chapitre 35 (1)

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Vincent, tout juste arrivé, posa un baiser sur la joue de son hôtesse, rassuré par son apparente bonne santé. Mais dans le salon, en présence des quatre femmes assises sur les sofas, il comprit qu'il serait encore question de sa sœur. Ade lui avait pourtant promis qu’il n’en entendrait plus parler. Il salua, comme s'il trouvait la situation des plus naturelles :

— Bonjour, Paulette. Comment allez-vous ?

Ignorant Elizabeth et Évelyne, il s’éloigna vers la fenêtre, mâchoires serrées et bras croisés.

Adelina l’interpella :

— Vincent ?

Son tout petit se tenait à l’écart, comme mis en accusation par les autres. Elle aurait aimé le réconforter comme quand il était triste, adolescent, mais déjà à l’époque il se laissait rarement aller à accepter ses élans de tendresse. Encore une fois, elle prononça son nom, doucement :

— Vincent ? Dis-nous ce qu'il s’est passé la nuit où tu as ramené Evelyne.

Comme autrefois, se sentant acculé, il tenta une attaque :

— Il s’est passé qu’on m’a appelé pour aller chercher ma sœur qui venait de faire une overdose.

Méprisant, il désigna Évelyne du menton.

— Elle baignait dans son urine. Il s’est passé que je ne voulais pas la prendre, que je voulais appeler les pompiers, mais qu’ils m’ont dit qu'elle avait chargé à mort la fille du préfet, qu’elle passerait sa vie en prison. Ils l’ont foutue à l’arrière de ma voiture. J’ai pensé à la clinique de Cecina, je l’ai emmenée là-bas et mon avocat s’est occupé d’arranger la confidentialité. Voilà ce qui s’est passé. Le lendemain, ils ont rappelé pour me menacer de ruiner ma carrière si je laissais Évelyne réapparaître.

— Et l’autre fille ? Tu ne t’es jamais posé de questions ? Jamais eu de remords ?

— Quoi ? Non. Il me semble que j’en avais assez fait.

Adelina se tourna vers Paulette Massenet :

— Paulette ? Que s’est-il passé après en France ?

— Pour Cécile ? Elle a disparu, il y a eu une enquête, un avis de recherche, mais comme elle était majeure et qu’elle avait déjà fugué, ils n’ont pas cherché bien loin… J’étais à l’enterrement, dans la chapelle du château. Le cercueil était fermé.

Un silence accueillit sa déclaration, le temps que chacun arrive aux mêmes conclusions. Paulette compléta :

— Ils ont hérité de tout.

Évelyne s'empara de la parole, pour défendre les Quenaille que personne n’avait nommés :

— C’était prévu : j’avais eu un accident de moto deux ou trois ans avant, et LP voulait protéger le château si je disparaissais. On a rédigé un acte avec le notaire où il s’engageait à s’en occuper. Pendant vingt ans. Je devais être enterrée dans ma roseraie.

— T’as gagné ! C’est encore mieux, t’es dans une chapelle, dis donc…

Évelyne ignora la remarque acerbe de Vincent :

— Mais alors, je ne suis pas recherchée ?

— Mais pauv’cloche ! TU ES MORTE !

À l’appui du cri exaspéré du frère, Elizabeth sortit le certificat de décès et le posa délicatement sur les genoux d’Évelyne.

Au même moment, la sonnerie du téléphone de la pièce voisine retentit. Adelina se précipita.

— Ma pépète, ça n’a pas tardé et j’ai du lourd !

Sous l'excitation, l'homme du monde avait retrouvé la gouaille du gamin des rues du temps où ils s’étaient connus, avant qu’il ne devienne enquêteur pour les juges anti-mafia :

— J’ai un gosse, un repenti que j’ai renvoyé au vert par chez lui, figure-toi qu’il est gendarme... Bon, bref : le gosse me dit que ton château, c’est un vrai lupanar… le rendez-vous de tous les détraqués et autres échangistes du coin, mais version notables de province : préfet, médecin, avocat. Et ton Évelyne, elle a fait partie du noyau dur, si j’ose dire. La petite Cécile, son père y était encore la veille de sa disparition… Qui sait s’ils ne se sont pas croisés dans le noir... Enfin, elle était connue pour être camée jusqu’aux yeux, la petite. Il n’y a que sa mère qui n’était au courant de rien. L’affaire a été vite réglée : fugue supposée, circulez y’a rien à voir. Les condés auraient voulu creuser un peu, ça fait un moment qu’ils essayent d’épingler les… attends…

— Quenaille.

— Oui, c’est ça, quel nom… Mais ils n’ont rien. Pas moyen d’obtenir une perquise. La mort d’Évelyne Rugani est passée comme une lettre à la poste. Et les Quenaille, ils tiennent tout le monde. Qu’est-ce que tu vas faire, beauté ?

— Je ne sais pas, Marco, vraiment je ne sais pas. Merci, merci beaucoup. Je passerai te voir à Rome bientôt et nous irons dîner tous les deux.

— Promis ?

— Promis. Il faut que je te laisse. Au revoir, mon ami.

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