Chapitre 52 : Le doute.

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Dossan avait décidé de prendre le volant au retour de l'hôpital. D'abord, car il se devina plus apte qu'Alicia à conduire, mais surtout parce qu'il éprouvait le besoin de prendre les commandes. Besoin de rouler, de penser à autre chose, bien que sa tête fut envahie tout le long du trajet.

Le visage de Louis lui revint en mémoire autant de fois qu’il essaya de le soustraire. Il l’avait accueilli si froidement… Avait-il seulement fait quelque chose pour que sa présence le dérange à ce point-là ? Et ces sous-entendus… La maladie. Elle répondait à tout. La folie également. Grande copine de la paranoïa, elle s’accompagnait parfaitement de la jalousie.

“La maladie”, Dossan l’avait toujours eu aux bouts des lèvres pour excuser ses comportements déviants. Ce n’était pas son état normal. Il le savait. Autant concentré dans ses pensées que sur la route, il se le répétait. Il y croyait dur comme fer : Louis n’aurait pas voulu ça. Mais son ami avait-il encore conscience de quelque chose ? Selon les médecins, la crise durerait encore un temps. Ce dernier ensuite se stabiliserait. Il pourrait essayer un nouveau traitement.

Serait-ce suffisant ? Les médocs ne l'emmèneraient-ils pas encore plus loin ? Un pli au milieu du front, Dossan n’arrivait pas à se détacher de cette image. Il la rejouait, redessinant le sourire perfide qu’il lui avait affiché, ce regard fallacieux… Louis l’avait trompé si facilement. S’il pouvait lui faire croire en un battement de cils qu’il revenait à lui, alors de quoi d’autre était-il capable ?

Un coup d'œil vers sa meilleure amie et il se recentra sur la route.

La fin de l’après-midi descendait dans le ciel quand ils arrivèrent à bon port, Alicia demeurant silencieuse. Plus aucun déplacement n’était prévu. Le temps ne s’y prêtait plus non plus, refroidi après une belle journée. L’évolution de celle-ci avait été de l’ordre de leur humeur. Tout était devenu gris, les efforts pour redonner un peu de peps à Alicia, envolés. Parfois, il valait mieux accepter que tout ne pouvait pas se dérouler parfaitement. Dans ces instants, rentrer à la maison apportait le réconfort suffisant. Dans le dos d’Alicia, le bruit des clés rappela à Dossan qu’il n’était pas chez lui. Un jour, peut-être, aurait-il sa propre maison ? Peut-être y vivrait-il avec une autre compagne ? Pour le mot “autre”, il se flagella.

Si cela arrivait, ce serait forcément avec une autre. Combien de fois n’avait-il pas espéré recevoir un coup de téléphone ? Rêver qu’elle se montrait au pas de la porte ? Cauchemarder qu’ils se retrouvaient pour mieux se quitter au réveil ?

Aucune de ces songes n’allait se réaliser.

Instinctivement, il suivit Alicia, exécuta les mêmes mouvements en se débarrassant de sa veste, puis de ses chaussures. Le confort avant tout, même dans les situations de crise. Il la suivit dans la cuisine. Leur escale à l’hôpital avait tout changé entre eux. Elle s’était refermée, ne lui laissant plus la chance d’entrevoir son visage derrière ses mèches blondes.

Embarrassée de la situation, elle se jeta sur les tâches quotidiennes :

  • … Bon, les courses, lança-t-elle gauchement.

Le temps de le dire, l’agitation l’avait déjà mené aux sacs. Elle attaqua le premier rapidement, chaque chose volant à sa place sans aucune réelle organisation. En attrapant le deuxième, celui-ci se renversa à moitié sur la table. Vite, elle ramassa les paquets à mettre dans le frigo, les y plaça, renouvela les mêmes gestes.

L’ouverture des tiroirs s’enchaîna, de même des ronds qu’elle effectuait. Transformée en tempête, elle n’arrivait pas à s’arrêter.

  • Al…
  • Les boissons, je vais les stocker à la cave et…
  • Alicia.
  • Quoi ?!

Une boîte de conserve dans une main, un rouleau de sopalin dans l’autre, elle se retourna vivement pour lui faire face. Elle avait le nez retroussé, comme le peu de fois où il l’avait vu en colère. En croisant son regard, le sien s’embruma. Il nota la manière dont ses jambes tremblaient.

