Chapitre 1

5 minutes de lecture

Chapitre un

Frankie ouvrit les yeux sur un paysage de campagne enneigé. Qu’est-ce qui l’avait réveillée ? La température à l’intérieur de l’habitacle qui s’était brusquement rafraîchie ? Son fils qui avait levé le pied car la route était verglacée ? Ou ses enfants à l’arrière qui ne se disputaient plus et dormaient paisiblement, serrés les uns contre les autres, emmitouflés dans plusieurs couettes ? On roulait en pleine campagne. Le chauffage de la Golf était mort. Il faisait jour. On avait donc roulé toute la nuit ? Probablement car le ciel devenait clair. Cédric dut entendre à sa respiration qu’elle ne dormait plus.

- On est presque arrivés. Heureusement qu’ils se sont endormis, fit-il en lançant un regard vers ses frères et sœurs à l’arrière, mais probablement plus vers Thibault qui n’avait cessé d’énerver tout le monde et de piquer des crises de nerfs durant la première partie du voyage. Jusqu’à pousser à bout Anaïs et Sixtine qui tentaient de s’asseoir le plus confortablement possible, entre le chien, les affaires qui ne rentraient pas dans le coffre et Thibault qui faisait le pitre.

Mais combien d’heures avait duré le trajet ? La voiture roulait pratiquement à pas d’homme sur une route enneigée, dans un paysage enneigé.

- Il va être 9 heures, dit Cédric comme s’il avait lu dans les pensées de sa mère. Regarde le drapeau, continua-t-il en montrant le GPS, dans moins de trois kilomètres on est arrivés.

- Pas trop tôt. Marmonna Frankie. Je pensais qu’on n’en n’aurait que pour dix heures de route et là ça fait plus de 15 heures qu’on roule. Je pensais qu’il ne neigeait jamais en Bretagne ? Enfin, c’est ce que Marthe prétendait… « Il n’y a pas d’hiver ici. Il ne gêle jamais. Il fait minimum 10 degrés… Pffff ! »

- Arrête de râler c’est toi qui a voulu venir t’installer ici. Et puis c’est vrai que normalement il y a un microclimat. La neige ne durera pas longtemps.

Frankie soupira. Oui, c’était elle qui avait voulu que leur famille vienne s’installer en Bretagne. Ce n’était pas vraiment au programme, mais vu les circonstances et l’opportunité qui s’était présentée, refuser aurait été foncer dans le mur et laisser sa famille et ses enfants s’y fracasser. Ce n’était pas possible. Ils ne pouvaient plus continuer ainsi. Ils fallait prendre une décision et ils l’avaient prise. Tous les enfants n’étaient pas d’accord, mais Frankie espérait qu’ils comprennent un jour. La jeune femme étouffa un bâillement. Heureusement le panneau « Neblec’h » apparut. Difficilement visible à cause de la neige et de l’usure du temps. Cédric tourna à gauche et remonta le chemin cahoteux jusqu’à ce qu’au détour d’un virage, on découvrit une maison. Et quelle maison. Un magnifique manoir breton traditionnel, entouré de massifs d’hortensias, surmonté d’un toit d’ardoises, entourée de champs et de forêts.

Enfin la Golf s’arrêta devant la grande longère dont les volets bleus étaient fermés, mais dont la cheminée fumait.

Avant de descendre de la voiture, Frankie contempla le paysage. Derrière on pouvait voir se dessiner un paysage verdoyant et vallonné, recouvert de neige fraîche. La jeune femme entrevit, entre les arbre derrière la maison, des vestiges de «pierres levées», sortes d’anciens dolmens.

Un pâle soleil de fin d’automne dissipait doucement les brumes qui envahissaient les alentours de la maison. Frankie attendit que les enfants, réveillés, sortent du véhicule. Il faisait glacial. Le chauffage était mort. Elle grelottait, mais récupéra les couettes sous lesquelles les enfants s’étaient endormis. Depuis le drame, elle avait horreur des voyages en voiture. Elle n’avait même plus faim. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était prendre un bon café bien chaud, se coucher dans un lit et surtout dormir, dormir, dormir et encore dormir, et ne plus penser à rien. Oublier pour un temps la raison qui l’avait pousser à tout quitter sans rien emporter d’autre que ses enfants et ses animaux.

