Chapitre 9 : L'erreur est humaine, le pardon divin

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Le petit groupe de lycéens prit place sur l'étendue de serviettes, Esther les imita en silence, bien trop occupée à les détailler du regard. C'était l'unique chose qu'elle s'autorisait à faire étant donné qu'ils étaient plongés dans une conversation que seulement eux pouvaient partager. Son sourire s'estompa au fur et à mesure que le dialogue se prolongeait. Malgré la faible distance qui les séparait physiquement, la jeune divinité avait l'impression qu'ils étaient à des kilomètres de sa personne.

Mal à l'aise dû à cette mise à l'écart, elle tourna la tête vers le lac cherchant un semblant de réconfort dans cette grande étendue d'eau calme. Non, il n'était pas l'heure de flancher. Résolue et déterminée, elle serra ses poings sur ses cuisses et releva la tête vers eux.
— Excusez moi, je ne vous connais pas très bien, pourrions nous engager les présentations ?

Les jeunes gens se retournèrent vivement vers elle, la fixant avec de grands yeux ronds comme si ils venaient de se rendre compte de sa présence.
— Tu as raison, excuse nous pour t'avoir légèrement éclipsé, cela faisait un bon bout de temps que nous ne nous étions pas retrouvés avec toutes ces histoires de révisions et d'examens, s'acquitta l'une des deux jeunes filles en lui faisant entièrement face, esquissant un sourire contrit.
— Il n'y a pas de mal à ça, j'avais cru comprendre que c'était important.
— Si c'est important... J'ai l'impression que toute notre vie va se jouer ce mois-ci, affirma le jeune homme en riant nerveusement.
— Enfin, avec tout ça, nous n'avons même pas encore dit explicitement qui nous sommes ! Je suis Alice, je concède que ce n'est pas très original comme prénom mais que veux-tu, et voici Connor et Abby, indiqua t-elle en les désignant tour à tour du doigt.
Ils lui adressèrent chacun un timide signe de main amical qu'elle leur rendit.

— On a tous dix-sept ans. Markus parlait du fait que tu étais encore au collège tout à l'heure mais quel âge as-tu réellement Esther, demanda le jeune homme en fronçant les sourcils.
— C'est vrai... Tu n'es pas bien grande en taille mais comment dire, compléta Alice en mimant des courbes avec ses mains, tu fais disons, je dirai, plus adulte ? Je ne sais pas vraiment à vrai dire.
La jeune divinité leva les yeux un court instant, réfléchissant à toute vitesse. Quel âge sonnerait le plus crédible à leurs oreilles ?
— Et bien j'ai quinze ans, tenta t-elle peu assurée par leurs possibles suspicions.
— Tu as deux ans de moins que nous alors. Profite bien de tes derniers jours au collège, le lycée s'est vraiment un pur calvaire.
— J'y compte bien...

Chacun se tut un court instant, le temps que Abby leur ouvre un paquet de chips pour accompagner la conversation. Esther ne se priva d'ailleurs pas pour piocher à l'intérieur à grandes poignées.

— Au fait, ça me titille depuis tout à l'heure mais, tes cheveux, c'est naturel cette couleur ? En tout cas, si c'est une teinture, je veux l'adresse de ton coiffeur, la complimenta t-elle.
— Et bien merci pour commencer et ensuite, oui, c'est bien leur couleur originelle, confirma t-elle en triturant ses mèches du bout des doigts.
— Tu as une sorte d'albinisme ? Ta peau est également très pâle c'est pour ça que je demandais, excuse moi si je t'ai offensé !
— Il n'y a pas de mal, déclara t-elle d'un ton posé, je n'ai pas ce genre de pathologie c'est juste... Naturel.
— Je peux te les coiffer, demanda Alice, les yeux pétillants.
— Bien sûr !

La jeune fille vint s'accroupir derrière Esther et commença à lisser ses mèches avant d'entreprendre le tressage.
— C'est étrange... Étant donné qu'ils faisaient des épis, je pensais qu'ils seraient fourchus mais ils sont extrêmement doux. Comme j'aimerais en avoir des similaires...
Esther se remémora les conseils que lui avait prodigué Ethan pour complimenter les autres humains. Être plus subtil avec eux... Après quelques instants de réflexion, elle reprit la parole.
— Je pense que tes cheveux sont très bien comme ça. Le blond s'accorde parfaitement à ton teint.
— Oh et bien, merci.
— Sinon Esther, depuis quand vous connaissez vous avec Ethan ?
— Et bien...
Comment pouvait-elle décemment affirmer que cela ne faisait que deux jours ? Rien ne serait plus suspect...
— Arrête Alice, ça ne nous regarde pas, intervint Connor en la considérant avec sérieux.
— Je suis curieuse c'est tout.
— Si elle avait voulu nous le dire, elle l'aurait fait, la sermonna t-il sèchement.
— J'ai terminé, clama t-elle, ignorant royalement la remarque de son ami.

