Chapitre 3

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Chapitre trois

Sur la place du village, des voix d’enfants résonnaient. Frankie aperçut un peu plus loin deux garçons qui se disputaient. L’heure de l’école approchait et elle avait rendez-vous avec Sixtine chez la directrice afin de l’inscrire en CM2.

L’heure d’entrée en cours approchait et les écoliers arrivaient à pieds, en voiture, en car, seuls ou accompagnés par leurs parents, mais tous chaudement habillés. Il faisait froid. Frankie frissonna.

Un peu plus loin, deux enfants étaient en train de tirer les cheveux et de maltraiter une fillette qu’elle jugea un peu trop légèrement habillée pour la saison et le temps. La gamine s’enfuit, poursuivie un instant par les deux autres. Elle rejoignit une dame à l’aspect revêche qui devait être sa mère, un peu plus loin. Cette dernière fit signe à la petite fille de se dépêcher d’entrer en classe, sans réagir par rapport au harcèlement cruel dont la petite venait d’être victime devant elle.

- Sa mère ne la défend même pas ! S’exclama Sixtine choquée. Tu as vu ce qu’ils ont fait ? Je n’aime pas cette école. Je n’ai pas envie d’y aller.

- Je vois ça, répondit Frankie, je n’apprécie pas non plus. Mais il n’y a pas d’autre école, sinon tu dois te lever trop tôt et prendre le car. Après tout, continua-t-elle, tu n’as qu’un an à faire ici et même moins puisque les vacances de Toussaint sont déjà passées.

La directrice, une dame d’une quarantaine d’année, l’aspect neutre, les reçut dans son bureau pour l’inscription de Sixtine.

- Tu ne préférerais pas que je t’inscrive en CM1 pour que tu fasses le cycle complet dans une nouvelle école ? Demanda la directrice à Sixtine. Sinon tu arriveras dans des groupes d’amis déjà formés et puis tu risques de ne pas savoir suivre, vous n’avez peut-être pas abordé le programme de la même manière…

- Ah non alors ! Se récria immédiatement Sixtine. J’ai déjà fait un CM1, j’ai réussi, j’ai un bon bulletin de Toussaint en CM2 et je n’aime pas cette école, les enfants ne sont pas sympa du tout…

- Le programme est le même dans toutes les écoles, temporisa Frankie, de plus, si vous regardez son bulletin, vous constaterez que Sixtine est en avance…

La directrice était choquée et n’écouta qu’à peine les paroles de Frankie « Comment cela tu n’aimes pas cette école ? Mais tu ne la connaît pas. Comment peux-tu dire que les enfants ne sont pas gentils ? »

- Parce qu’ils se mettent à plusieurs pour frapper une fille plus petite qu’eux et personne ne réagit, répliqua Sixtine. Je veux vite passer en 6ème et ne pas rester longtemps ici…

- Je suis sûre qu’il s’agit d’un accident, les enseignants n’ont pas du voir ce qui se passait sinon ils auraient réagit…

- Oh si ils ont vu, répliqua Sixtine avec sa franchise crue, ils ont vu, sa maman l’a vu et personne ne l’a protégée.

- Bien, fit la directrice, je vais vous expliquer le fonctionnement de l’école et vous donner la liste des fournitures de l’année, continua la directrice comme si elle n’avait rien entendu.

Lorsque Sixtine et Frankie quittèrent la directrice c’était la sortie des cours. Les élèves qui ne mangeaient pas à la cantine rentraient chez eux. Certains parents discutaient ensemble en attendant leurs enfants, qui, trop petits, ne pouvaient pas rentrer seuls à la maison. Malgré le froid, la neige avait fondu et quelques hommes étaient assis à la terrasse du café, buvant un allongé ou plus souvent, un vin rouge. Certains observaient Frankie et sa fille avec curiosité.

Un peu mal à l’aise, elle se demandait ce qu’ils pensaient. Etaient-ils curieux ? Se demandaient-ils pourquoi des parisiens avaient acheté une maison perdue au fond de la campagne bretonne ? En ce qui la concernait, mis à part la maison et les terres alentours, elle se posait des questions sur les rares habitants du village qu’elle avait croisé et sur la mentalité de la directrice.

Elle s’approcha du ferronnier, qui effectuait principalement des réparations de serrures et des reproductions de clés, assis dans son atelier qui n’était autre que son garage. Elle lui demanda où se trouvait l’épicerie.

Le ferronnier la regarda d’un air ombrageux. Une énorme cicatrice lui déformait le visage.

- Vous montez la rue, et c’est juste derrière le coin… c’est la femme du maire qui tient l’épicerie et parfois quand le maire n’a pas de boulot à l’auberge, il s’en occupe lui-même.

- Je vous remercie, fit Frankie presque timidement, avec un sourire gêné, en s’éloignant rapidement dans la direction indiquée.

Frankie remonta la petite rue. L’épicerie se trouvait sur une petite place. Une voiture y était garée, quelques mètres plus loin. Frankie réalisa que depuis son arrivée, à part le quelques voitures sans permis, des tracteurs et le bus scolaire, c’était une des premières voitures qu’elle apercevait. A côté de la Porsche, un homme emmitouflé dans des vêtements d’hiver, manifestement de marque, cachaient ce qui semblait être une belle prestance parlait à un villageois. La voyant passer avec sa fille, ils regardèrent tous les deux dans sa direction. Il était trop loin pour que la jeune femme puisse véritablement voir son physique, mais quelque chose en lui la troubla, la ramena vers un lointain souvenir. Gênée, Frankie détourna le regard et entra dans la boutique.

