Meri n'était pas heureuse. Depuis la mort de son père dans ce tragique accident de voiture, plus rien n'avait de sens. Le ciel était gris, les oiseaux ne chantaient plus qu'un funeste requiem, et même la Tamise semblait avoir perdu son charme d'antan.

Rien n'était plus comme avant, et rien ne le serait plus jamais. Une page de l'histoire venait de se tourner, répandant derrière elle une traînée de poussière.

Meri n'était pas comme les autres enfants. Elle n'allait pas à l'école, ayant l'interdiction formelle de quitter la maison. Elle ne savait rien des petits bonheurs de la vie, son monde étant uniquement constitué de quatre murs. Faire du manège ? Aller au zoo ? Manger une glace dans un parc et jouer des heures durant à cache-cache ? Toutes ces activités relevaient de l'inconnu pour la pauvre gosse, néanmoins, elle ne se plaignait jamais. La liberté ne pouvait lui manquer, elle qui ne l'avait jamais connue.

Elle n'avait aucun ami, cloîtrée du matin au soir dans sa prison de cristal. Sa mère ne lui faisait plus les cours à la maison depuis belle lurette déjà, probablement à cause du bébé. La quadragénaire avait bien assez à s'occuper de Lorianna, elle n'allait pas en plus perdre le précieux temps qu'il lui restait à éduquer sa fille aînée !

De temps à autres, Meri se plaisait à coller son visage à la fenêtre, rêvant d'un autre univers où tout serait possible.

Où la magie existerait.

*****

Meri n'avait que dix ans et demie lorsqu'elle apprit que son papa bien-aimé ne rentrerait plus à la maison. Aussi n'avait-elle pas pleuré quand les bras réconfortants de la babysitter s'enroulèrent autour de ses minuscules épaules. Elle s'était simplement contentée de hocher la tête, comme perdue dans un monde lointain, irréel.

Les camélias du vase de Chine ornant le buffet du salon avaient été cueillis le matin-même ; pourtant, à 23 heures 40, ils n'étaient plus que pétales flétris et desséchés.