Chapitre 10 : La confidence est contagieuse

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— Tu es vraiment immature Esther, la critiqua t-il avec une fausse rancune.
— Et alors, s'exclama t-elle entre deux éclats de rire.
Pour seule réponse, il lui projeta une vague d'eau sur le visage qu'elle lui rendit immédiatement.

Ainsi, le duo continua de batifoler dans le lac une dizaine de minutes à la manière de deux enfants au parc aquatique à force d'éclaboussures et de ricanements innocents. Le poids de l'accablement qui s'était précédemment installé sur les épaules de Esther avait disparu à l'instant même où elle était rentrée en contact avec l'eau claire. Désormais, rien n'avait plus d'importance que d'essayer de faire boire la tasse à son ami récemment nommé.

Après quelques temps à lutter contre la poussée d'Archimède, les deux jeunes gens, épuisés et trempés jusqu'aux os retournèrent se hisser sur le ponton. Malgré leur respiration saccadée, ils ne pouvaient s'empêcher de rire de manière absurde, sans aucune raison particulière.
— C'est donc ça la folie ? C'était sympa à expérimenter, articula Esther en s'étendant telle une étoile de mer sur les planches de bois.
— C'était ridicule mais amusant j'en conviens, admit Ethan en l'imitant.
— Comment on appelle ce genre de moment ici ?
— Je ne sais pas. Je pense que c'est simplement un instant de quiétude et d'ingénuité.
— Je ne te pensais pas si sentimentale, déclara t-elle en gloussant.
— Moi non plus à vrai dire, admit-il en se relevant, on devrait peut-être les rejoindre.

Il désigna la fumée incandescente du barbecue au loin.
— Je suis prêt à parier que tu as faim, rajouta t-il en lui tendant sa main pour l'aider à se relever.
— Tu me connais si bien, répondit-elle en acceptant volontiers le soutien de sa poigne.

Une fois debout, elle crissa des dents tant il était inconfortable de porter des vêtements trempés qui, par définition, lui collaient à la peau.
— Tu devrais peut-être changer de vêtements, lui conseilla Ethan.
— Et toi ? Tu vas rester tel quel ?
— On dirait bien. Jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas de pouvoirs magiques.
— Dans ce cas, moi aussi je vais rester comme ça.

Esther ne se justifia pas plus et repris sa marche en direction du barbecue. Ethan lui poussa un petit soupir dans un sourire. La jeune divinité était entêtée, certes, mais il percevait un début de philanthropie dans son attitude compatissante.

Les deux jeunes gens continuèrent de marcher côte à côte en silence jusqu'au groupe de lycéens. Arrivés à leur hauteur, ils furent à nouveau accueilli par une ribambelle de yeux en soucoupes.
— Qu'est ce qui vous est arrivé, demanda Alice ne les détaillant de haut en bas.
— On est juste tombé dans l'eau, se justifièrent-ils dans une parfaite synchronisation.
— J'ai une impression de déjà-vu, notifia Markus en leur tendant à chacun une assiette contenant des pièces de viande et quelques snacks.
— Merci beaucoup monsieur l'Impertinent, répondit Esther à ses insinuations déplacées, de plus en plus agacée par ses manières grossières.

Elle lui adressa un grand sourire caricatural avant d'enfourner un cracker dans sa bouche.
— Je crois que j'ai compris le message, indiqua t-il, battant en retraite vers le reste du groupe.
— Est-ce que c'était inconvenant de répondre ainsi, demanda la jeune divinité après le départ du rouquin en se retournant vers Ethan.
— Absolument pas.
— Me voilà rassurée, ça m'aurait ennuyé de toucher sa fierté, répondit-elle sur un ton faussement désolé.
— Mais bien sûr...