Tout son front se plissa en même temps qu’elle ramena les éléments à sa poitrine, ne lui laissant pas le temps de se prononcer :

  • Je ne… veux pas en parler.

Il lui trouva une voix fatiguée. Celle-ci s'essouffla lorsqu’elle s’abandonna, ses bras devenus ballants. Les regrets la firent grimacée.

  • Désolée. Je n’aurais pas dû te laisser venir voir Louis.
  • … Pourquoi ? Je voulais t’accompagner, répondit-il en laissant entendre qu’il ne comprenait pas.
  • Mais enfin… ! Parce que… Tout ça…

La façon dont ses doigts crispés gigotaient au niveau de sa tempe montrait à quel point elle n'avait pas les mots.

Dossan aussi chercha les siens.

  • Même si tu n’avais pas voulu, je serais allé le voir de moi-même, trouva-t-il.
  • … Il t’aurait fallu mon autorisation.
  • J’aurai insisté. Tu me connais.

Oui. Tous deux se savaient.

  • Alors, valait mieux que ce soit ensemble. Puis, tu sais… débuta-t-il en tapotant le plan de travail. Je voulais savoir combien de bières je mets au frais ?

Surprise, une lueur réanima Alicia. D'un geste, elle replaça sa chevelure en arrière. Un rire étouffé marqua sa confusion.

  • Oui, hum… réfléchit-elle en attrapant le pack de canettes. Quelques-unes, je suppose.

Les bras chargés, elle se dirigea vers le frigo. Dossan se chargea de lui ouvrir la porte. Libre, sa main rejoint la sienne, encore sur la paroi froide. À ce contact, elle rangea ses doigts à des endroits plus sûrs. Ce que Louis avait osé prétendre lui arracha des bouts de son esprit. Tournée vers lui, la pensée s’était insinuée, le doute installé. Sans plus attendre, elle se vit tirer dans ses bras. Tout contre lui, Dossan la serra, ne craignant pas de surpasser le malaise. Il ferma les yeux, inspirant. Alicia y répondit à peine, pourtant touchée, avant de laisser sa joue s’écraser contre son épaule. Elle y sentit l’odeur du réconfort. De là, le câlin ne s’éternisa pas.

Amicalement, il lui claqua une pichenette sur le front. Aussitôt, la blonde essaya de lui rendre la pareille. Dossan esquiva ses tentatives. Il attrapa un élastique traînant et lui lança à la figure. En plein dans le mille, il éclata dans le rire.

  • Aïe !! Mais toi… ! Tu vas voir…

Clac.

L’élastique lui claqua entre les doigts. Satisfait que sa vengeance tombe à l’eau, Dossan lui sourit tendrement.

Un moment, ils s’envisagèrent. Suffisamment, pour qu'Alicia redevienne la jeune femme préoccupée. Dès que le silence s'installait, les démons grandissant dans sa tête la rattrapaient.

  • Tu es bête, souffla-t-elle.

Pas moins que toi, pensa-t-il en son for intérieur. Il creuserait plus tard. Aussi épaisse sois sa carapace, trop lourde, elle ne servait plus à rien. Ces brefs instants n’en restaient pas moins réels.

L'unique présence de Dossan lui rendait un peu d’elle-même.

  • Alors, à quelle heure on prépare les pizzas ? le questionna ce dernier. Il va être temps qu’on mette la main à la pâte, cheffe !

Elle en avait conscience et décida de lui faire confiance.

  • Bien, cuistot … répondit-elle en amenant ses poings au-dessus de ses hanches. Je te laisse préparer les ingrédients…
  • Alors, tu me laisses sans surveillance ? Fais gaffe à l’empoisonnement, cheffe !

Alicia leva les yeux au ciel, puis s’engouffra dans le salon.

  • Je vais juste chercher de quoi nous mettre un peu de musique.
  • Si ce n’est que ça, alors ça me va.

Cuisiner en chanson… Voilà une chose qui datait également dans le quotidien de Dossan, ainsi que le fait de se préparer un vrai repas consistant. En voyant Alicia revenir avec quelques CDs, il se glissa à ses côtés devant l'appareil.

  • Ça, c'est non, déclara-t-il en déplaçant le premier album des Raven’s et en l’échangeant pour un autre.
  • Même pas drôle, s'en alla Alicia. On le mettra après !

