Chapitre 11 : Faire confiance, c'est négliger sa vigilance

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À la même manière que Esther, le jeune homme inspira profondément avant de prendre la parole. Aussi banale son histoire soit-elle à ses yeux, il ne pouvait s'empêcher de se sentir nerveux à l'idée de la conter étant donné qu'il ne l'avait jamais fait auparavant. Et dire qu'il allait confier ses petits soucis d'humain à une divinité, même maintenant, ça lui semblait encore illusoire.
— Bon, pour commencer, je m'appelle Ethan Evans et je suis le fils de Elizabeth et William Evans.
— Tu es d'origine britannique ?
— Question rhétorique, déclara t-il en levant les yeux au ciel.
— C'est vrai. Désolée, tu peux continuer.
— Tu as dû remarquer que je ne m'étais pas trop étendu au sujet de mes parents contrairement à toi.

Esther hocha la tête en haussant les épaules d'un air navré.
— Il n'y avait pas vraiment de raison particulière, je n'avais juste pas entièrement confiance en toi à vrai dire, avoua t-il en se grattant convulsivement la nuque.
— C'est compréhensible, tu n'as pas à avoir honte ! Je suppose que c'est dans votre nature d'être méfiant, ou plutôt, prudent. C'est moi qui suis bien trop naïve.
— Permet moi d'émettre des doutes sur ce point... Enfin, si mes parents ne vivent pas avec moi c'est parce que leur campagne natale est bien trop reculée par rapport à mon lycée. Ça c'est la raison officielle. Officieusement, ils ne s'entendent juste plus de tout. Mon père dilapide leur argent pour des plaisirs égoïstes et ma mère ne supporte plus ses coups fourrés, ses manières et ses promesses hypocrites. Comme je n'en pouvais plus de vivre dans cet environnement conflictuel, j'ai préféré quitter disons... Le nid familiale.
— C'est compréhensible. Cependant, si ils s'entendent si mal, pourquoi restent-ils ensemble, demanda t-elle, légèrement confuse par l'absurdité de la situation.
— Pour moi. Ils veulent s'assurer que je puisse terminer mes études sans me soucier du coût de celles-ci et je présume que c'est plus facile avec deux salaires, expliqua t-il en triturant les lacets de ses chaussures avec un sourire adouci.

Esther resta pantoise. Elle avait toujours côtoyé des dieux égoïstes seulement focalisés sur leur petite personne, comment avaient-ils pu créer des créatures aussi charitables ?
— C'est admirable. Ils sacrifient leur bonheur personnel pour se préoccuper du tien. C'est une belle preuve d'amour je trouve, affirma la jeune divinité les yeux brillants.
— Et c'est toi qui disait de moi que j'étais sentimental ? Enfin, tu as surement raison, admit -il dans un soupir.
— D'ailleurs, en parlant de preuves d'amour. Comment vous les humains pouvez exprimer ce genre de choses, demanda Esther dans le plus grand des sérieux, on n'a jamais voulu m'en parler au Domaine.

Ethan vira au rouge presque immédiatement, heureusement pour lui, Esther ne le remarqua pas grâce à l'obscurité de la nuit. Et dire qu'il avait pensé qu'elle écouterait un minimum ses conseils sur la subtilité...
— Et bien... De quel genre d'amour parles-tu ?
Il espérait secrètement que la conversation s'éternise et se disperse pour qu'elle soit lassée mais il savait pertinemment que c'était vain sachant de source sûre que la jeune divinité était obstinée et entêtée.
— Et bien, le genre d'amour qui a poussé tes parents à te concevoir. J'aimerais savoir comment ça se manifeste.
Le jeune homme se mit à gigoter et à fuir son regard, mal à l'aise.
— Et bien... Lorsque tu aimes une personne, ton cœur bat plus fort, tu te sens heureux sans raison particulière, une douce torpeur t'envahit, tes mains sont moites, tes joues sont rouges quand l'être aimé est à tes côtés... C'est difficile d'expliquer ce genre de choses, l'amour c'est assez abstrait.
— Ça m'a l'air fascinant, murmura Esther pensive, se demandant si elle avait déjà ressentie de pareilles choses.
— Après, lorsque les sentiments sont réciproques ces deux personnes peuvent se tenir la main, s'enlacer, s'embrasser et... Et...
— Et cycle de la reproduction ?
— C'est ça !
— Pour ce qui est de l'accouplement je connais la théorie mais pour ce qui est de se tenir la main par exemple. Nous nous sommes tenus par la main tout à l'heure et pourtant il ne s'agissait pas de ce genre d'amour, je me trompe ? Pourtant, je crois me rappeler que la tienne était toute chaude. C'est un symptôme aussi non ?

