Quitter le nid

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Les silhouettes déambulaient sous ses yeux fatigués, semblables à des fantômes. Leur ballet incessant donnait le tournis à la fillette. Elle, qui était si peu habituée à se trouver parmi ses congénères, ressentait une forte sensation d'étouffement dans la poitrine.

L'idée de revenir sur ses pas l'effleura un bref instant, aussitôt remplacée par un besoin soudain de se désaltérer. Cela faisait maintenant plus de trois heures qu'elle poireautait sur le quai. D'affreux picotements commençaient à monter le long de ses jambes, et son coup de soleil (à l'épaule, le premier de sa vie) la lançait.

D'un côté, à quoi s'attendait-elle, en marchant c par une journée brûlante comme celle-ci ? Elle n'avait ni lunettes ni chapeau ; aucune protection contre les turpitudes du monde.

Elle n'avait aucun repère, abandonnée, vulnérable, noyée au milieu de la foule.

Mais dans son désespoir et son incompréhension, elle n'était pas seule : un petit garçon aux cheveux bruns et aux lunettes cassées était exactement en train de vivre la même chose.

*****

Traînant ses pieds constellés d'ampoules, la fillette suivit les voix qui résonnaient près d'elle, dans l'espoir de leur demander de l'eau. Elle n'avait certainement pas fait tout ce chemin pour mourir desséchée ! Elle rassembla son courage et avança clopin-clopant vers les personnes, visiblement toutes membres de la même famille. Elle voulut ouvrir la bouche pour parler, mais aucun son ne se décida à sortir. Elle retenta. Toujours rien.

"Excusez-moi !"

C'était un garçon de son âge, aux cheveux bruns et aux yeux perçants. Il transportait tout un tas de bagages, dont une cage contenant une chouette blanche comme la neige.

"Est-ce que vous savez comment on..."

La gamine se contenta d'observer la scène suivante, tant elle lui parut surréaliste. Les deux garçons devant elle -elle apprit sans vraiment y prêter attention que l'un d'eux se nommait Ron- s'engouffrèrent tête la première dans le mur de briques situé entre les stations neuf et dix, pour finalement disparaître, comme happés dans un monde parallèle.

Et elle n'en croyait pas ses yeux, se les frottant des deux poings pour être sûre qu'elle ne rêvait pas. Elle prit une longue inspiration, tentant au mieux de chasser ces pensées absurdes.

"La magie n'existe pas, murmura-t-elle. Maman me l'a toujours répété."

Une voix inconnue s'éleva alors :

"Et bien, elle se trompe."

Meri retint son souffle, éberluée. Elle n'eût su dire d'où venait l'écho, ni même s'il était réel ou uniquement dans sa tête, mais une force incommensurable s'empara aussitôt de son corps, guidant ses moindres faits et gestes comme un enfant jouerait avec une marionnette. Ses jambes ne lui obéissaient plus, et la voilà qui s'approchait malgré elle de cette mystérieuse paroi.

Arrête-toi, bon sang, arrête-toi ! voulut-elle crier, mais déjà, les fourmillements cessaient et elle se retrouvait projetée à toute allure dans un nouvel univers.

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