Cette fois, il fut celui qui roula des yeux. La musique ayant ce pouvoir d'apaiser les cœurs, ils préparèrent les pizzas dans une bonne ambiance, le rock des années 2000’ en fond.

  • N’en mets pas autant ! s’écria Alicia, tandis que la première pizza cuisait dans le four.
  • Pardon ? répondit Dossan, offusqué. Tu peux toujours courir, ma vieille.

Allégrement, il continua d’agrandir la montagne de fromage. La blonde lui cogna l’épaule avant de se faire une raison.

  • C’est toi qui la manges celle-là !
  • J’y compte bien… rétorqua-t-il en lui tendant sa main.
  • Abruti…

Dossan se dandinait. Il s’était trouvé une nouvelle passion : danser en cuisinant. Joueur, il la fit tourner. Alicia se prêta au jeu. Enfin, elle riait sincèrement. Leur complicité retrouvée, ils se chamaillèrent le temps de pouvoir s’attabler.

Le tablier accroché en cape dans son dos, à la superman, Dossan apporta les pizzas à table. La sienne débordait de fromage coulant. Il dévora la première part tel un ogre affamé depuis des jours. Un spectacle plaisant à Alicia qui se moqua gentiment de son allure.

  • Quoi ? Chew trô bon, marmonna-t-il, des fils pendant jusqu’à son menton.

Elle fit de même, sans aucune retenue. Juste le temps d’un repas, ils redevinrent des jeunes de leur âge. De ceux qu’on voyait dans les films, étudiant à l’université et dont ces moments étaient devenus des rituels. Ils auraient pu en profiter tellement plus longtemps et se lancer seulement à cet instant dans le monde adulte. Leur vie à eux ne ressemblait en rien à ce chemin. Après leur douche respective, ils s’ouvrirent à nouveau des boissons. Dans l’évier coula la mousse des bières malmenées. La fête n’en finissait pas, même en pyjama.

  • Vite, vite, vite… s’en alla Do’ en lui collant la canette sur les lèvres.
  • Hum !

Mort de rire, il arrondit les yeux quand elle s’étouffa. Ils s’affalèrent tous deux dans le fauteuil, repus, propres et enlisés dans les effets de l’alcool.

  • Santé !

En grosses gorgées, Dossan but l'entièreté de sa canette.

  • Haaa ! Ça fait du bien ! s’exclama-t-il, la nuque écrasée contre le dossier.

Le lecteur CD tournait toujours. Du coin de l'œil, il vit la jolie queue blonde d’Alicia, assise en tailleur, se balancer de droite à gauche. En levant les mains vers le plafond, le reste du corps étalé jusqu’au tapis, il chanta par-dessus sa propre voix. En cœur, le couple d’amis s’écria dans la maison.

  • Je l’adore celle-ci, souffla Alicia, autant extatique que nostalgique.
  • … Pas les autres ? Je vais me vexer.

Dossan se leva, l’objet métallique comme micro, et balaya la pièce de son doigt, les muscles tendus, les jambes écartées, en star qu’il était. Les cheveux au vent, exagérant chacun de ses mouvements, suivant les bruits lourds de la batterie qui s'abattait pour le final. Chacun avait des baguettes imaginaires en main, une énergie monstre à revendre.

  • Pa ! Pa ! Pam !

Clap de fin en beauté.

  • Ouais, une tuerie, résonna sa voix quand la chanson prit fin. Le bon vieux temps, dit-il en allant chipoter à la radio.

Il arracha le CD au lecteur. Depuis le canapé, Alicia marqua un temps. Elle l’observa en train de lire l’arrière de la jaquette. Il en glissa un autre à la place, un titre plus doux joué, délaissant la chanson qui avait autrefois propulsé son groupe.

Quand il se rassit à ses côtés, Dossan ne passa pas outre le regard soutenu de son amie. Ce dernier sourit maladroitement.

  • Tu regrettes… ?

Il n’y avait plus que le goût de la bière dans sa bouche. Amer. Il se demanda comment répondre.

  • J’aurais bien continué encore une ou deux années.

Ainsi, avait-il décidé d’éviter le sujet. Un genou replié contre sa poitrine, la boisson en main, Alicia jouait avec l’ouverture de sa canette.

  • Il n’y avait pas moyen de recruter de nouveaux membres ?
  • Si, mais… Je ne m’y voyais pas. C'est comme ça. Tout change.

