fallut que je déglutisse à plusieurs reprises pour que je puisse sortir une phrase audible.

— C'est bien moi Papy.

Et je le vis, tout sourire, venir me prendre dans ses bras. Et ce câlin agissa sur moi comme un calmant. Mes doutes, mes soupsons et mes peurs se dissipèrent instantanément.

— J'ai une bonne nouvelle, me dit-il tandis que j'enlevais mon manteau. Ta mère va venir manger avec nous ce soir !

Face à sa joie, je ne pus m'empêcher de sourire. Mais au fond de moi, mes doutes refirent surface.

¤¤¤

— C'est très bon Papy.

C'est tout ce que j'avais trouvé à dire pour combler le blanc gênant qui régnait à la table depuis une dizaine de minutes.

Je ne comprenais toujours pas pourquoi ma mère avait tenue à venir dîner avec nous, et en toute honnêté, je n'avais aucune hâte de le savoir.

Les embrouilles puaient à des kilomètres à la ronde.

Je sursauté lorsque grand-père parla :

— Je reviens mes chéries, la sauce ne va pas se remuer toute seule !

Je lâcha un petit rire qui n'avait rien de sincère. J'étais trop mal pour ça...

— Qu'est-ce que tu veux, demandais-je à ma mère quand Papy fut sortit de la pièce.

Elle me lança ce regard, celui qui donnait de la pitié aux gens qui le croisait. Celui qui dit : Je n'ai pas une vie facile, soyez indulgent.

Tu ne me la fera pas à moi.

Je le connaissais que trop bien pour savoir que c'était de la manipulation pure. Elle avait utilisé ce moyen avec Papy et Mamie pendant des années.

Je lui répondit avec un regard bien différent.

— C'est en rapport avec mon père ?

Ma question la déstabilisa un peu, je le vis à sa façon de mâcher.

Elle soupira.

— Je ne vois pas en quoi vouloir manger avec sa famille est douteux jeune fille. Et je n'aime pas tes insinuations.

Elle avait élevé la voix, elle me gueulait limite dessus. Et ça eut le mérite de m'énerver encore plus.

— Ta famille ? Parce que tu nous vois encore comme tel ? Ose me dire oui en me regardant dans les yeux et Dieu ne sera pas le seul à savoir où tu finiras.

— Tu es ma fille Mégane !

— Mais tu n'es pas ma mère ! Du moins, pas à mes yeux !

Ma remarque la fit stopper net. Elle lâcha ses couverts mais son regard, lui, ne lâchait pas le mien.

— Depuis que tu es petite, je fais tout pour te protéger de la dangerosité de ce monde ! De celui de ton père aussi !

— Et comment ? En restant enfermée dans ta chambre comme une adolescente en pleine crise ? Ne me mens pas maman, la prévins-je, parce que je pourrais limite dire que c'est moi qui t'as fais !

— Tu veux que je te dise Mégane ? Ton père a beau être le plus grand salopard de la terre, il a au moins le mérite d'avoir eu l'intelligence de se barrer avant que tu débarques !

Pardon ? Je m'immobilisa, mes pensées aussi d'ailleurs.

Il a au moins le mérite d'avoir eu l'intelligence de se barrer avant que tu débarques.

Sans même m'en rendre compte, je m'étais levée et je me dirigeais déjà vers l'étage.

— Ma petite, entendis-je Papy me dire. Où vas-tu ? Le repas n'est même pas encore terminé.

Je sentis dans sa voix de la tristesse. Les retrouvailles qu'il avait tant attendues ne s'étaient pas déroulées comme il l'espérait. Et juste à l'entente de sa voix, une partie de moi se brisa. Une de plus. Je ne voulais pas le décevoir, ni même le blesser. Mais dès demain, j'irai m'excuser. En attendant, je ne voulais pas qu'il me voit m'effondrer.

— Désolé Papy, prononçais-je difficilement. Je n'ai plus faim. Bonne nuit. Je t'aime.

Sur ce, je monta quatre à quatre les marches jusqu'à ma chambre et pris bien le soin de fermer la porte à clef derrière moi. Grand-père essaiera sûrement de venir me voir plus tard dans la soirée, mais je ne voulais pas le voir. Pas maintenant en tout cas.

Vous connaissez l'amour maternel ? Pas moi. Depuis petite, je n'ai connu que des remarques sur mon physique, mon comportement soit disant rebel ou encore des comparaisons avec des jeunes filles de mon âge. Pas un compliment. Pas une petite attention gentille. Pourtant, je ne le lui ai jamais reproché. Car comme la bonne fille que je suis, je me dois de garder mes commentaires pour moi. C'est ainsi que grand-mère m'a élevé.

Alors quand j'entend ma mère me reprocher des choses alors qu'elle ne vaut pas mieux que moi, oui, une envie plus que pressante de la gifler prend le dessus sur ma raison.

Il a au moins le mérite d'avoir eu l'intelligence de se barrer avant que tu débarques.

Elle n'avait pas le droit de dire ça.

Mes larmes de tristesse se transformèrent bientôt en larmes de colère.

Elle n'avait pas le droit de dire ça.

Je parcourut du regard ma chambre et avança vers mon bureau. Les livres, les trousses, les stylos et les cahiers. Tout vola lorsque je passa mon bras brusquement sur l'ensemble du meuble.

Elle n'avait pas le droit de dire ça.