Pour s'en assurer, elle entrelaça ses doigts à ceux de Ethan qui eux s'étaient raidis à son contact. Le jeune homme s'empourprait de plus en plus ce qui ne passa finalement pas inaperçu aux yeux de la jeune divinité. Décidée à le taquiner encore plus, elle rapprocha son visage du sien de façon à ce que leurs nez se touchent presque, plongeant son regard dans le sien avec un sourire encore plus malicieux qu'à l'accoutumée.
— Si je suis ton raisonnement on doit s'embrasser après ça donc...
— Ah non ! Tu as oublié l'étreinte, répondit-il au premier degré en essayant de se dégager de son emprise, complètement cramoisi.

Alors qu'il se penchait de plus en plus en arrière pour échapper à cette proximité si embarrassante, Ethan perdit l'équilibre et tomba sur le dos, entraînant Esther dans chute qui vint s'écraser contre son torse. Alors que le jeune homme était complètement paralysé par la gêne sous ce poids plume, la jeune divinité, elle, riait aux éclats, essayant tant bien que mal de se relever en s'appuyant sur ses épaules.
— Il ne faut pas grand chose pour vous troubler vous les humains, affirma t-elle entre deux ricanements.
— Qui ne le serait pas dans une situation pareille, rétorqua t-il en passant son bras devant ses yeux pour dissimuler son regard.
— Et bien moi, par exemple.
— Disons que tu es l'exception qui confirme la règle.
— Enfin, question plus sérieuse, si l'on éprouve ce genre de sentiments, quelle honte y a t-il à les exprimer ouvertement ?
— Si la personne pour laquelle tu les éprouves ne ressent pas la même chose, ça peut vite devenir gênant.
— Et si c'est réciproque ?

Ethan releva son bras pour lui faire face, désormais plus curieux que mal à l'aise.
— Pourquoi tu t'intéresses à ça, demanda t-il en ignorant royalement sa question.
— C'est intéressant et... Ça peut toujours servir.
— Tu l'as dit toi même, tu n'es pas une déesse de la création, qu'est ce que ça pourrait t'apporter de connaître quelque chose sur l'amour humain étant donné que tu ne peux rien concevoir ?
— Et bien, des enfants peuvent aimer, des adolescents aussi et pourtant, cela m'étonnerait que l'idée de procréer leur traverse l'esprit. De plus, vous semblez être des créatures qui se préoccupent d'avantage des sentiments que de la raison. C'est à la fois admirable et complètement stupide. Enfin, je suppose qu'il s'agit des caractéristiques qui vous définissent. Vous pouvez être à la fois clairvoyants et déraisonnables. Enfin, comme je vous étudie, il est normal que je m'intéresse à vos modes de communication.
— Tu n'as toujours pas répondu clairement à ma question.
— Rien ne m'oblige à y répondre.

Esther se releva enfin puis attrapa Ethan par le col pour l'aider à faire de même.
— Je n'avais pas remarqué au fait, mais les nuits terriennes sont vraiment magnifiques, notifia t-elle en tournant le dos au jeune homme pour admirer les milliers d'étoiles qui parsemaient le ciel encre.
— Tu ne serais pas tombée amoureuse par hasard, demanda le jeune homme sur un ton ironique.
— De qui, toi ? Hum...
Elle marqua une courte pause avant de hausser les épaules.
— Peut-être bien après tout.

Pris de court, Ethan revira rouge pivoine tandis que Esther, elle, continuait de rire sous cape.

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