Alors qu'à l'origine Esther voulait converser avec d'autres humains, finalement, elle et Ethan se détachèrent du reste du groupe et passèrent leur soirée à part dans un endroit reculé sur la crique. Leur discussion d'abord innocente et bon enfant commença à dériver sur le même sujet sensible qu'ils avaient commencé à aborder précédemment au bord de l'eau.
— On riait bien tout à l'heure mais... Il serait peut-être temps que chacun raconte son histoire non ?
— Je suis d'accord, on ne pourra que mieux s'entendre après ça, affirma Esther, je commence.

Elle engloutit un morceau de sa merguez puis inspira profondément.
— Pour commencer, je vais me présenter en bonne et due forme. On m'a initialement baptisé Esprit Renard mais tu peux toujours m'appeler Esther. Tu dois toujours m'appeler Esther, c'est mon identité désormais. Je suis une déesse mineure, messagère des Dieux. Énoncer de cette manière, on pourrait penser que ce titre honorifique est gratifiant. On pourrait oui... Mais ce n'est qu'en apparence. Pour que tu puisses bien comprendre le reste de mon récit, je vais devoir t'expliquer quelques unes des caractéristiques propres aux Divins.
Nous incarnons tous quelque chose. Des traits de caractère, des valeurs, une certaine vertu... Selon les mots de mon créateur, je devais représenter l'espièglerie, l'esprit libre, la malice... Je crois que je respecte plutôt bien ces critères.

La jeune divinité prit une courte pause pour déglutir tout en baissant les yeux sur son assiette.
— Je n'ai jamais su pourquoi on m'avait conçu ainsi. Je me demande même si je le saurai un jour, ou du moins, de leur bouche. Ils ne m'ont pas aidé non plus à comprendre. Non. Ils passaient leur temps à m'insulter, me rabaisser pour ce que j'étais, pour ce que je suis, pour ce qu'ils avaient décidé de ce que j'allais incarner. J'en vins même à me demander si il ne s'agissait pas là d'une sorte d'apprentissage, de leçon de vie.
Je ne sais pas si vous les humains pouvez imaginer un siècle de persécutions, d'insultes en tout genre. C'est surement inconcevable. Ce laps de temps devrait sembler ridicule à mes yeux d'immortelle mais... Pourtant, cela m'a paru long, interminable même. Je voyais mon centième anniversaire comme une sorte de porte de sortie. J'allais enfin avoir le droit de quitter cette jolie cage dorée.
Dans mon enthousiasme innocent, j'avais placé beaucoup d'espoir sur la Terre, sur vous. Le retour à la réalité fut donc rapide et violent. Je suppose que tu le sais déjà de toute manière comme tu as été témoin de mon état pitoyable.
Voilà, tu sais à peu près tout.

Ethan ne savait comment réagir. Comment un gamin d'à peine dix-sept ans pourrait concevoir autant d'années de harcèlement moral ? Comment pouvait-elle même continuer de sourire après ça ? Un millier de questions l'assaillit mais il ne pouvait en formuler aucune oralement. Le jeune homme commençait doucement a réalisé que jamais il ne serait aussi mature et adulte qu'elle malgré les apparences. Il avait dû lui en falloir du courage et de la sagesse pour supporter un tel traitement durant un siècle.
— C'est pour ça que... Merci Ethan. Merci beaucoup.

Elle prononça ces mots avec la même expression à la fois apaisée et mélancolique qu'elle avait abordé précédemment sur le ponton. Les derniers rayons de soleil projetés sur son profil adoucissaient encore plus ses traits.
Après quelques instants de flottements, où le temps semblait suspendu, Ethan ouvrit la bouche pour commencer à parler et Esther en profita pour glisser une tomate cerise à l'intérieur avant de glousser.
— Je voulais juste te dire "de rien" tu sais, se justifia t-il la bouche pleine.
— J'avais compris, lui signala t-elle.
— Bon et bien, à mon tour je suppose.
— Je ne t'oblige à rien tu sais, le prévint la jeune divinité.
— J'avais compris, répéta Ethan en souriant à son tour.

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