Un petit carillon annonça l’arrivée de la jeune femme dans le magasin désert. Frankie regarda derrière le comptoir, les articles étaient parfaitement rangés sur des étagères. Une porte s’ouvrait sur une arrière-boutique qui ressemblait à une cuisine, exactement comme le magasin de sa grand-mère lorsqu’elle était petite, et dont un homme d’age mur sortit. C’était vraisemblablement le maire. Comment s’appelait-il encore ? Elle ne s’en rappelait plus. Autant elle avait une excellente mémoire en ce qui concernait les études et les renseignements destinés aux livres qu’elle écrivait, autant elle ne parvenait que très difficilement à se remémorer d’un visage ou d’un nom. De taille moyenne, bien bâti, il dévisagea Frankie avec insistance.

- Bonjour madame, que puis-je faire pour vous?

- Bonjour, je voudrais du pain, du sucre, du café... attendez, j’ai préparé une liste des produits dont j’ai besoin. Frankie tendit le papier à Raymond qui s’en saisit prestement.

- Très bien, fit-il en s’emparant d’un filet à provisions et en commençant à y déposer les articles notés sur la liste. Tout en rangeant, Raymond questionna la jeune femme «Excusez ma curiosité, mais vous êtes Frankie Bérancourt? C’est vous qui avez acheté le château?»

«Plait-il?» fit Frankie interloquée. Mais de quel château voulait il parler?

- Je suis Raymond Mercier, le fils de l’ancienne épicière et maire de Meslan. Ma mère est aujourd’hui à la retraite et j’ai repris son commerce. Enfin ordinairement c’est plutôt ma femme qui s’en occupe, car je suis souvent pris ailleurs. Je suis le maire du village et c’est moi qui ait fait mettre votre maison en vente... Je l’appelle «le château» comme tout le monde ici dans le village. C’était jadis une des plus riches manoirs des environs.

Frankie l’écoutait, vaguement rassurée.

- C’est rare qu’une personnalité comme vous s’installe par chez nous. Si ça pouvait donner des idées aux citadins pour les vacances, ça nous arrangerait bien, ça ferait marcher le tourisme et le commerce... Continua Raymond, s’apercevant que Frankie n’était pas très attentive à ses paroles..

- Et, qu’est-ce qui vous a amenée jusqu’ici? Je veux dire pourquoi avoir précisément acheté le château et vous être installée ici?

«Vous avez des cigarettes?» fit Frankie en éludant la question.

- Non, malheureusement, je n’ai que du tabac à rouler.

«Vous voulez autre chose?» questionna-t-il.

Frankie hésita à répondre, mais le carillon de la porte retentit et un petit groupe de femmes d’un certain âge pénétra dans le magasin.

- Non, ce sera tout, répondit Frankie impassible.

Raymond continua à la regarder en souriant. Dehors, la rue s’était vidée, les enfants étaient tous rentrés chez eux pour déjeuner rapidement avant que les cours ne reprennent.

- Ça vous fera quatorze euro, avec les pommes de terre. Et ça, c’est un cadeau de bienvenue.

Raymond posa un paquet de cigarettes dans le filet de Frankie.

Pendant ce temps, au fond du magasin, les autres clientes échangèrent quelques regards et dévisagèrent Frankie. Elles étaient plus curieuses que malveillantes au fond, mais Frankie se sentait mal à l’aise. Elle sortit un billet de vingt euro de son portefeuille.

- Non, vous embêtez pas! Je vous ouvre un compte comme tout le monde fait ici au village et vous payerez tout à la fin du mois.

Raymond était déjà en train d’écrire le nom de Frankie sur son cahier...

- Je préfère payer directement, insista Frankie, du moins si cela ne vous dérange pas?

Raymond était visiblement contrarié, mais se contenta de barrer le nom sur le cahier «Comme vous voudrez» fit il en prenant l’argent et en rendant sa monnaie à Frankie. Un mouchoir tomba du sac à main de la jeune femme sans qu’elle s’en aperçoive. Raymond, lui s’en était aperçu mais ne dit rien.

- N’hésitez pas à venir me voir s’il y a le moindre problème.

Frankie hocha la tête et se dirigea vers la sortie. «Je n’y manquerai pas, merci et bonne après-midi»

Raymond regarda la jeune femme partir. Malgré le fait qu’elle soit mal fagotée pour une auteure reconnue, qu’elle ait l’air un peu prétentieuse, il était fasciné par sa beauté et sa jeunesse. Vulgairement dit, il se la ferait bien.

- Au fait, reprit Frankie, la poste du village est toujours en activité?

- Vous avez de la chance, à cause du manque d’habitants la poste a failli disparaître, mais nous avons fait une pétition que j’ai appuyée et qui a été appuyée par le député de notre circonscription, et non seulement la poste est restée, mais en plus il y a un guichet de la banque postale et un distributeur automatique de billets. N’est-ce pas que les habitants ont eu raison de voter pour moi?

Raymond sourit à sa plaisanterie, sans réaliser que Frankie semblait peu disposée à parler d’elle, mais la jeune femme lui répondit poliment, par un sourire un peu forcé. Elle ouvrit la porte et s’éloigna dans la rue après avoir rangé son filet à provisions dans son sac à dos.

Raymond ramassa le mouchoir et le glissa dans sa poche. Il croisa le regard d’une cliente qui l’avait sans doute vu. Il sourit à la dame, sans se démonter.

- Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous?

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