À nouveau, il se saisit de l’album pour le contempler de plus près. À ses côtés, Alicia se replia totalement, passant également les titres en revue. Cette aventure avait été tellement décisive et symbolique que Dossan ne pouvait l’imaginer avec d’autres personnes que les membres initiaux. Il atterrit dans le passé, le pouce calé sous une chanson en particulier : “Makes me fall in love”. L’innocence dont il avait fait preuve le fit frissonner, agité, peiné,... Après des années, il s’était fait une raison. Jamais, il ne l’oublierait, quitte à marcher seul pour le restant de sa vie. Transpirant la douleur, Dossan préféra reposer l’album. Aussitôt, il le remplaça par la boisson. Elle au moins, lui tenait compagnie.

Ils les enchaînaient.

D’un geste, Alicia abaissa son bras, l’empêchant d’en finir une autre. Le regard qu’il lui imposa l’obligea à se sentir minuscule. Il avait tellement de peine.

  • L’amour… , souffla-t-il, son haleine empestant la solitude. C'est…
  • … Compliqué, confirma-t-elle.

Au silence, s’ajouta une coupure de courant. Le noir mêlé au calme, et étourdi, Dossan eut l’impression que la mort l’avait frappé. La lumière de la lune donnait sur le salon au travers de la porte-fenêtre. Alicia s’était figée, assez de temps pour qu’il en dessine les contours.

  • … J’ai eu peur. C’est dans tout le quartier ?

Tirée par le bas de son t-shirt, elle retomba dans le fauteuil. Déstabilisée et imbibée, même au travers de l’obscurité, elle ressentit l’ambiance s'épaissir autour de Dossan. Elle trouva aussi bientôt sa silhouette, ses yeux éclatants dans la nuit.

  • Restons ainsi, déclara-t-il soudainement.

Assis chacun dans l’angle, leurs genoux se cognaient. Le cœur d’Alicia s’emballa face à la réalité qui lui pendait au nez.

  • Comment… ça ?
  • Parle-moi.

Cette voix quémandeuse, elle préféra la nier.

Elle secoua la tête.

  • Tu sais que… j’ai compris ?

Alicia resserra ses doigts sur ses rotules. Elle les planta entre ses muscles. Évidemment qu’il avait compris. Qu’elle se taise ou non, s’il y avait quelqu’un pour deviner, c’était bien Dossan. Ce dernier croisa ses jambes aux siennes. Il se rapprocha pour attraper ses mains qui instantanément s’accrochèrent.

  • Ce n’est pas à moi que tu cacheras les signes. Je sais ce que c’est. Je l’ai vécu. Ma mère l’a vécu, appuya-t-il.

Au-delà d’un faible reniflement, ses joues reluisantes la trahirent. Il apercevait maintenant tout son visage, ses lèvres trempées par les larmes.

  • … Tu sais ce que tu dois faire, non ? Tu sais que tu ne peux pas le laisser te faire du mal.
  • … Non… émit-elle à peine.
  • Non ? demanda-t-il d’une voix douce.
  • Je ne peux pas…

Au plus sa poitrine se souleva, au plus ses phalanges devinrent douloureuses.

  • Je ne peux pas faire ça.

Les flashs des valises sorties frappèrent Dossan. Elle avait tout rangé dans la maison, sauf les traces de Louis, sauf les bouts de vie de Kimi. Dans sa tête, c’était déjà fait. Il ne manquait plus que le geste. Contrôlant ses sanglots, Alicia baissa pitoyablement la tête.

  • C’est mon mari, lâcha-t-elle durement.
  • Ma mère aussi, c’était son mari.
  • Ce n’est pas pareil, il…
  • Il n’était pas malade, je sais. Mais Alicia, combien de fois n’ai-je pas entendu…

La gorge nouée, il se stoppa. Le pire n’avait jamais été d’entendre sa mère crier. Le pire s’était toujours envisagé quant au contraire, cette dernière n'émettait plus aucun bruit. Avec le temps, Dossan avait appris à écouter, ne serait-ce que pour vérifier qu’elle était encore en vie. En réalité, sa mère s’obligeait au silence pour que son fils n’entende pas le poids de son père sur son corps. Jusqu’à ce qu’un jour, elle finisse par se taire à tout jamais.