Je pris les cadres photo posées sur une étagère. Ma mère me portait et semblait heureuse. Je n'étais qu'un bébé. Ils rejoignirent rapidement mes fournitures au sol, dans une bruit de verre cassé.

Cette femme qui prétend être ma mère n'a aucun droit de me dire ça.

Mes parfums, mon lisseur et mon maquillage s'écrasèrent sur mon parquet dans un gros bruit.

On toqua à ma porte. Peu importe qui c'est, que cette personne aille royalement se faire foutre.

Mes sanglots redoublèrent. Elle n'avait pas le droit. Je n'avais jamais mérité cela.

J'alla m'effondrer dans mon lit, la tête enfouie dans mon oreiller pour camoufler mes cris et mes larmoiement.

¤¤¤

Mon réveil sonna une première fois.

Encore un peu, on est pas à une minute près.

Une seconde fois.

Je crois que je vais pas aller en cours aujourd'hui.

Une troisième fois.

Il y a une odeur de chat mort dans ma chambre.

J'ouvris grand les yeux. Ca puait vraiment. Ma tête me tournait et mon oreiller était humide.

Qu'est-ce que ?

Puis soudain, les souvenirs de la veille me revinrent, comme une bande-annonce d'un film. Mon film.

Je m'assis lentement sur mon lit et découvris les dégâts que j'avais causé hier. Mes fournitures étaient éparpillées à côté de mon bureau. Mes cadres photos étaient entourés des débrits de verre. Et mon maquillage était cassé. Mes fards à paupières s'étaient sûrement ouvert dans la chute car des poudres de différentes couleurs étaient visibles sur le sol. Mes parfums étaient tous pétés. Et moi qui avais tant aimé leurs odeurs, ils me donnaient aujourd'hui la nausées.

J'inspira bruyamment, par la bouche bien sûr. Je ne comptais pas prendre le ridque de mourir asphyxiée. Il y a plus classe comme décès.

Mégane Bonanno.
Morte asphyxiée comme un phoque par ses parfums.
Dans quelque chose qui ressemblait vaguement à une chambre. Information peut-être incorrecte à cause du désordre.

Seigneur ! Non merci.

Je posa mon regard sur ma montre, et me rendis compte que je n'avais pas le temps de tout ranger maintenant. Je m'habilla rapidement, ayant hâte de sortir de cette chambre à gaz.

Je passa silencieusement devant la chambre à ma mère et descendis à l'étage du dessous pour me retrouver nez à nez avec mon grand-père, lunettes sur le nez et journal à la main.

Nous restâmes un moment ainsi, à se fixer.

Une partie de moi voulait lui parler, lui expliquer la raison de mon départ brutal et le rassurer concernant le désordre en haut qu'il découvrira sûrement dans la journée.

Mais une autre partie de moi me disait de prendre mon temps. Malgré son apparence joyeuse et souriante, Papy est une personne très rancunière, et le fait que je sois sa petite-fille n'y changera rien.

La raison prit le dessus et je lui souris tout en avançant me servir un verre de jus de fruit. Lorsque je me retourna pour lui refaire face, il n'était plus là. Des voix venant du salon m'indiquèrent qu'il avait allumé la télé.

Et maintenant ?

Je soupira bruyamment. Cette journée commençait mal.

¤¤¤

— Tu en es sûre, lui redemandais-je, ce qui me valut un regard noir de sa part.

— Evidemment ! Tu crois vraiment que je suis trop conne pour savoir le nom des villes qui entourent la nôtre ?

Je haussa les épaules, un sourire en coin, et me leva pour aller chercher le peau d'eau.

Je vous présente Camille Mendes, ma meilleure amie depuis le CM1. En fait, nous nous connaissons depuis la maternelle, mais c'est seulement à l'âge de 9 ans que l'on a commencé à s'apprécier.

Grande rousse à la peau pâle, elle était la fille populaire dans tous les établissements où nous sommes allées. Les filles rêvaient d'avoir son physique, les gars, eux, souhaitaient avoir son coeur mais Camille, quant à elle, voulait juste de l'espace et un minimum de liberté. Le fait qu'elle traîne avec moi, c'est à dire une fille banale, timide et quasi invisible à calmé un peu les fans. Mais elle restait très appréciée.

Puis, il y a eu le drame. Elle a radicalement changé suite à cet évènement : froide, teinture noire, fringues noires, rouge à lèvres noir. C'est allé jusqu'aux lentilles de contact noires. Beaucoup de son entourage l'ont délaissés face à ce changement flippant. Mais moi je la comprenais.

Elle est allée voir une psy, qui lui avait conseillé de méditer, de prendre des somnifères. Mais tout ce dont avait besoin de mon amie, c'était du soutien et quelque chose à quoi se tenir.

Cette chose, ça a été moi. De mon plein gré. Et cela n'a pas toujours été facile de devoir supporter ses changements d'humeur, son agressivité, sa bipolarité. Mais avec le temps, elle a guérie, et elle redevenu celle que j'avais toujours connu.

Il fallait juste croire en elle.

— Bon, tu te bouges avec le peau d'eau là ? T'es tombé dedans ou quoi ?

En parlant du loup.

Je revins à la table et remplis nos verres.

— Merci meuf, me dit-elle. Où est-ce qu'on en était ?

Je m'assis et repensa à ce que mon amie m'avait annoncé tout à l'heure.

— Tu était en train de m'expliquer que plusieurs jeunes filles avaient disparu dans les alentours d'Oyomme.

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