Prologue

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Vendredi, 2h48 du matin.

Le bar était inondé de monde. La musique battait à son plein tandis que des personnes complètement saoules se déchainaient sur la piste de danse. La lumière multicolore typique des discothèques tournoyait sur toute la superficie du bar. Ce dernier, du nom de Freddy, n’était pas le plus branché, ni le plus populaire des bistrots, mais ça n’empêchait pas les gens de se retrouver pour se défouler de leurs longues journées épuisantes. Aussi, contrairement aux autres, Freddy offrait des prix de collation deux fois moins chers, accompagnée bien sûr de bons petits plats faits maison. Avec un tel principe, il ne pouvait pas rester ouvert pendant longtemps, et pourtant, il existait depuis déjà cinq ans. Malgré les prix bas, il accumulait un nombre incalculable de clients, chaque nuit était plus bondée que la précédente.

Quant à la décoration, étant donné que les consommateurs préféraient y faire un tour la nuit, le propriétaire avait fait peindre les murs en noir, afin de préserver la sombreur du bar, et l’avait cassé avec des chaises rouges et des tables blanches en bois. Il fallait avouer que ce style attirait beaucoup. En revanche, il avait décidé de laisser les murs vierges ; pas de tableau, de stickers, ni de pots de fleurs sur une étagère. À la place, il avait mis à disposition des stylos à gel blanc et laissé la clientèle écrire ce que bon lui semblait ; les citations étaient toutes incroyables, allant de rien jusqu’à la plus belle philosophie jamais écrite.

Ce qu’il faut savoir, c’est que Freddy a deux vies ; café le jour, bar la nuit. L’ironie c’est que les prix sont comme les autres bistrots le matin, par baisse de clientèle, puis, le soir quand la moitié de la ville est présente, les prix diminuent, ce qui incite les gens à vider leurs poches encore et encore.

C’était le cas de Katherine Leavy, une jeune femme blonde dont le joli petit minois invitait les hommes à l’interpeler, sauf qu’ils finissaient par se lasser face à son silence. Lorsqu’un énième homme prit congé, elle commanda son troisième White Lady. Un nom de cocktail qui se mariait parfaitement avec son apparence. Bien qu’âgée seulement de 22 ans, elle était vêtue d’une robe midi à col revers rouge, accompagnée d’escarpins dorés. Ses cheveux étaient coiffés d’une natte sur le côté et un serre-tête, orné de perles blanches, retenait ses mèches rebelles. On dirait une vraie bourgeoise.

« Tu devrais arrêter, Kate. Dit la barmaid en lui tendant un verre d’eau à la place.

-Donne-moi mon White Lady, Karen ! Rugit la concernée, sa voix s’éleva, mais personne ne l’entendit à cause de la musique, elle reprit son calme. S’il te plaît, j’ai besoin de ce verre.

-Et moi je dis que tu as besoin d’un bon bain froid pour te rafraîchir les idées. Regarde-toi, une femme aussi élégante que toi ne devrait pas être assise dans un bar, seule en sirotant un cocktail alcoolisé et discuter avec une barmaid.

-Eh bien, figure-toi que la personne censée être à ta place m’a posée un lapin…Encore. Dit la blonde en buvant le verre d’eau.

-Ça fait combien de temps que tu le connais ?

-A peine une semaine.

-Et tu crois qu’un homme que tu connais depuis « à peine une semaine » vaut la peine que tu te fasses du mouron pour lui ? »

Katherine se tut et contempla la femme en face d’elle. Depuis son arrivée à Londres pour poursuivre son rêve de devenir peintre, la blonde n’arrivait pas à se trouver une place dans la société. Au conservatoire, la plupart lui tournait le dos. Au début, elle croyait que c’était à cause de son accent irlandais, mais au fil des mois, elle comprit que c’était plus son nom de famille qui posait problème. « Leavy » était une famille d’origine aristocratique, la raison de ses goûts vestimentaires. C’était la « paria » du département, elle parlait dans un langage soutenu et poli, très poli, c’est pourquoi la plupart se moquait d’elle. Ainsi, lorsqu’elle s’était faite dupée la première fois, elle voulait oublier. Un soir, elle s’était rendue à ce fameux bar par pur hasard et c’était à ce moment-là qu’elle avait rencontré Karen. Cette dernière, voyant sa bouille déconfite, lui avait proposé un White Lady et depuis ce jour, à chaque fois ça allait mal, Katherine Leavy se présentait au Freddy et buvait ce cocktail étrangement blanc.