En dehors du drame ou peut-être à cause de lui, elle n’en pouvait plus de se faire bousculer par une foule de gens, tous plus pressés les uns que les autres. Pressés d’aller travailler. Pressés d’attraper leur bus. Pressés de rentrer à la maison après avoir travaillé de nuit. Pressés d’aller au collège ou au lycée pour les adolescents…

Frankie pris son sac posé par terre, laissa sortir son chien qui ne demandait qu’à se dégourdir les pattes. Il allait pouvoir s’en donner à coeur joie ici, au milieu des champs. Pas un seul voisin en vue, quelle chance inouïe.

Maxence sortit de la maison, essayant de se donner l’air impassible, mais heureux tout de même de retrouver sa mère ainsi que ses frères et sœurs. Avec un sourire un peu gêné, comme toujours dans ces cas-là, il embrassa sa mère et la laissa lui faire un câlin. Faveur suprême. Cédric avait déjà pris les deux plus gros sacs et était entré dans la maison, pendant qu’Anaïs, Sixtine et Thibault embrassaient à leur tour Maxence, avant de prendre chacun le plus possible et de suivre leur frère à l’intérieur de la maison.

Frankie suivit ses enfants. Elle remarqua que Sixtine s’était endormie, son Ipod sur les oreilles. Sixtine était un peu comme Maxence, elle ne parlait que lorsqu’elle le voulait bien. La plupart du temps, elle essayait de se fondre dans la masse, de passer inaperçue, voir de faire semblant de «faire la tête» afin de dissuader les gens de leur adresser la parole. Les deux enfants étaient « différents ». Une des multiples raisons de leur départ. Mais Frankie n’avait pas envie de penser à tout cela. Elle était partie pour une nouvelle vie. Il fallait oublier le passé et toutes ces souffrances. Malheureusement, il fallait expliquer cela à son cerveau, qui lui, fonctionnait jour et nuit, 24 heures sur 24, et qui ne lui permettait pas d’oublier, de penser à autre chose.

Elle aussi était « différente ». Ses enfants avaient hérité d’elle leurs « troubles », hyperactivité, TED, autisme, TDAH. Elle avait eu ses enfants très jeune. Elle avait à peine 17 ans lorsque Cédric était né. Elle n’avait pas su passer son bac. La naissance du bébé en mai, une péridurale ratée qui lui avait laissé des séquelles durant des mois, un problème avec le bébé qui avait du être hospitalisé dans un service de néonatologie et dont on n’était pas sûr qu’il survivrait. Heureusement, Cédric avait survécu. Il avait 18 ans et s’était lancé dans une licence en informatique.

La jeune femme… à 35 ans, pouvait-on encore être considérée comme étant « jeune » ? faisait plus jeune que son age. Son visage dans lequel brillaient deux yeux d’un brun presque noir qui, si la plupart du temps étaient voilés d’une tristesse indicible, pouvaient vous transpercer comme une flèche mortelle si vous insistiez lorsqu’elle n’avait pas envie de parler ou de faire quelque chose.

Sa manière de s’habiller également la distinguait des autres femmes (mères?) de son âge. Elle détestait la mode, le maquillage, les vêtements féminins. Elle n’était jamais aussi à l’aise que vêtue d’un simple jean’s surmonté d’un Tshirt la plupart du temps noir ou kaki et d’une paire de baskets aux pieds. Comme l’hiver approchait, Frankie avait endossé une veste de style militaire couleur Kaki.

Au premier abord, on aurait dit une adolescente ou une jeune adulte banale. Il fallait vraiment la regarder au fond des yeux, au fond du cœur, pour s’apercevoir qu’elle était en fait jolie plus que belle, mais qu’elle n’avait pas du tout envie qu’on la regarde.

Oui, elle faisait plus jeune que son âge, mais avait bien plus d’expériences que les autres femmes et mères de sa génération.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire FrancescaCalvias ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0