Les fiancés du festival

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  La première fois que j’ai rencontré Gilles et Patricia, c’était au festival de musiques traditionnelles qui a lieu tous les étés en août. Ils faisaient partie des bénévoles et leur poste consistait à distribuer des bouteilles d’eau. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’ils se sont rencontrés et ne se quittent plus depuis. Je les retrouve presque chaque mardi près de la mairie. Je les ai retrouvés un soir Gilles près de la gare, sur le couloir des bus où les associations qui viennent en aide aux gens de la rue font une grande halte pour distribuer des cafés, des soupes, des sandwichs et bien d’autres choses encore. Dans l’attroupement qui se forme sitôt le camion garé, on croise des personnes, surtout des hommes, de divers horizons. Gilles était venu récupérer un peu de victuailles, seul. Il nous avait affirmé qu’il ne voulait plus venir à la gare à cause d’une bagarre qui avait eu lieu un soir. Il faut ajouter aussi que Patricia est une femme tellement exubérante qu’il n’ose plus venir avec elle au milieu des autres personnes. Alors depuis, je retrouve les deux tourtereaux sur un petit parking, non loin du Mac Do.

  Patricia est belle, souriante, joyeuse. Elle met d’ailleurs beaucoup de soin à se maquiller et sa gentillesse est toujours extrêmement démonstrative. Nous arrivons régulièrement à collecter des produits de beauté, du maquillage, des crèmes hydratantes que nous mettons à part dans le camion avec son prénom inscrit sur le sac. « Je vous aime » nous dit-elle souvent, avalant la soupe faite par la cantine du lycée. Les élèves bénévoles qui nous accompagnent dans cette maraude sont souvent surpris de voir le couple. Même dans la rue, sans toit ou malade, ils découvrent qu’on peut encore trouver l’amour et le vivre, malgré tout. Régulièrement, Gilles me demande si je n’ai pas un sous-vêtement pour sa belle. Je déballe d’un grand bac un soutien-gorge ou une culotte que nous avons reçus en don. Patricia n’en saura rien, son homme veut lui faire la surprise.

  Gilles est un homme doux, prenant soin de lui et des autres. Il s’inquiète de ne plus voir Alain. Nous lui expliquons qu’il a trouvé un logement, que s’il n’est plus là, c’est bon signe, que cela laisse penser qu’il n’a plus besoin de notre aide. Gilles vit avec Patricia dans un appartement. Mais les maigres moyens qu’ils ont à deux ne leur permettent pas de faire des projets d’avenir. Il la surveille car elle a tendance à boire. Certains soirs, lorsqu’elle parle avec nous, un mot l’amuse sans qu’on puisse en deviner la raison. Elle se lance alors dans un grand fou rire avec de grands éclats de voix qui résonnent dans l’air du soir. Sa voix rocailleuse peut aussi s’éteindre dans une quinte de toux qui semble ne pas pouvoir se terminer. Gilles est quelques fois seul au rendez-vous. Il se confie alors, raconte les soucis de santé de sa fiancée, dévoile ses crises de jalousie. La sœur de Patricia est là aussi. On ne saura pas tout de la situation financière du couple, pas davantage lequel parvient à payer le loyer. On croit deviner une curatelle mais rien n’est certain.

  Quand le camion part avec à son bord tous les bénévoles, il faut saluer le couple. Auparavant, Patricia aura pris dans ses bras tous les bénévoles. Passage obligé d’une affection touchante qui déstabilise parfois les adolescents qui font leur première maraude. Lorsque le chauffeur s’arrête au stop, le couple fait des grands gestes avec les bras. Mardi prochain, c’est certain, ils seront là. Fidèles au rendez-vous d’une certaine amitié.

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