Karen Davies, une belle femme âgée de 28 ans. Ses longs cheveux châtains ondulés, lui arrivant jusqu’aux creux des reins, adoucissaient ses yeux ténébreux tandis que sa peau aussi blanche que le lait faisait des envieuses, dont Katherine. Cette dernière la trouvait magnifique, mais n’attirait pas vraiment la gente masculine, peut-être à cause de son regard sombre ? Ca faisait cinq mois que la jeune aristocrate avait débarqué à Londres, et depuis trois mois, Karen était son réconfort émotionnel ; elle l’écoutait se plaindre pendant des heures, lui jetait des conseils ici et là et gardait toujours le sourire en sa compagnie. Au fond, Katherine se disait que c’était son rôle de vendeuse qui l’obligeait de faire preuve de tant d’empathie, mais préférait taire cette petite voix. Pour l’instant, Karen était son seul refuge à Londres, la seule qui la traitait comme une vraie personne et à la tutoyer.

« Katherine ? Retentit la voix de la barmaid. Ça va ?

-Hein ? Euh oui, oui je vais bien.

-Ca fait cinq fois que je t’appelle, t’es sûre que tu ne veux pas rentrer chez toi ? Il est trois heures du matin.

-Oui…Oui, je vais faire ça. Donne-moi l’addition s’il te plaît. »

Katherine sauta sur ses pieds et paya ses commandes. Elle salua Karen du revers de la main en refusant qu’elle appelle un taxi, certes, la jeune blonde n’avait jamais autant bu d’alcool, mais elle était certaine qu’elle n’était pas saoule comme Karen le pensait. Pour une novice, elle contrôlait bien l’alcool. Elle s’apprêta à ouvrir la porte, mais celle-ci s’ouvra sur une femme d’à peine trente ans, d’une peau brune et des cheveux frisés ébène, une vraie tignasse de lion. L’inconnue s’excusa et laissa passer Katherine qui hocha de la tête avant de quitter le bar.

La nouvelle cliente alla s’asseoir au comptoir où Karen la salua avec un large sourire. Depuis combien de temps ne l’avait-elle pas vue ?

« La chère Kaylani daigne enfin montrer le bout de son nez ! Plaisanta la barmaid.

-Haha, c’est vrai que ça fait longtemps que je ne suis pas passée.

-Depuis que tu t’es trouvé un homme, oui.

-Karen ! Arrête, tu vas me faire rougir, haha !

-Comme d’habitude ? Demanda la jeune femme en prenant déjà un verre et une bouteille de vodka.

-Comme d’habitude, Karen. Répondit la brunette avec un sourire serein. Comment va ta mère ?

-Rien ne change. Soupira-t-elle en finissant de remplir le verre. Parlons plutôt de tes vacances en amoureux, haha.

-Ne t’en fais pas, je vais tout te raconter en détails.

-Les détails, tu me les laisseras pour une prochaine fois, mon shift est presque fini.

-Très bien, alors seulement en surface. »

Les deux femmes rigolèrent. Karen annonça à son collègue, Josh, qu’elle sera occupée pour les vingt minutes qui lui restaient et prit place à côté de son amie. Cette dernière lui raconta son aventure avec son beau blond en pleine méditerrané. Elle le lui avait décrit comme étant un homme responsable, doux et attentionné. Il travaillait en tant que sous-directeur dans l’entreprise de son père, il n’était que question de temps pour obtenir une promotion et prendre le poste de directeur général. Blond aux belles bouclettes, elle le surnommait « boucles d’or », il détestait ça. Comme Karen l’avait deviné, c’était un homme qui passait son temps libre à la salle de sport, un critère indispensable pour Kaylani.

« Il n’est pas comme les autres. Poursuivis Kaylani avec un air rêveur. Tu sais que je ne suis pas le genre à sauter sur le premier venu, mais celui-là, je ne crois pas que je pourrais le laisser filer.

-Prend ton temps. Répondit Karen en souriant tendrement avant de jeter un coup d’œil sur sa montre. Oops, faut que j’y aille, le soleil ne va pas tarder à se lever.

-Je t’accompagne. »

Elles sortirent du bar, laissant les jeunes s’amuser jusqu’au petit matin. Ce n’est plus de leur âge tout ça. Elles marchèrent ensemble dans les rues londoniennes, puis se séparèrent dans la gare.

« On se reverra bientôt. Déclara Karen en tenant fermement les mains de son amie.

-Je te le promets. Répondit Kaylani en l’enlaçant. »

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