L'ambiance se refroidit tandis qu'elle retournait à sa place. Chacun fixait un point invisible sur le sol, ne sachant plus comment rentamer la conversation.
— Nous devrions commencer à préparer le barbecue, déclara Abby à demi-voix en commençant à farfouiller dans la glacière, rapidement rejointe par ses deux compères.
— Je reviens dans quelques minutes, les informa Esther en se relevant avant de prendre la direction du ponton.

Une fois au bout de l'embarcadère, elle retira ses chaussures, s'assit sur le rebord, plongea ses pieds dans l'eau fraîche et dirigea son regard vers le soleil qui déclinait à l'horizon. La jeune divinité poussa un long soupir en repensant aux événements récents. Cette découverte de la société humaine était à la fois galvanisante et épuisante psychologiquement. Et dire qu'elle avait cru un instant qu'elle pourrait enfin être honnête et ne plus répéter les mêmes formules d'hypocrisies qu'au Domaine des dieux... Comment avait-elle pu être aussi crédule ? Esther jeta un bref coup d'œil vers le petit groupe de lycéens qui semblait avoir repris leur conversation avec le même entrain qu'auparavant et esquissa un triste sourire à la vue de ce spectacle. Elle était donc bien l'élément perturbateur de cette joyeuse bande.

Elle ne pouvait pas l'apercevoir mais Ethan l'observait au loin avec la conscience amère. Ce qu'il redoutait s'était finalement produit, elle avait été mise à l'écart, consciemment ou inconsciemment. Considérant qu'il avait une part de responsabilité dans sa solitude, il s'empressa de sortir de l'eau, de se rhabiller puis de la rejoindre.
Esther ne réagit pas tout de suite et demeura silencieuse alors que le jeune homme s'asseyait à ses côtés, dirigeant lui aussi son regard vers le crépuscule.

— C'était peut-être une erreur, finit-elle par dire tout bas, accompagnant ses mots d'un sourire mélancolique, vide de toute l'énergie et l'entrain qui l'animaient depuis son arrivée sur Terre.
— De rester avec ces idiots ? Ça oui je te l'accorde.
Elle rit à l'absurdité de ces propos, même sans accompagner son esclaffement de joie pour autant.
— De venir ici je veux dire, rajouta t-elle dans un soupir las.
Ethan réfléchit un instant pour bien peser ses mots. Que pouvait-il répondre à ça ? Devait-il aller dans son sens ou bien se dresser contre elle ? Il décida de suivre le principe auquel la jeune divinité semblait accorder le plus d'importance : l'honnêteté.
— Peut-être bien que c'était une erreur. Après tout, qui suis-je pour prétendre le contraire ? Tu n'arrives pas à t'habituer à nos coutumes et à toute la comédie autour des relations entre les Hommes malgré tes efforts.
— C'est encore plus pénible de l'entendre de ta bouche, déclara t-elle en recentrant son regard sur la tombée du jour.
— Malgré tout ce que je viens de dire, je ne pense pas que ça ait été une mauvaise chose que de venir sur Terre.
— Pourquoi Ethan dans ce cas ? Tu viens quand même de me déballer une bonne série d'arguments qui tendrait à me faire penser le contraire, répliqua t-elle sèchement.
— Ça fait parti des Hommes la déception tu sais.

Esther se retourna vivement pour lui faire face, il fit de même et leurs regards se croisèrent.
— Arrête moi si je me trompe mais j'ai comme l'impression que tu parles en connaissance de cause Ethan...
— C'est une histoire pour un autre jour, avoua t-il en souriant légèrement, en tout cas, il serait peut-être temps que tu me racontes la tienne pour que je puisse t'aider.
La jeune divinité se releva, sans le quitter des yeux. Les commissures de ses lèvres se relevèrent malicieusement, dévoilant ses belles canines.
— C'est une histoire pour un autre jour, répéta t-elle avant de le pousser dans l'eau et de sauter à son tour dans le lac.

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