  • … Quand je ne l’entendais plus, combien de fois, je n’ai pas eu peur qu’elle soit partie, qu’elle ait succombé à ses coups, … Alors qu’il abusait d’elle.
  • Arrête…
  • Alicia.
  • Arrête !!

Elle éclata en pleurs.

  • Je ne peux pas faire ça ! Je ne peux pas… ! s’écria-t-elle. L’abandonner à son sort et… C’est Louis… C’est… pas lui, ça. Lui, il ne ferait pas ça.

Tout était confus dans sa tête. Elle attrapa celle-ci entre ses deux mains, chifona sa chevelure, pliée en deux.

  • Il ne ferait pas ça, souffla-t-elle, dépitée. Louis n’aurait jamais fait ça… mais… il est…

De frustration, de colère, de toute sa peine, elle tapa du pied, exclamant une immense plainte. Quand elle essaya de se lever, Dossan fit de même. Il eut à peine à pousser sur ses épaules pour qu’elle reprenne place.

  • Tu ne le laisses pas, lui murmura-t-il le plus doucement possible. Tu prends juste la distance qu’il faut pour te protéger toi et ta fille. Je sais que tu en as conscience. Que, peu importe ce qui reste de Louis derrière la maladie… Si cela continue…
  • Oui, je sais.

Son ton changea, plus abrupt, endurci par la froideur, la rancœur.

  • De toute manière… Je le déteste.
  • Al…
  • Je le hais, couina-t-elle, sa moue se déformant.
  • Ce n’est pas vrai…
  • Si ! C’est ça… sanglota-t-elle. C’est ça la vérité ! C’est que je ne peux plus… Je ne peux plus le voir en peinture, ses crises, ses colères… Et à chaque fois, il me dit que ça va marcher ! À chaque fois, il me redonne l’espoir ! L’envie d’essayer…
  • Alicia, shhh…
  • Alors que tout ce qui finit par arriver, c’est qu’il devient fou ! Qu’il m’attrape et je… je ne peux rien faire… Parce que je l’aime !! Je l’aime tellement, mais en même temps je le hais !! Je le hais ! Je ne veux plus qu’il me touche ! Qu’il me regarde… qu’il me…

“Il me fait tellement de mal”. Ces derniers mots s’évadèrent en cascade.

  • J’ai trop mal, répéta-t-elle, oubliant un long gémissement.

Plus fort, elle rechigna. Le poids de la décision la pliait en deux. Quitter Louis revenait à abandonner tout ce en quoi elle croyait. Rien ne serait simple à partir du moment où elle s’en éloignerait.

  • Je t’aiderai.

Il la vit se décomposer.

  • … On était si heureux…
  • Je sais…
  • Je l’aimais tellement, craqua-t-elle, à cœur ouvert.
  • Je sais, faiblit-il à son tour. Je serais là, dit-il en l’attrapant dans ses bras. Je te le promets. Je reste avec toi.

Cachée sous l’étreinte de Dossan, elle abandonna le peu de fierté qui lui restait. Les mains qu’elle abandonna de son dos s’avérèrent glaciales. Il les entoura encore, voulant la réconforter, se montrer présent ... “Et maintenant ?” En découvrant sa tête basse, la respiration lourde, dépouillée de tout, il la trouva misérable. Aussi misérable que lui-même. Il essaya de récupérer son regard en entourant sa joue, mais si peu. Coupé par la douleur, tel un miroir, il se vit. Les larmes coulaient en silence, le long de ses joues, de son cou. Après la tempête, venait toujours le calme. Un calme dangereux, ravageur. Il s’attarda sur la forme de sa bouche dans le noir. S’il faisait un mouvement… Alicia se pétrifia, les yeux plantés dans les siens. Peut-être pouvaient-ils réparer les dégâts ? Elle se projeta, reculant d’un millimètre quand il avança du même. L’agitation reprit sous leurs respirations soudainement accélérées. Quand Dossan glissa entièrement ses deux mains dans sa chevelure, cela lui fit un mal de chien. Peu importe ce que lui hurlait sa raison, le corps bougea de lui-même, ses lèvres sur le chemin des siennes. La caresse aussi douce que éprouvante les emporta sur le fauteuil où de gestes méticuleux, ils se déshabillèrent, enchaînèrent, maladroits, un acte qui n’avait jamais été aussi douloureux que cette pensée, ce doute devenu réalité.

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